Infundibulum Scientific

LA PHRASE CARACTÉRISANTE DANS LE POÈME V DE L’OSEILLE LES CITRONS DE MAXIME N’DÉBÉKA

La oración caracterizante en el poema V de L’oseille les citrons de Maxime M’débéka

The characterizing sentence in the poem V of L’oseille les citrons de Maxime M’débéka

Daniel Yoa Zonh Sonzaï KLAO
Université Alassane Ouattara, Côte d’ivoire
Enseignant-Chercheur
danielklao@yahoo.fr

Résumé

Mots-clés, Keywords, Palabras clave

caracterización, characterising, intra-syntagmatic order, Literalidad, Literarity, Littérarité, marcación estilística, marquage stylistique- caractérisant, orden intra-sintagmático, orden supra-sintagmático, ordre intra-syntagmatique, ordre supra-syntagmatique, organisation phrastique, organización del fraseo, phrasal organisation, supra-syntagmatic order – stylistic marking

TEXTE INTÉGRAL

Introduction

En stylistique, la phrase devient un fait de style lorsqu’elle contrevient à l’organisation et à la distribution normative des mots dans la chaîne parlée « sans altération de sens » (M. Riffaterre, 1971, p. 30). La phrase contrevenante, c’est-à-dire, la phrase marquée par l’agrammaticalité1 acquiert un intérêt fondamental pour l’enquête stylistique. Ainsi, sous l’intitulé la phrase caractérisante dans la poésie de Maxime N’Debeka, il est question de démontrer la littérarité du poème V extrait du recueil L’oseille Les citrons. Cette volonté de démontrer la littérarité dans ce texte soulève un problème fondamental en lien avec l’énoncé phrastique comme structure linguistique close : comment la phrase caractérisante se présente t’elle formellement ? La réponse à cette préoccupation centrale s’appuie sur l’objectif majeur visant à comprendre la structuration formelle de la phrase caractérisante. Aussi cette étude passe-t-elle par l’exposition des composants qui participent à la littérarisation de la phrase. G. Molinié relève à cet effet que « décrire une structure langagière, c’est démonter les éléments qui la composent, mais auxquels elle ne se réduit pas, et mettre à jour les diverses grilles qui organisent ces éléments. Mais les structures langagières qu’on examine (…) sont celles qui correspondent au régime de littérarité » (2011, p.12). Afin de dégager les outils formalisant la phrase caractérisante, il serait au préalable approprié de dégager ses fondements théoriques à partir de l’approche de la stylistique structurale. Ensuite, une attention particulière sera portée à l’examen stylistique de deux ordres essentiels qui ressortissent à la phrase caractérisante : l’ordre intra-syntagmatique et de l’ordre supra-syntagmatique.

  1. La phrase caractérisante : une rupture des digues normatives

En grammaire, la phrase fonctionne selon des normes conventionnelles et contraignantes qui tiennent d’une double dimension : syntaxique et sémantique. Toutefois, ces digues normatives peuvent se rompre par la construction d’un énoncé phrastique caractérisant. La phrase caractérisante, aussi reconnue comme le poste stylistique de l’organisation phrastique s’appréhende selon deux ordres fondamentaux : l’ordre intra-syntagmatique et l’ordre supra-syntagmatique.



1.1. L’ordre intra-syntagmatique 

L’ordre intra-syntagmatique s’intéresse à « ce qui se passe à l’intérieur des groupes de mots » (G. Molinié, 2011, p. 54). Il s’agit d’une étude des jeux distributionnels des lexies à l’intérieur de deux groupes fonctionnels primordiaux parce que, selon G. Molinié, « (…) deux groupes seulement sont susceptibles d’être l’objet d’une analyse distributionnelle spécifique : le groupe sujet-verbe (attribut/ complément) et le groupe substantif- adjectif qualificatif épithète » (2011, p. 54).

Dans le premier groupe fonctionnel, celui concernant le groupe Sujet-Verbe (attribut/ complément), l’investissement stylistique porte son attention sur les phénomènes de disjonction et d’inversion. Ces deux phénomènes linguistiques constituent des lieux factuels de marquage stylistique. Dans le cadre de la disjonction, le sujet se délite du verbe par l’insertion d’un ou de plusieurs éléments adventices. En outre, ce délitement du groupe Sujet-Verbe pourrait aussi se manifester autrement à travers le procédé de double occurrence du poste fonctionnel Sujet. Cette double occurrence est aussi une disjonction du liage phrastique favorisant un marquage stylistique. Outre ces diverses formes de disjonctions sus-mentionnées, les cas d’inversion de la séquence progressive Sujet-Verbe-Complément sont dignes d’intérêt parce qu’ils prennent, selon G. Molinié « une valeur purement stylistique de caractérisation de discours » (2014, p. 100).

Dans le deuxième groupe fonctionnel, celui relatif au Substantif-Adjectif-qualificatif-épithète, l’intérêt stylistique se focalise sur la transgression de trois règles : la règle de la séquence progressive, la règle de l’unité d’accent dans le syntagme nominal et la règle de la cadence majeure. Dans la règle de la séquence progressive, la grammaire normative prescrit que le fonctionnement du syntagme nominal Substantif-Épithète obéit à la formule suivante : nom + adjectif qualificatif épithète. Toutefois, il peut advenir des cas où l’épithète est antéposée au substantif. Ces antépositions transgressent la règle de la séquence progressive et manifestent, ainsi, des faits notoires de marquages stylistiques. C’est certainement ce que G. Molinié a voulu traduire par cette affirmation : « l’inverse [dans le syntagme nominal] est la séquence régressive (E-S), en principe toujours marquée » (2014, p. 101.) En ce qui concerne la règle de l’unité d’accent dans le syntagme nominal, la grammaire normative prescrit en substance qu’« un groupe syntagmatique est balisé, quant à sa borne finale, par un accent sur sa dernière syllabe ; d’autre part, le pivot grammatical du groupe, en l’occurrence le substantif, a vocation à recevoir, en tant que tel (comme pivot), une marque accentuelle (sur sa dernière syllabe) » (G. Molinié, 2014, p. 101) . Cette prescription implique donc un seul accent tonique dans le syntagme nominal ayant pour ordre Epithète-Substantif. Par conséquent, dans l’ordre Substantif-Épithète, il se dégage une transgression de la règle de l’unité d’accent car « ce syntagme sera donc atomisé, moins lié, moins unifié dans l’ordre S-E, dans la mesure où il sera marqué et dissocié par la force de deux accents, le premier sur la dernière syllabe du substantif en tant que pivot grammatical et le second sur le substantif en tant que fin du groupe » (G. Molinié, 2014, p.101). Cette double accentuation produit, à l’évidence, un cas de marquage stylistique. La dernière transgression est relative à la règle de la cadence majeure qui pousse « à disposer les masses sonores des lexies ou des groupes de lexies par volumes croissants, des moins importants aux plus importants (…) la distribution non-marquée est celle de la cadence majeure ; l’inverse, la cadence mineure, est marquée » (G. Molinié, 2014, p. 102). Si la cadence majeure est non-marquée, cela implique que les deux autres cadences sont marquées. Il s’agit notamment de la cadence mineure (disposition décroissante des masses sonores) et de la cadence neutre (disposition équivalente des masses sonores).

Pour résumer, le jeu distributionnel à l’intérieur de l’ordre intra-syntagmatique s’articule autour de deux groupes fonctionnels : le groupe Sujet-Verbe (attribut/complément) et le groupe Substantif-Épithète. Leur intérêt stylistique tient des différentes transgressions qui peuvent s’observer dans leurs agencements syntaxiques. Au-delà de cet ordre, intéressons-nous également à l’ordre supra-syntagmatique.

1.2. L’ordre supra-syntagmatique

L’ordre supra-syntagmatique s’intéresse « à ce qui se passe entre les groupes de mots » (G. Molinié, 2011, p. 54). Cet ordre présente le fonctionnement de la physionomie générale des phrases. Cette architecture générale prend en compte deux aspects fondamentaux : la forme et le mouvement des phrases.

En ce qui concerne la forme de la phrase, G. Molinié relève qu’«il s’agit de constatations portant sur le type grammatical des énoncés. Sans entrer dans le détail, contentons-nous d’une énumération apparemment sans problèmes : phrase assertive, interrogative, jussive, exclamative (…) simple, complexe » (2011, p. 64). Cette constatation implique donc une double étude : d’abord, une étude portant sur le type grammatical d’énoncé dominant puis, sur celle en relation avec l’opposition phrase simple/phrase complexe. Ces deux aspects permettent de relever quelques effets de style en lien avec le degré d’affectivité subsumé dans le fonctionnement général de la phrase caractérisante.

Quant au mouvement, il s’intéresse à l’étude de la mélodie phrastique d’une part, puis, d’autre part, à celle des masses syntaxiques. La mélodie est la courbe sonore résultant de la succession des intonations ou hauteurs des sons à l’intérieur de la phrase. La mélodie est donc un outil irréfragable au fonctionnement structural de la phrase. Sa structure est bornée par deux inflexions délimitées par l’acmé : la protase et l’apodose.

Mais cette unité mélodique n’apparaît comme telle, c’est-à-dire comme ensemble commençant et finissant à des bornes repérables, que par un système de marquage. On a coutume d’opposer deux inflexions mélodiques dans l’unité-phrase : une inflexion ou partie montante, appelée protase, et une inflexion ou partie descendante, appelée apodose, le point d’articulation étant l’acmé. (G. Molinié, 2011, p. 66)

Ces différentes inflexions se manifestent concrètement par trois volumétries possibles. Tout d’abord, la volumétrie croissante qui donne lieu à la cadence majeure ; puis, la volumétrie décroissante définissant la cadence mineure ; et enfin, la volumétrie équilatérale se rapportant à la cadence neutre. De ces trois volumétries, seules celles des ordres décroissant et équilatéral sont dignes d’intérêt pour l’investigation stylistique ainsi que le mentionne G. Molinié : « En principe, la cadence majeure est non marquée, et les cadences mineure (longue protase, courte apodose) et neutre (protase et apodose à peu près égales) sont marquées. » (2011, p. 67).

Au niveau de la disposition des masses syntaxiques, deux dichotomies sont à observer : la dichotomie phrases linéaires vs phrases par parallélisme puis, celle des phrases liées vs phrases segmentées. Dans la dichotomie phrase linéaire vs phrase par parallélisme, retenons que la phrase linéaire « progresse sans redoublement de poste fonctionnel. Il y a en effet, un seul sujet, un seul COD par verbe, des propositions subordonnées de fonction différente » (C. Stolz, 2006, p .176). Quant à la phrase par parallélisme, elle « présente au contraire un ou des redoublements fonctionnels » (C. Stolz, 2006, p. 176). Quant à la seconde dichotomie, elle s’intéresse aux phrases liées / phrases segmentées. Dans la phrase liée, les groupes syntaxiques se suivent sans interruption et en séquence progressive. Dans l’autre par contre, la segmentation s’y observe à différents niveaux. D’abord par interruption ou insertion d’éléments adventices puis par morcellement (focalisation emphatique ou déplacement en ordre régressif) :

(…) est liée une phrase dans laquelle les groupes syntaxiques se suivent sans interruption et dans l’ordre des dépendances élémentaires (de manière non marquée) … La phrase non liée, qu’on appellera, par convention, phrase segmentée, peut devoir sa segmentation à deux faits de distribution : soit le morcèlement, soit le déplacement (G. Molinié, 2011, p. 69).

En clair, l’étude de l’ordre supra-syntagmatique s’attache à exposer les piliers contribuant à l’architecture générale des phrases. Une pareille exposition sert d’assise dans la mise en évidence de traits formels qui manifestent la littérarité d’un discours.

Pour l’essentiel, l’exposition ci-dessus trace les deux lignes de force (l’ordre intra-syntagmatique et l’ordre supra-syntagmatique) qui formalisent la structure de la phrase caractérisante. Nous proposons, dans la suite de cette étude, de nous en servir pour l’analyse de l’énoncé phrastique dans ce poème V extrait de L’oseille Les citrons de Maxime N’Debeka afin d’y démarquer les saillances stylistiques.



  1. L’ordre intra-syntagmatique : une transgression des groupes fonctionnels

À ce stade, notre intérêt porte sur le fonctionnement interne de deux groupes fonctionnels : le groupe sujet-verbe (attribut/ complément) et le groupe substantif-épithète. On prêtera attention à leurs fonctionnements transgressifs imprimant un effet de style particulier au texte poétique V de L’oseille Les citrons.

2.1. Le dysfonctionnent du groupe sujet-verbe comme témoin de l’instabilité du poète

Le dysfonctionnement du groupe sujet-verbe (attribut/complément) s’observe à partir des phénomènes de disjonction et d’inversion.

Dans le cadre de la disjonction, il arrive que le sujet se délie du verbe par l’insertion d’un ou plusieurs éléments adventices. Ces cas d’insertion sont dignes d’intérêts car ils constituent des lieux de marquage stylistique. Cette forme de disjonction par le phénomène d’insertion d’éléments adventices est occurrente aux vers 1-3 : « Un voilier, très tôt ; nonchalamment dans le port/ Balaie de ses voiles pures et magnifiques/ Le ciel humble ». Dans cet énoncé, sans les éléments adventices « très tôt ; nonchalamment dans le port », la chaîne progressive de cette phrase se serait vu formuler ainsi : « Un voilier Balaie de ses voiles pures et magnifiques Le ciel humble ». Ces éléments adventices séparent le sujet « un voilier » du verbe « Balaie ». Par conséquent, ces incises constituent un fait notoire de marquage stylistique. En effet, le double emploi en incise des adverbes « très tôt » (ce moment avant l’aube) et « nonchalamment » (de façon lente, indolente et négligée) souligne la lourdeur voire le manque de combativité qui entrave la marche du poète symbolisé dans ce texte par la lexie /voilier/. En outre, ce déliement du groupe sujet-verbe peut aussi se manifester à travers la réduplication du sujet. Cette double occurrence se relève uniquement dans le vers 7 : « il s’en va rêveur le beau navire ». Nous y observons une thématisation à droite du sujet « le beau navire » déjà représenté par la cataphore « il ». Par conséquent, la réduplication du poste fonctionnel sujet (le pronom cataphorique « il », et le syntagme nominal « le beau navire ») lié syntaxiquement au verbe conjugué « s’en va », constitue un lieu de marquage stylistique notable qui favorise l’insistance du poète sur l’objet référentiel de son discours : « le navire ». Le poète semble ici porter une insistance sur son enthousiasme issu des espérances qui nourrissent son état d’âme. En somme, tout en traduisant une instabilité du poète tiraillé entre lourdeur et enthousiasme dans sa quête du bonheur, ces deux formes de disjonctions sus-relevées (l’incise et la double occurrence du sujet) constituent des traits formels qui ressortissent à la littérarisation de ce texte poétique.

Au-delà de ces formes de disjonctions, les cas d’inversion de la séquence progressive Sujet-Verbe-Complément sont, eux aussi, dignes d’intérêt car prenant « une valeur purement stylistique de caractérisation de discours » (G. Molinié, 2014, p. 100). Ces cas d’inversion de l’ordre Sujet-Verbe et de l’ordre Sujet-Verbe-Complément peuvent s’observer dans les relevés suivants :

Vers14 : « Sur le fil d’équateur le voilà qui pendille »

Vers 41 : « De partout craquent les camisoles de « je »

Vers 47-48 : « Du haut du balcon noir de mon âme je vois/ L’affreux spectacle »

Rappelons que la langue française prescrit l’ordre progressif impliquant la séquence Sujet-Verbe-Complément. Alors que, manifestement, dans les vers 41 et 47-48, s’observe une inversion qui aboutit à une séquence régressive de type complément circonstanciel-sujet-verbe. Dans le vers 14, la séquence régressive aboutit à la formule complément circonstanciel-verbe-sujet. Ces différentes séquences régressives constituent des faits notoires de marquages stylistiques qui mettent l’accent sur le caractère à la fois funambule et fragile de l’existence du poète ainsi que le témoigne le vers 14 :« Sur le fil d’équateur le voilà qui pendille ». À cela s’ajoute ses déchirements intérieurs que relève le vers 41 : « De partout craquent les camisoles de « je ». En dépit de cette instabilité qui l’assaille, le poète adopte une posture de fierté à laquelle se mêle un ressentiment dédaigneux voire condescendant ainsi que le traduit la séquence régressive dans les vers 47-48 : « Du haut du balcon noir de mon âme je vois/ L’affreux spectacle ». Les faits de marquage stylistique observés dans le dysfonctionnement du groupe sujet-verbe soulignent la littérarité de ce texte et favorisent une écriture aux saillies subjectives portées sur l’instabilité du poète. Toutefois, un autre type de dysfonctionnement, notamment celui du syntagme Substantif-Épithète, est aussi digne d’intérêt dans l’analyse stylistique de ce texte poétique.



2.2. Le dysfonctionnement du groupe substantif-épithète comme témoin subjectif et objectif

Le syntagme Substantif-Épithète n’est, véritablement rentable, que selon la violation de trois règles : la règle de la séquence progressive, la règle de l’unité d’accent dans le syntagme et la règle de la cadence majeure.

Pour la première règle, celle de la séquence progressive, elle est violée dans plusieurs occurrences textuelles ainsi que le témoignent les syntagmes suivants : « d’intrépides cavaliers » (vers 10) ; « merveilleux orchestres » (vers 21) ; « grandiose théâtre » (vers 25) ; « piteux voiliers » (vers 37) ; « l’affreux spectacle » (vers 48). Toutes ces différentes occurrences fonctionnent sous le régime de la séquence régressive. Elles sont donc stylistiquement rentables. Dans ces syntagmes nominaux, la syntaxe régressive s’imprègne de la subjectivité du poète. Cet élan subjectif, justifié par l’antéposition de l’épithète, est corroboré par le fait que l’adjectif antéposé exprime souvent une vision subjective, une appréciation chargée d’une valeur affective, par opposition à la vision objective et descriptive de ce même adjectif quand il est postposé. Aussi, de ces différentes antépositions, il se dégage deux visions subjectives : la fascination et la tristesse. La fascination est portée par les épithètes /intrépides//merveilleux//grandiose/. Quant à la tristesse, elle est subsumée par le truchement des épithètes /piteux//affreux/.

Pour la seconde règle, celle de l’unité d’accent dans le syntagme, la grammaire normative prescrit un seul accent tonique dans le groupe fonctionnel substantif-Épithète. Or, dans certains cas, cette règle est violée par une double accentuation dans le syntagme nominal à travers l’ordre progressif Substantif-Épithète. Cela s’observe dans les syntagmes suivants : « appétits carnassiers » (vers 4) ; « Boussole chantée » (vers 6) ; « Jours miroitants » (vers 26) ; « La marche somnambulique » (vers 28) ; « éclipses soudaines » (vers 35). Chacun de ces relevés constituent des faits flagrants de violation de la règle de l’unité d’accent. En effet, il s’y observe une double accentuation dans toutes ces occurrences susmentionnées. En raison de la postposition des épithètes, il se dégage une mise en évidence objective des substantifs. Cette double accentuation joue à la fois sur le substantif et sur l’épithète. Mais ce jeu met surtout en exposition la détermination objective du substantif par l’épithète. Nous pouvons donc retenir avec G. Molinié que, « d’une manière générale (…), l’adjectif postposé a une valeur plus soulignée, plus autonome, supporte l’expression du concret et du pittoresque, ou de l’important » (2014, p. 102).

Aussi, dans sa quête de bonheur, le poète se heurte à des mirages, à de vaines illusions projetées par la surbrillance du soleil ainsi que l’atteste la postposition de l’épithète dans le syntagme nominal « jours miroitants ». Cette postposition de l’épithète accentue une description volontairement picturale qui s’offre, tel un tableau, au regard du poète illusionné. Dans le syntagme nominal « éclipses soudaines », il s’y observe aussi une double accentuation insistant sur le caractère inopiné et brutal de la survenance des « éclipses » dans le parcours existentiel du poète. Rappelons que le substantif /éclipse/ renvoie à l’occultation d’une source de lumière par un objet physique. Aussi expose-t-il, par la double accentuation dans ce syntagme, les périodes sombres qui jalonnent son cheminement. Dans la dernière règle, il est question de la violation de la règle de la cadence majeure par la mise en évidence des cadences mineure et neutre. Ainsi cette violation se dévoile-t-elle dans les syntagmes suivants :

Vers 10 : ca /va/ liers/+ /mas /qués/ (3+2 cadence mineure)

Vers 32 : so/leils/ + /neufs/ (2+1 cadence mineure)

Dans syntagmes nominaux, il se dégage des cadences mineures du fait de la décroissance des masses volumétriques. L’effet de style qui en découle est relatif à une mise en évidence des caractères descriptif, objectif et concret portés par les différentes épithètes. En effet, à titre illustratif, l’épithète /masqués/ qui accompagne le substantif /cavaliers/ constitue une sorte de chute dans la volumétrie de ce syntagme nominal permettant d’attirer l’attention du lecteur sur l’étrangeté des /cavaliers/ qui déstabilisent le poète.

Ces trois violations de la norme prescriptive dans le syntagme nominal manifestent la littérarité de ce texte tout en témoignant du vacillement incessant du poète entre subjectivité et objectivité dans son écriture poétique. En clair, il ressort du traitement des divers dysfonctionnements structurant l’ordre intra-syntagmatique, des ruptures constituant des preuves majeures de la littérarité de ce poème V de Maxime N’Debeka. En effet, la littérarisation s’y mesure à l’aune de la rupture selon la norme prescrite par la langue française. Toutefois, cette rupture de la norme ne s’observe pas seulement dans l’ordre intra-syntagmatique, elle peut aussi être le cas dans l’ordre supra-syntagmatique.

  1. L’ordre suprasyntagmatique : une architecture dynamique

Deux aspects essentiels ressortissent à l’ordre supra-syntagmatique : la forme et le mouvement des phrases. Ces deux aspects participent de l’architecture générale de l’organisation supra-syntagmatique des phrases à l’intérieur de ce texte poétique. Dans ce troisième volet de l’étude, la morphologie traite du type de phrase dominant et des oppositions phrastiques. Quant à la question du mouvement des phrases, cet aspect mobilise notre attention sur la mélodie et à la disposition des masses syntaxiques.

3.1. La morphologie phrastique : du type de phrase dominant aux oppositions phrastiques

Ici, notre attention se porte, dans un premier élan, sur le type de phrase dominant puis, dans un second élan, sur les oppositions phrastiques. Cette attention s’exercera à partir de l’outil de la statistique textuelle.

Dégager le type de phrase dominant induit d’observer le texte poétique de Maxime N’Debeka afin d’y mener une étude statistique des occupations textuelles des différents types grammaticaux d’énoncés. Rappelons qu’il existe quatre types grammaticaux d’énoncés : les assertifs, les interrogatifs, les jussifs et les exclamatifs. Ces types de phrases constituent des catégories d’énoncés repérables dans un texte. Dans ce poème V extrait de L’oseille Les citrons de Maxime N’Debeka, nous totalisons vingt-et-une phrases. Dans cet ensemble, trois types grammaticaux d’énoncés se démarquent. Il s’agit notamment des énoncés assertifs, interrogatifs et jussifs. Nous proposons ci-dessous, quelques-unes de leurs occurrences :

Les énoncés assertifs :

Vers 9-11 : « Ébranlée par la chevauchée fantastique/ D’intrépides cavaliers masqués de la mer/ Le beau navire perd sa fière allure »

Vers 12 : « Le sexe de l’espoir s’éreinte sur sa proue »

Vers 21-24 : « La nature déploie le merveilleux orchestre/ La terre le ciel les nuages les monts et les vallées/ Les ruisseaux la pluie les forêts les étoiles/ Les oiseaux le tonnerre le feu les éclairs »

Les énoncés interrogatifs :

Vers 17-19 : « Homme as-tu déjà sondé ses entrailles/ Et l’alluvion qui fertilise les racines/ Du mystérieux et séculaire vagabond »

Vers 13 : « Connais-tu l’envers des soleils »

Les énoncés jussifs :

Vers 13 et 20 : « Homme dis-moi »

Vers 30-32 : « Méfie des métamorphoses des larves/ Des coutumes multicolores des caméléons/ Des dandys aux monocles de soleils neufs »



Après observation de l’ensemble de leurs occurrences textuelles, il se dégage une prédominance des énoncés assertifs suivis des énoncés interrogatifs puis, jussifs. Cette répartition est clarifiée dans le graphique suivant :

Dominant le texte, les énoncés assertifs favorisent une écriture poétique majoritairement tournée vers le descriptif. Cet effet de style descriptif qui s’en dégage prend, de prime abord, les allures d’une célébration de la majestuosité de cette nature qui s’étale aux yeux du poète ainsi que le prouvent les vers 21-24 : « La nature déploie le merveilleux orchestre/ La terre le ciel les nuages les monts et les vallées/ Les ruisseaux la pluie les forêts les étoiles/ Les oiseaux le tonnerre le feu les éclairs » et le vers 25 : « Les soleils pénètrent le grandiose théâtre de jours miroitants ». Fort malheureusement, le sublime de la nature qui se déploie n’a pas d’heureuses incidences sur la triste et sombre humeur d’un poète qui tangue à l’image du « voilier » ainsi que cela se laisse entrevoir dans l’assertion des vers 9-11 : « Ébranlée par la chevauchée fantastique/ D’intrépides cavaliers masqués de la mer/ Le beau navire perd sa fière allure ». Par conséquent, nous pourrions relever, à un second niveau de lecture, que les énoncés assertifs sont des moyens descriptifs de l’intériorité du poète. Ces énoncés constituent en effet des canaux expressifs de sa profonde lassitude teintée de désespoir comme le dévoile l’énoncé assertif du vers 12 : « le sexe de l’espoir s’éreinte sur sa proue ». En outre, les assertifs établissent le constat d’une vie de souffrance oppressante et omniprésente attestée dans les vers 39-40 : « Je contemple mon âme se gaver de boue de l’envers des soleils Matériau de nos échecs » et le vers 41 : « De partout craquent les camisoles de « je ». En clair, il ressort que, sur l’ensemble des types grammaticaux d’énoncés, les assertifs qui dominent le texte, participent amplement à décrire, sous des allures d’ekphrasis, la beauté de la nature. Mais pas que, ces énoncés assertifs sont aussi des lieux descriptifs assez vivants de l’intériorité chaotique du poète sur un chemin existentiel à la fois épineux et cahoteux.

Quant aux oppositions phrastiques, elles mettent en rapport les phrases simples et les phrases complexes, du point de vue de leurs densités textuelles respectives. Mais avant de mener une telle observation, il serait opportun de relever la différence entre ces deux formes de phrase. Cette différence est clairement exposée par C. Stolz lorsqu’elle écrit qu’« une phrase verbale ne comportant qu’une seule proposition est dite phrase simple ; une phrase comportant plusieurs propositions est dite phrase complexe » (2006, p. 173). À partir de cette distinction, nous proposons de dresser un relevé des statistiques textuelles de ces deux catégories de phrases. Ensuite, il est question de voir laquelle de ces deux formes de phrases domine le texte avant d’en dégager quelque conclusion en lien avec l’effet de sens. Ci-dessous, quelques-unes de leurs occurrences :

Les phrases simples

Vers 38-39 : « Un piteux voilier mordu par un banc de sable rate le roulis aux djiguidas de vertèbres »

Vers 33-34 : « Vois craquer le fier voilier dans l’arabesque dans la mosaïque des costumes d’emprunt »

Vers 41 : « De partout craquent les camisoles de « je »

Les phrases complexes

Vers 25-28 : « Les soleils pénètrent le grandiose théâtre de jours miroitants vêtus de la baguette de Tchaïkowsky impétueusement réglant la marche somnambulique du beau voilier »

Vers 44-46 : « Mais n’as-tu jamais quelquefois perçu mes cils/ Se pencher et cueillir la bave des chevaux Pour dissimuler la buée de nos monocles »

Vers 49-52 : « Homme dis-moi N’as-tu jamais quelquefois perçu mes cils / Se pencher et cueillir la bave des chevaux Pour dissimuler la buée de nos monocles »



Après observation du texte poétique de Maxime N’Debeka, il se dégage, sur un total de vingt-et-une phrases, onze occurrences de phrases simples et dix occurrences de phrases complexes. Le graphique ci-après décline clairement les taux d’occupations textuelles de ces deux formes de phrases :

Dans ce graphique, une remarque importante mérite d’être relevée : le taux d’occupation textuelle presque équivalent de ces deux formes de phrases. Aussi, si les phrases simples dominent légèrement ce texte poétique, il n’en demeure pas moins que les phrases complexes sont tout aussi essentielles dans l’effet de sens général de ce texte poétique. Les phrases simples acquièrent une importance significative dans le style général et l’effet de sens de ce texte poétique car elles s’associent à une vision du monde qui se veut immédiate et dénuée de tout commentaire supplémentaire. Le fonctionnement textuel de la phrase simple dans ce poème joue fondamentalement sur le pathétique. En effet Le poète exprime, avec lucidité, sa condition d’homme désœuvré face à l’innommable hypocrisie de la société ainsi que cela transparait dans les vers 33-34 : « Vois craquer le fier voilier dans l’arabesque /Dans la mosaïque des costumes d’emprunt ». Dans cette phrase simple, le syntagme nominal /costumes d’emprunt/ en dit long sur le manque de sincérité des contemporains au poète, un peu comme si les individus qui composent la société arborent des masques cachant leurs véritables natures. Cette idée d’identité masquée est amplifiée aux vers 9-11 : « Ébranlée par la chevauchée fantastique /D’intrépides cavaliers masqués de la mer/ Le beau navire perd sa fière allure ». Ainsi que le mentionne le syntagme nominal /D’intrépides cavaliers masqués/ dans cette phrase simple, Il s’agit là, à l’évidence, d’une hypocrisie qui se fait menaçante et qui déstabilise le poète. Au-delà de son désœuvrement, le poète vit tel un défectueux comme le suggèrent les vers 37-38 : « un piteux voilier mordu par un banc de sable / Rate le roulis aux djiguidas de vertèbres ». De ce fait, il en découle une accentuation de son désespoir ainsi que le signifie le vers 12 : « Le sexe de l’espoir s’éreinte sur sa proue ». En clair, les phrases simples relèvent, dans leur ensemble, une description de la fragilité du poète dans une société où il vit tel un étranger.

Quant aux phrases complexes, au-delà du degré de culture du poète qu’elles soulignent, elles servent aussi de moyens descriptifs de l’enchevêtrement délicat des sentiments qui l’animent. Ces divers enchevêtrements sont prioritairement portés par les interrogations inscrites dans les phrases complexes suivantes : « Homme as-tu déjà sondé ses entrailles et l’alluvion qui fertilise les racines du mystérieux et séculaire vagabond » (Vers 17-19) ; « Mais n’as-tu jamais quelquefois perçu mes cils/ Se pencher et cueillir la bave des chevaux /Pour dissimuler la buée de nos monocles » (Vers 44-46). Dans ces phrases complexes, les interrogations qui y sont subsumées prennent des allures de monologues intérieurs comme si le poète entendait traduire le trouble qui est le sien au lecteur-récepteur. Au total, phrases simples et phrases complexes charrient le pathétique en faisant appel à la coopération du lecteur-récepteur pour qu’il prenne pleinement conscience, dans un élan empathique, de la singulière condition de vie du poète.

La morphologie des phrases, n’est pas la seule voie intéressante, dans l’ordre supra-syntagmatique, à rendre compte de la particularité littéraire de l’organisation phrastique dans ce texte. Aussi proposons-nous de voir, dans le point suivant, le mouvement des phrases dans ce poème.



3.2. Le Mouvement des phrases : de la mélodie à la disposition des masses syntaxiques

Le mouvement des phrases s’attèle à analyser la mélodie et la disposition des masses syntaxiques dans ce poème.

En premier lieu, intéressons-nous à la structuration de la mélodie dans ce poème. Rappelons que la phonétique française définit la mélodie telle une courbe sonore résultant de la succession des intonations à l’intérieur de la phrase. Elle se perçoit selon deux inflexions chevillées par l’acmé : la protase (inflexion montante) et l’apodose (inflexion descendante). Ces inflexions induisent les cadences majeure, mineure et neutre. Ainsi que cela a été signifié dans le premier point, seule la cadence majeure est non-marquée. C’est dire qu’un intérêt particulier sera porté, dans ce texte poétique de Maxime N’débéka, sur les cadences mineures et neutres qui constituent des faits notables de marquages stylistiques. Aussi, diverses occurrences textuelles permettent de mettre en évidence ces deux cadences. Nous choisissons de les exposer dans le tableau ci-dessous :

Vers

Scansion

Ordre de la volumétrie

Nature de la cadence

Vers 33 

/Vois /cra/quer/ le /fier/ voi /lier/ (7 syllabes)

/ dans/ l’a/ra/besque/ (4 syllabes)

Volumétrie décroissante(7+4)

Cadence mineure

Vers

37 

/Un/ pi/teux/ voi/li/er/ mor/du/ (8 syllabes)

/ par/ un/ banc/ de/ sable/ (5 syllabes)

Volumétrie décroissante(8+5)

Cadence mineure

Vers

12 

/le/ se/xe/ de/ l’es/poir/(6 syllabes)

/s’é/rein/te/ sur/ sa/ proue/ (6 syllabes)

volumétrie équilatérale (6+6)

cadence neutre

Les diverses cadences mineures sus-relevées mettent en évidence des protases bien plus longues que les apodoses. La disproportion remarquable des apodoses par rapport aux protases constitue un fait notable de marquage stylistique qui « crée ou souligne un effet de surprise ou une chute » (C. Stolz, 2006, p.182) dans la construction de ce poème. Quant à la cadence neutre qui correspond à un équilibre entre la protase et l’apodose, elle constitue, elle aussi un fait notable de marquage stylistique. Au-delà de la littérarité dont elles relèvent, ces deux cadences confèrent à ce texte poétique une allure générale de complainte dans laquelle le poète relate les douleurs qui l’accablent.

En second lieu, la disposition des masses syntaxiques s’intéresse, pour sa part, à deux dichotomies. Tout d’abord la dichotomie phrases linéaires vs phrases par parallélisme puis celle des phrases liées vs phrases segmentées.

Dans la dichotomie phrase linéaire vs phrase par parallélisme, retenons que la phrase linéaire « progresse sans redoublement de poste fonctionnel. Il y a en effet, un seul sujet, un seul COD par verbe, des propositions subordonnées de fonction différente » (C. Stolz, 2006, p. 176). Quant à la phrase par parallélisme, elle « présente au contraire un ou des redoublements fonctionnels » (ibidem). La phrase linéaire s’illustre dans les vers 37-38 : « un piteux voilier mordu par un banc de sable /Rate les roulis aux djiguidas de vertèbres ». Dans ce relevé, il s’observe une linéarité progressive des différents postes fonctionnels. En effet, le sujet /un piteux voilier mordu par un banc de sable/ est suivi par le verbe /Rate/. Quant au complément /les roulis aux djiguidas de vertèbres/, il suit à son tour le verbe /Rate/. On observe donc une linéarité progressive dans la structuration de cette phrase car les différents postes fonctionnels n’y sont point dupliqués. Cette linéarité progressive infère une simplicité langagière qui expose avec lucidité et limpidité les échecs existentiels du poète. Quant à la phrase par parallélisme, elle est bien perceptible à travers la réduplication du poste fonctionnel COD dans les vers 21-24 : « La nature déploie le merveilleux orchestre/ La terre le ciel les nuages les monts et les vallées / Les ruisseaux la pluie les forêts les étoiles / Les oiseaux le tonnerre le feu les éclairs ». En effet, le poste fonctionnel COD y est dupliqué quatorze fois. Cette phrase par parallélisme fonctionne comme une « phrase-tapisserie » qui a pour effet de peindre la nature dans ces moindres détails telle une toile impressionniste donnant à contempler la splendeur de la nature dans toutes ses nuances. Il s’agit là d’une amplification restituant l’harmonieuse constitution de la nature. La réduplication de ce poste fonctionnel prend l’allure d’une description jouant énormément sur une sensation d’étirement qui traduit à la fois la grandeur et l’éternité de la nature. Dans cette dichotomie, la phrase par parallélisme est beaucoup plus rentable pour le lecteur obvie car, pour G. Molinié, « on peut lui assigner, en gros et très sommairement, deux rôles fondamentaux : elle constitue le support idéal de l’amplification et de la description » (2011, p. 68).

Quant à la seconde dichotomie, elle s’intéresse aux phrases liées / phrases segmentées. La phrase liée ne subit aucune interruption entre ses constituants en respectant strictement l’ordre progressif. Ainsi, à titre d’illustration, le vers 12 : « Le sexe de l’espoir s’éreinte sur sa proue » révèle un liage phrastique marqué par une stricte continuité progressive de ses différents constituants que sont le sujet (Le sexe de l’espoir), le verbe (s’éreinte) et le complément (sur sa proue). Ce liage phrastique révèle une simplicité langagière qui exprime le désespoir ostensible du poète. Quant à la phrase segmentée, elle fonctionne en ordre régressif ou par disjonction. Elle s’observe par exemple dans le vers 8 : « Jamais ses yeux ne reviennent sur les vagues ». Dans ce vers, la segmentation fonctionne par le phénomène d’inversion qui place le complément circonstanciel (jamais) en début de phrase alors qu’il devrait normalement se situer après le verbe (reviennent). Ce phénomène d’inversion par l’ordre régressif constitue un fait notable de segmentation phrastique qui est stylistiquement rentable. Cette mise en évidence de ce complément circonstanciel (jamais) traduit la résolution du poète à maintenir son avancée en dépit des vicissitudes existentielles symbolisées par la lexie /vagues/.

Conclusion

Cet article a prouvé la littérarité de ce texte poétique par l’analyse stylistique la phrase caractérisante. Cela induit de percevoir l’organisation phrastique selon l’approche structuraliste qui la postule telle une unité linguistique close. De fait, notre analyse s’est intéressée à deux aspects structurant le fonctionnement, en régime de littérarité, de la phrase : l’ordre intra-syntagmatique et l’ordre supra-syntagmatique. L’ordre intra-syntagmatique s’articule autour de la distribution des mots au sein de la phrase en s’appuyant notamment sur la violation de règles grammaticales régissant le fonctionnement des groupes Substantifs-Épithète et Sujet-Verbe-Complément ou Attribut. Ces diverses violations observées à l’intérieur de l’ordre intra-syntagmatique sont constitutives de lieux factuels de marquage stylistique. Quant à l’ordre supra-syntagmatique, pour sa part, il y fut question de voir le fonctionnement général de l’architecture phrastique. Cette architecture s’articule autour de deux lignes directrices : les formes et les mouvements des phrases. Les formes de phrases ont d’abord mis en évidence le type d’énoncé dominant puis, l’opposition phrase simple / phrase complexe. Quant aux mouvements des phrases, ils ont permis d’étudier la mélodie et la disposition des masses syntaxiques. Ces diverses caractéristiques relatives à l’architecture générale des phrases ont eu une incidence sur le rendu sémantique et formel de l’énonciation poétique car rendant compte de la subjectivité du poète exprimée à l’aide de procédés langagiers ressortissant à la littérarisation.



Bibliographie

MOLINIÉ Georges (2011). Éléments de stylistique française, PUF : Paris.

MOLINIÉ Georges (2014). La stylistique, PUF : Paris.

N’DEBEKA Maxime (1975). L’oseille Les citrons, P.J. Oswald: Paris.

RIFFATERRE Michael (1971). Essais de stylistique structurale, Flammarion : Paris.

STOLZ Claire (2006). Initiation à la stylistique, Ellipses : Paris.

1Selon la grammaire normative, le concept d’agrammaticalité s’oppose à celui de grammaticalité. La grammaticalité désigne la conformité d’un énoncé à la norme morphosyntaxique d’une langue. Quant au concept d’agrammaticalité, il désigne le fait de pas suivre les conventions grammaticales. Aussi, une phrase est dite agrammaticale lorsqu’elle est incompatible avec les schèmes qui régissent la structure et le fonctionnement de la langue où elle est émise.

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