Infundibulum Scientific

RESSOURCES POUR ENSEIGNER LE SAVOIR PENSER L’ESPACE EN CLASSE DE SIXIÈME AU SÉNÉGAL

Recursos para la enseñanza de pensar el espacio en el sexto grado en Senegal

Resources for teaching space thinking in sixth class in Senegal

Mamadou THIARÉ
mathiare@hotmail.fr
Ismaila MBODJI
s.ismaila24@yahoo.fr
Amadou Tidiane Ba
tidianeba83@yahoo.fr
Djibril DIONE
djibrildione03@gmail.fr
(Université Cheikh Anta Diop de Dakar)

Résumé

Mots-clés, Keywords, Palabras clave

apprentissage, aprendizaje, compréhension, comprensión, education, enseignement, enseñanza, geografía, géographie, geography, learning, material didáctico, matériel didactique, teachning material, understanding

TEXTE INTÉGRAL

Introduction

La géographie a longtemps été perçue et enseignée comme l’étude descriptive de la surface de la Terre. Or, depuis quelques décennies déjà, ce savoir n’est plus suffisant pour apprendre le monde, ou pour créer ce que plusieurs auteurs appellent « un rapport géographique au monde » (J. F. Thémines, 2006). C’est-à-dire, un savoir opératoire dont le but est d’étayer le choix réfléchis que les apprenants auront à faire en tant que citoyens lorsqu’ils seront confrontés à des questions portant sur les relations que les sociétés humaines tissent avec l’espace.

Au Sénégal, l’enseignement de la géographie est circonscrit dans un programme de formation spécifique et il est le reflet cette géographie scientifique en évolution. Ainsi, les représentations habituelles marquées par l’encyclopédisme et l’exigence de la mémorisation faisant de la discipline un corpus de connaissances peu opératoire et appartenant au domaine de savoir factuel se heurtent à une nouvelle approche. Celle-ci, guidée par le principe directeur du savoir penser l’espace, fait appel à des notions et concepts capables de faire acquérir aux apprenants une compréhension des relations complexes entre l’homme et l’espace. Cet espace géographique, qui est une construction intellectuelle spécifique de la discipline, s’appuie sur un ensemble de concepts et de démarches mis en œuvre pour rendre compte de la production sociale de l’espace terrestre (J. Fontanabona, 2000). Ces démarches convoquent un ensemble de ressources nécessaires à l’enseignement du savoir penser l’espace.

Ce constat nous pousse aux interrogations suivantes : Qu’est-ce que le savoir penser l’espace implique comme ressources en classe de sixième ? Quelles sont les démarches adoptées par les enseignants pour enseigner le savoir penser l’espace ? Quelle sont les capacités visées par les enseignants dans l’enseignement du savoir penser l’espace ? C’est là l’objet de la présente recherche qui vise à examiner de manière critique les ressources qu’impliquent l’enseignement du savoir penser l’espace en classe de sixième au Sénégal, apprécier le projet scolaire associé à l’utilisation de ces ressources mobilisées par les enseignants en classe en rapport avec le savoir penser l’espace. Après avoir défini le cadre théorique de l’étude, nous en expliquons la méthodologie avant de présenter et discuter les résultats.

1. Cadre théorique

1.1. La dimension spatiale : une expression identitaire de la géographie

La géographie est un savoir organisé qu’une société juge utile de transmettre à la génération suivante (S. Laurin, 2009, p. 2). Elle participe au développement d’une culture commune et s’intéresse aux problèmes posés par l’utilisation et l’aménagement de l’espace ici et ailleurs dans le monde. Ainsi, l’éducation géographique scolaire contribue à la formation générale de la personne et à l’enrichissement culturel d’une société (S. Laurin, 2009, p. 2). Aujourd’hui, elle vise à offrir aux apprenants l’opportunité de résoudre des problèmes rencontrés dans leur environnement immédiat et dans le monde qui les entoure. Ce qui fait de la « dimension spatiale » une des expressions identitaires de la géographie sociale et même de la géographie dans son ensemble. C’est sous cet angle que Veschambre, (2006, p.221) dira qu’« aujourd’hui, la géographie est définie comme la discipline spécialisée dans l’analyse de la dimension spatiale des sociétés, toutes spécialités de la discipline confondues ». Abondant dans le même sens, Grataloup et Lévy (1976) affirment que « la seule géographie possible, c’est la science de l’espace social, de la dimension spatiale de la société » (cité par Veschambre, 2006, p. 212).

Ainsi, en faisant entrer la vie à l’école, en s’intéressant au milieu proche de l’apprenant, la géographie répond à un besoin fondamental chez tout être humain, à savoir connaitre et comprendre l’espace. C’est pourquoi, dans l’optique de développer des compétences géographiques chez les apprenants, le programme de géographie au Sénégal reste ancré dans l’étude du milieu proche. L’apprenant sénégalais en classe de géographie est formé à « comprendre le milieu dans lequel il vit afin de pouvoir s’y intégrer et de le transformer au besoin » (MEN, 2006, p. 3). Cette finalité se concrétise dans plusieurs thèmes du programme à travers l’articulation des compétences disciplinaires et des compétences transversales. Dans ce besoin d’aborder la discipline à travers une approche nouvelle qui permet de concilier connaissances et compétences, le programme de géographie en vigueur en classe de sixième, comme dans tout le cycle moyen, est décliné en contenus notionnels et conceptuels qui alimentent la connaissance géographique. Cet espace, organisé et construit, s’organise en régions géographiques, concept central autour duquel s’articule l’éducation géographique en classe de sixième.

L’étude de la région géographique en sixième associe un double intérêt de connaissance et de maitrise du milieu local et d’acquisition mais aussi de répétition des notions et concepts géographiques. Par exemple les termes d’échelles, de position, de localisation, de site, de situation, d’organisation de l’espace, de ressource constituent le vocabulaire de base sur lequel se construit le savoir géographique sur toute l’année scolaire, les termes mêmes revenant à chaque fois qu’il est question d’étudier une région géographique (M. B. Timéra et A. Diop, 2015, p. 187).

Ainsi, il s’agit d’amener l’apprenant à poser des questions, à examiner des problèmes et à chercher l’information nécessaire pour mieux comprendre, bien entendu selon ses capacités. Il n’est plus question non plus de découvrir l’espace en montant un « escalier » chez soi vers le vaste monde, mais bien d’apprendre dans un mouvement en spirale que les territoires sont liés les uns aux autres (S. Laurin, 2009, p. 2-3).

1.2. Clarification conceptuelle

Pour mieux comprendre la posture théorique de cette recherche, il nous parait pertinent d’apporter des éléments d’éclairage sur certains concepts fondamentaux. Il s’agit notamment des concepts de ressources pour enseigner, espace, savoir penser l’espace. Il s’agira de présenter chacun de ces concepts tels qu’ils apparaissent dans des publications spécialisées. Nous donnerons notre point de vue et retiendrons ensuite des définitions plus appropriées à l’objet de notre étude.

Les ressources pour enseigner : La notion de « ressources pour enseigner » recouvre une large gamme d’objets, de personnes et d’organisations autour de ce qui sert (ou peut servir) pour concevoir et mettre en œuvre un enseignement. Les ressources pour l’enseignant sont diversement classées dans la littérature de recherche. En se référant à l’article de Reverdy (2014, p. 2-3), on distingue :

  • les ressources dites humaines : les savoirs professionnels des enseignants, issus de leurs formations et de leurs expériences professionnelles et les différentes collaborations entre les acteurs ;

  • les ressources culturelles : les pré-requis des élèves, le temps scolaire, la manière d’aborder une discipline ;

  • les ressources institutionnelles : elles sont celles qui respectent le curriculum imposé par l’administration éducative centrale ou décentralisée. Elles recouvrent les programmes officiels, les manuels scolaires, officiels ou non, les ressources numériques fournies et contrôlées par l’institution, les guides pédagogiques à destination des enseignants. Parmi toutes ces ressources, le programme reste la principale ressource du travail de l’enseignant, mais il peut être abordé directement ou à travers le prisme d’un ou de plusieurs manuels scolaires.

  • les ressources numériques : les sites institutionnels ou disciplinaires, les plateformes de ressources, les ressources éducatives libres qui sont abordées a priori différemment par les enseignants, et dont l’étude s’est historiquement davantage centrée sur les élèves plutôt que sur les pratiques enseignantes ;

  • les ressources matérielles autres, qui peuvent être des objets de la vie quotidienne utilisés à des fins pédagogiques, ou des objets didactiques (matériels pour les expériences, documentaires vidéo, cartes, etc.) construits en vue d’un apprentissage précis.

Ici, les ressources pour enseigner renvoient aux ressources matérielles ou supports didactiques utilisés par les enseignants en classe.

L’espace : La géographie est la science de l’organisation de l’espace. Par espace géographique nous entendons « les dimensions de la société correspondant à l’ensemble des relations que la distance établit entre différentes réalités » (J. Levy et M. Lussault, 2013, p. 353). Frémont (1976) identifie trois types d’espaces:

  • L’espace de vie est « l’ensemble des lieux fréquentés » par un individu ou un groupe, au sein duquel on peut éventuellement isoler des secteurs liés plus spécifiquement au travail, aux loisirs. C’est « l’espace concret du quotidien » (G. Di Méo, 1991).

  • L’espace social regroupe « l’ensemble des interrelations sociales spatialisées ». Il est donc constitué, comme l’espace de vie, d’un ensemble de lieux mais aussi des relations sociales attachées à ces lieux et aux individus qui les fréquentent.

  • L’espace vécu est formé de « l’ensemble des lieux fréquentés » mais aussi des « interrelations sociales qui s’y nouent » et des « valeurs psychologiques qui y sont projetées et perçues ».

Pour Brunet (1975), la notion d’espace de vie a plusieurs dimensions : l’habitat, les relations économiques et de loisirs, le travail et les autres relations sociales. L’espace de vie est le « cadre spatial le plus vaste à l’intérieur duquel s’effectuent la plupart des actes d’une population ». Ainsi, l’espace géographique est un espace construit pour décrire, identifier, analyser, différencier.

Le savoir penser l’espace : Nous définissons la notion de « savoir-penser l’espace » à partir des recherches menées par Kitsopoulos (2005), Audigier (1993), Belayem (1993) Lacoste (1986 ; 1976) et Pinchemel (1982).

Par savoir penser l’espace, Kitsopoulos (2005, p. 4) entend la manière de percevoir le monde physique et de se représenter mentalement les relations spatiales, qu’elles soient matérielles ou immatérielles. Quant à Audigier (1993, p. 94), il dira que « penser l’espace » d’un point de vue géographique, résulte de l’utilisation et de la construction de problématiques, de concepts, de notions, de théories, qui sont les outils de la géographie. Ainsi, l’enseignement doit se recentrer sur les acquisitions fondamentales de la discipline en termes de savoirs, savoir-faire et savoir-être. À travers ces acquisitions, l’enseignant cherche à installer la capacité de prendre en compte les dimensions spatiales d’un problème et ce, à différents niveaux (Y. Lacoste, 1986). Sous cet angle, la géographie scolaire apparait comme un outil de formation dont la finalité serait d’apprendre aux élèves à lire le monde dans lequel ils vivent, leur apprendre à « savoir-penser l’espace » (Y. Lacoste, 1976) dans la perspective de s’y situer et d’y agir de manière efficace.

Au Sénégal, en cherchant à donner une éducation géographique et à enseigner le savoir penser l’espace, les concepteurs du programme en vigueur entendent faire en sorte que « les hommes ne se sentent pas mal dans la peau de leurs espaces et de leurs milieux, dans leurs paysages (…) » (P. Pinchemel, 1982). Ainsi, l’enseignant en classe de géographie, tel un ingénieur du « savoir penser l’espace », doit apprendre à l’élève comment s’approprier les concepts, les références spatiales, les démarches méthodologiques et les techniques de collectes et de traitement des données spatiales qui constituent les outils de la lecture géographique du territoire (D. Belayem, 1993).

2. Cadre méthodologique

Ayant opté pour une approche méthodologique quantitative, nous avons réalisé une enquête auprès des enseignants des classes de sixième. Nous présentons dans cette partie du travail la population et l’échantillon de l’étude, les outils et la technique de collecte des données, ainsi que le modèle d’analyse.

2.1. Population et échantillon de l’étude

La population visée par cette étude est celle des enseignants de géographie des classes de sixième en service dans l’Inspection de l’Éducation et de la Formation (IEF) de Guédiawaye. La phase de collecte des données a duré de mai à juin 2021. L’échantillon est composé de 10 enseignants qui ont été invités à prendre part à l’étude de façon volontaire. Il s’agit d’un échantillon de convenance, dont voici les caractéristiques.

Tableau 1 : Caractéristiques de l’échantillon

Caractéristiques

Effectifs

% du total



SEXE

Homme

06

60

Femme

04

40



NIVEAU UNIVERSITAIRE

Bac

00

00

Licence

07

70

Master

03

30



CORPS

PCEMG

02

20

PEM

07

70

PES

01

10



ANCIENNETÉ

Débutant de -5ans

00

00

5 – 10ans

04

40

Plus de 10ans

06

60

Source: Élaboration personnelle

2.2. Outils de collecte des données et modèle d’analyse

Nous avons opté pour l’utilisation du questionnaire comme outils de collecte des données. L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel Cs pro et les graphiques sont obtenus par le logiciel Excel. Pour les questions ouvertes, une analyse de contenu classique des réponses a été effectuée.

En référence à notre cadre théorique, et en nous s’appuyant sur les questions de recherche et les objectifs généraux du programme de géographie en classe de sixième, notre modèle d’analyse se structure autour des points suivants :

  • Ressources pour enseigner (supports didactiques) ;

  • Démarches mises en œuvre ;

  • Capacités visées (connaitre le langage de base de la géographie, représenter les phénomènes observés, savoir faire preuve d’esprit critique (…).

3. Résultats

3.1. Les ressources pour enseigner le savoir penser l’espace

L’enseignement de la géographie en classe de sixième, et particulièrement celui du savoir penser l’espace, fait appel à un certain nombre de ressources pédagogiques ou didactiques. Le tableau ci-après renseigne sur les ressources utilisées par les enseignants pour enseigner le savoir penser l’espace.

Tableau 2 : Ressources pour enseigner le savoir penser l’espace

Ressources

Statut

% du total

PCEMG

PEM

PES

Total

Globe terrestre

02

05

01

08

28

Planisphère

02

07

01

10

36

Support papier

02

07

01

10

36

Total

06

19

03

28

100

Source: Élaboration personnelle

L’analyse des ressources utilisées par les enseignants pour enseigner le savoir penser l’espace, laisse apparaitre des ressources de natures différentes comme le globe terrestre, le planisphère et les supports papiers. Les supports papiers et le planisphère sont les ressources les plus utilisées, dans l’ordre de 36% chacun, soit un total de 72%. Ensuite, vient le globe terrestre avec 28%.

3.2. Les démarches privilégiées dans l’étude de l’espace proche

Par démarche, nous entendons la gamme des techniques, des procédures, et des habiletés qui entrent en jeu dans le processus d’enseignement-apprentissage. Ainsi, pour atteindre l’objectif de tout projet pédagogique, l’enseignant utilise un ensemble de démarches. Ici, nous essayerons d’examiner les démarches privilégiées par les enseignants pour l’étude du milieu proche. Le tableau ci-après informe sur les résultats collectés auprès des enseignants ayant participés à l’étude.

Tableau 3 : Démarches privilégiées pour l’étude de l’espace proche

Démarches

Statut

% du total

PCEMG

PEM

PES

Total

Sortie de terrain

00

00

00

00

00

Manipulation de documents

02

07

01

10

100

Réalisation de croquis

00

00

00

00

00

Total

02

07

01

10

100

Source: Élaboration personnelle

La lecture de ce tableau montre que les sorties de terrain et la réalisation de croquis sont absentes dans les démarches qu’utilisent les enseignants que nous avons enquêtés. Ces démarches restent donc limitées à la manipulation de documents. Il s’agit le plus souvent de supports papiers imprimés à partir d’internet ou tirés de certains fascicules selon les enseignants interrogés.

3.3. Les capacités visées par l’usage de la carte en classe

Les programmes identifient des capacités que les élèves doivent acquérir. Ces acquisitions occupent une place centrale dans le projet pédagogique. Dans le but de connaitre les capacités visées par les enseignants en classe de sixième à travers l’utilisation de la carte, ceux-ci devaient répondre à la question suivante : Quelles sont les capacités visées par l’usage de la carte en classe de sixième ? Le tableau ci-après renseigne sur les réponses collectées auprès des enseignants.

Tableau 4 : Capacités visées par l’usage de la carte en classe de sixième



Capacités visées

Statut

% du total

PCEMG

PEM

PES

Total

Localiser son milieu proche

02

07

01

10

36

Se situer dans l’espace

02

07

01

10

36

Décrire un paysage

01

00

00

01

3

S’approprier les repères géographiques

02

05

00

07

25

Total

07

19

02

28

100

Source: Élaboration personnelle

Les résultats révèlent que « Localiser son milieu proche » et « Se situer dans l’espace » sont les principales capacités visées par les enseignants quand ils utilisent les cartes en classe de sixième. Viennent ensuite l’appropriation des repères géographiques et la description du paysage.

4. Discussion

Ces résultats sont le produit d’une recherche quantitative sur un échantillon limité de dix enseignants. Ils mettent en exergue les ressources didactiques, les capacités visées ainsi que les démarches utilisées par les enseignants pour l’initiation des apprenants au savoir penser l’espace.

La lecture du Tableau 2 montre que les ressources pédagogiques utilisées par les enseignants sont variées mais restent dominer par les supports papiers, le planisphère et le globe terrestre. À travers ces ressources, l’enseignant construit un discours graphique, iconographique et cartographique de l’espace. Cet espace géographique est bien un espace construit grâce à un ensemble d’opérations qui se font à l’aide d’outils intellectuels pour répondre à une catégorie de problèmes tels que la localisation et la situation dans le milieu proche, l’appropriation des repères géographiques et la description du paysage.

Avec ces représentations schématiques, les enseignants interrogés cherchent à faire comprendre aux apprenants les règles et l’appropriation de certains codes (cadrage, légende, orientation, …). En outre, représenter, cartographier l’espace proche permet de lire des cartes de régions lointaines et de les comparer aux cartes de sa propre région. L’élève doit connaitre le langage de base de la géographie, connaitre les notions spécifiques à partir de l’étude de son milieu proche, appliquer les notions acquises dans le contexte élargie allant de l’échelle locale aux échelles nationales et régionales (M. B. Timéra et A. Diop, 2015, p. 187).

L’utilisation de ces outils obéit à un certain nombre de démarches telles que la manipulation de documents, essentiellement la carte. Les sorties de terrain et la réalisation de croquis sont absentes dans les démarches mobilisées par les enseignants. Pourtant, les sorties de terrain contribuent à donner du sens aux apprentissages en favorisant le contact direct avec le milieu naturel. Elles permettent une évolution positive des relations entre professeur et élèves qui apprennent à se découvrir mutuellement, ce qui est très bénéfique pour l’ambiance de la classe (Dalle et M. Scandolera, 2000). Les supports documentaires, papiers ou multimédia, aussi précieux soient-ils, ne suscitent ni la même émotion, ni les mêmes découvertes (S. Haday et al., 2020, p. 89).

L’apprenant sénégalais, arrive en classe de sixième à l’âge de 12-13 ans, parfois un peu plus tôt ou un peu plus tard (A. M. Camara, 1999, p. 63). En se référant au modèle piagétien, cette fourchette correspond à la période de transition entre le stade des opérations concrètes et celui de la pensée formelle. À cet âge se produit une modification des structures de la pensée : le réel vécu par l’enfant devient un cas particulier du possible. Progressivement, la pensée devient capable de se détacher de la réalité concrète pour envisager des hypothèses et s’initier au raisonnement, à l’abstraction. L’observation directe devient le point de départ de la découverte des notions et des concepts géographiques en l’occurrence (A. M. Camara, 1999, p. 63).

L’activité d’observation menée par l’élève à l’occasion des sorties de terrain lui permet de confronter ses connaissances empiriques à la réalité. L’élève s’engage dans une activité intellectuelle faite de questionnements. Ce cheminement intellectuel est supposé lui permettre de construire des connaissances scientifiques. Dans une vision constructiviste, voire socioconstructiviste, les tâches proposées à l’apprenant contribuent à construire de la connaissance et non acquérir des savoirs déjà élaborés. L’enseignant peut proposer, dans le cadre d’un travail en groupe, des situations-problèmes qui engagent les apprenants dans une investigation leur permettant de franchir des conceptions erronées faisant barrage à l’accès aux connaissances scientifiques.

Les sorties de terrain concourent ainsi à faire évoluer les représentations. En plus, dans l’ambition de permettre à l’apprenant de construire son propre savoir, des pratiques innovantes comme la réalisation de croquis sont à mettre en œuvre en classe. Lorsqu’un élève réalise un croquis, l’apprentissage est fondé sur l’idée que la connaissance est construite par l’élève sur la base d’une activité, qui lui permet d’appréhender la réalité qui l’entoure (A. Fumoleau, 2020, p. 9).

Conclusion

La géographie est un ensemble de connaissances, une forme de raisonnement, un savoir penser l’espace qui permet d’agir plus efficacement (Y. Lacoste, 1986, p. 27). Il importe de faire prendre conscience à ceux qui ont en charge l’enseignement de la géographie que ce savoir peut être aussi un outil pour chaque citoyen, un moyen de mieux comprendre le monde, mais aussi la situation locale dans laquelle se trouve chacun de nous (Y. Lacoste, 1986, p. 27). Pour ce faire, il devient nécessaire de changer de démarches et de trouver des ressources adéquates pour un savoir penser l’espace. Car en se limitant uniquement à la localisation et la situation, la compréhension de la notion d’organisation de l’espace risque de n’être que partiellement maitrisée, et les élèves auront tendance à réaliser un inventaire des informations factuelles.

Avec des ressources adéquates et des démarches innovantes, la géographie pourra devenir un véritable outil de formation permettant aux apprenants de lire le monde dans lequel ils vivent, de « savoir penser l’espace » dans la perspective de s’y situer et d’agir de manière responsable et durable.

Bibliographie

AUDIGIER François (1993). « La construction de l’espace géographique, une recherche didactique en cours de réalisation ». Géographes associés, n°13, 2e semestre 1993. Positions géographiques françaises. Spécial 27e Congrès International de Géographie Washington Août 1992, 93-110. DOI : https://doi.org/10.3406/geoas.1993.1858https://www.persee.fr/doc/geoas_1266-4618_1993_num_13_1_1858

BELAYEM Dimitri (1993). « Du paysage à l’espace géographique : une information géographique au savoir penser l’espace ». Bulletin de la Société géographique de Liège, n°28, 25-28.

Brunet Roger (1975). « Pour une nouvelle définition de la migration ». 4ème colloque de démographie, Paris, CNRS, 527-529.

CAMARA Amadou Mamadou (1999). « Une lecture épistémique des nouveaux programmes de géographie ». Revue Historiens-Géographes du Sénégal. 2e semestre, n°7, 62-66.

DALLE et scandolera Marina (2000). Sorties scolaires : un outil pour les apprentissages. Mémoire professionnel. IUFM de Montpellier.

DI MÉO Guy (1991). « De l’espace subjectif à l’espace objectif : l’itinéraire du labyrinthe ». L’Espace Géographique, no.4, 359-373.

DI MÉO Guy (1991). L’Homme, la société, l’espace. Anthropos/Économica : Paris.

FONTANABONA Jacky, dir. (2000). « Cartes et modèles graphiques. Analyses de pratiques en classe de géographie ». Institut national de recherche pédagogique, Didactique des disciplines, 302 p. (ISBN 2-7342-0697-8)]. Cahiers de géographie du Québec, 45(125), 306–308. https://doi.org/10.7202/022985ar

FRÉMONT Armand (1976). « Espace vécu et niveaux sociaux ». L’espace vécu. Universités de Caen, Orléans, Paris I, Rouen : Vincennes, 218-226.

FUMOLEAU Audrey (2020).  Croquis et différenciation : des enjeux épistémologiques en classe de géographie. Mémoire de Master au Métiers de l’Enseignement de l’Éducation et de la Formation, France : Université de Nantes. ffdumas-02975253f https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02975253/document Consulté le 20 juin 2021.

HAYAT Sibiri ; HASNAE El Hnot, BOUAMAMA Cherai, MERYEM Ben Said (2020). « L’Analyse des pratiques enseignantes liées aux sorties de terrain dans l’enseignement des sciences de la vie et de la terre ». European Scientific journal, january 2020, édition vol.11,86-104 URL:http://dx.doi.org/10.19044/esj.2020.v16n2p86 Consulté le 26 juin 2021.

KITSOPOULOS Alexios (2005). Espace : un concept central mais ambigu. Mémoire à la faculté des Lettres de l’Université de Lausanne pour l’obtention de la licence ès lettres. Institut de géographie.

LACOSTE Yves (1976). La Géographie ça sert d’abord à faire la guerre. FM/Petite. Collection Maspero : Paris.

LACOSTE Yves (1986). « Penser et enseigner en géographie ». Espace géographique. Tome 15, n°1, 24-27, https://www.persee.fr/doc/spgeo_0046-2497_1986_num_15_1_4082

LAURIN Suzanne (2009). « L’intervention éducation en sciences humaines au primaire, des fondements aux pratiques ». Chenelière Education, 1-5.http://profscienceshumaines.ca/files/data/files/dossier_lecture_espace_geographique_31-35.pdf Consulté le 10 juin 2020.

LEININGER-FRÉZAL Caroline, GAUJAL Sophie, HEITZ Catherine et COLIN Pierre, (2020). « Vers une géographie expérientielle à l’école : l’exemple de l’espace proche ». Recherches en éducation [En ligne], 41 | 2020, mis en ligne le 01 juin 2020, consulté le 17 juin 2021. URL: http://journals.openedition.org/ree/579; DOI: https://doi.org/10.4000/ree.579

Lévy Jacques et Lussault Michel (dir.), (2013). Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, 2 e éd., Paris, Belin, 1127 p.

Ministère de l’Education Nationale (MEN) (2006). Programme d’histoire et de géographie en vigueur dans l’enseignement moyen secondaire général

Pinchemel Piphillipes (1982). « De l’enseignement géographique à l’éducation géographique ». Historiens-Géographes, n°289, 779-783.

REVERDY Cathèrine (2014). « Du programme vers la classe : des ressources pour enseigner ». Dossier de veille de l’Institut Français de l’Éducation (IFE) n°96, Novembre 2014. http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA-Veille/96-novembre-2014.pdf Consulté le 29 septembre 2019.

THÉMINES Jean-François (2006). « Le rapport pratique à l’épistémologie, chez des professeurs-stagiaires du secondaire en géographie ». Cybergeo : European Journal of Geography, URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/2490 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.2490 Consulté le 23 juin 2020.

TIMÉRA Mamadou Bouna et DIOP Aminata (2015). « Le programme de géographie du Sénégal de 2004 : (des) articulations pédagogiques ? ». Revue Ecritures plurielles, n°8, 177-193.

VESCHAMBRE Vincent (2006). « Penser l’espace comme dimension de la société : pour une géographie sociale de plain-pied avec les sciences sociales ». Penser et faire la géographie sociale : contribution à une épistémologie de la géographie sociale. Rennes : Presses universitaire de Rennes, 221-227. http://books.openedition.org/pur/381. ISBN : 9782753526778.

Mots-clés