Infundibulum Scientific

LE PÍCARO, VISION ICONOCLASTE DE LA SOCIÉTÉ ESPAGNOLE : CAS DE LAZARILLO DE TORMES ET LA FAMILIA DE PASCUAL DUARTE

The picario, iconoclastic vision of the spanish society: example of Lazarillo de Tormes y La familia de Pascual Duarte

El pícaro, vision iconoclasta de la sociedad española: caso de Lazarillo de Tormes y La familia de Pascual Duarte

YAO Kouakou Alphonse
Doctorant
Université Alassane OUATTARA Bouaké
ykalphonse10@yahoo.fr

Résumé

Mots-clés, Keywords, Palabras clave

iconoclaste, iconoclastic, marginalisation, marginalization, picaro, socialisation, socialization, société espagnole, Spanish society, violence

TEXTE INTÉGRAL

Introduction

Dans le domaine littéraire, c’est bien par les personnages que le roman attire et intéresse très généralement le lecteur. Grâce à leur ressemblance avec des êtres réels, les personnages du roman permettent, en effet, toutes sortes d’identification et de projection qui contribuent à apprécier le texte. Ce sont tous des actants dotés de capacité d’éloquence, qui dans les romans, mènent un ensemble de gestes et faits pour traduire et transcrire les réalités sociales des Hommes. Partant, le roman picaresque, artifice littéraire, constitue un miroir de la société et met en lumière les croyances, les coutumes et les traditions d’un peuple (F. L. Carreter, 1970, p. 27-47). Il naît en Espagne en 1554 avec La vida de Lazarillo de Tormes y de sus fortunas y adversidades (anonyme).

Le picaro est, en effet, dans le domaine littéraire, « un personnage de basse extraction, sans métier fixe, serviteur aux nombreux maîtres, incessant voyageur, vagabond, voleur, lâche » (M. Molho, 1990, p. 306). Ce personnage littéraire dispose de plusieurs caractéristiques importantes dans le roman picaresque. Partant de ce postulat, (G. Bertrant, 1997, p. 67) nous fournit des explications intéressantes à son sujet dans la société espagnole du XVIIème siècle :

Sans doute, avant d’être un personnage de fiction, est-il d’abord représentatif d’une réalité quotidienne. Mais, dans cette invention de lettrés et de moralistes, il cesse d’appartenir au folklore, et devient l’incarnation désabusée d’une grave sagacité : la marginalité lui donne une lucidité sur toutes les classes sociales, révélant les aspects négatifs de la condition humaine, démasquant les impostures sociales et les faussetés rassurantes.



Dans le genre narratif, La familia de Pascual Duarte inaugure la vision chaotique du monde et de la vie. Ce roman actualise en plus le discours et la technique narrative picaresque et joue dans l’avènement du trémendisme1 le rôle que tient le Lazarillo de Tormes dans celui du picarisme (B. D. Djandué, 2015, p. 152). Cette œuvre reprend à son compte l’esthétique picaresque. Le picaro incarne, ainsi, la lutte de l’Homme face à l’incertitude de son destin.

Le monde romanesque, par conséquent, est conçu à l’image de la société des Hommes. Le personnage du récit est un être fictif, voire un être de papier qui puise ses traits à partir de certains éléments pris à la réalité. L’auteur attribue des traits personnels, physiques, sociaux, psychologiques, affectifs et idéologiques à ses personnages qui appartiennent d’ordinaire à des personnes réelles, bref, à des êtres humains. Le personnage de Lázaro dans Lazarillo de Tormes, de Pascual Duarte dans La familia de Pascual Duarte, est, dès lors, le résultat de l’imagination créatrice de l’auteur, et il incarne sa vision, son projet de société. C’est la raison pour laquelle l’étude saisit l’attitude du picaro comme une vision iconoclaste de l’appareil social. Elle prend, également, en compte ce héros dans son univers d’existence et d’évolution. Il s’agit de le saisir dans sa centralité textuelle et de dégager ses implications idéologiques. Chacun de ces romans met le lecteur en contact avec des hommes ayant été exclus par la société, qui non seulement se refusent à toute tentative de normalisation, mais adoptent même ce rejet en s’inscrivant autant que possible dans des lignes de conduite qui vont à l’encontre des codes de vie en société. Ainsi, pour arriver à bout de notre analyse, l’étude voudrait construire une problématique autour des questions suivantes : Quelle est l’origine de l’iconoclasme ? Comment les œuvres du corpus obéissent-elles aux conventions narratives qui lui sont propres ? De quelles manières, dans l’écriture picaresque, les actions du picaro nous sont-elles présentées au point d’être qualifiées de vision iconoclaste ?

Il s’agira de répondre à ces questions en partant de l’hypothèse que les pérégrinations du picaro, personnage marginal, permettent au lecteur de découvrir les méandres d’une société espagnole en crise. L’objectif de cette étude est de relever les relents iconoclastes du picaro, axés sur le non-conformisme qui stigmatisent la vie en société. L’analyse se fera sous l’angle de la narratologie. De ce fait, la composante narrative, le cadre spatio-temporel et surtout le personnage principal, le picaro, détermine un pacte de lecture et d’écriture en guidant le lecteur et en conditionnant l’interprétation du texte. Ainsi, selon G. Genette (1972), l’histoire est constituée par les évènements vécus rapportés par un narrateur ; le récit est le discours qui nous raconte ces évènements ; la narration désigne l’ensemble des procédés qui nous permettent de comprendre le récit.

Cela dit, il convient de mentionner que l’étude s’articule autour de trois axes. Le premier s’attèle à la médiation historique de la notion d’iconoclaste ; le deuxième, traite de l’iconoclaste religieux ; et enfin, le troisième évoque les actes iconoclastes du picaro dans le corpus.

  1. Médiation historique de l’iconoclasme

L’iconoclasme, du grec eικών eikon « icône » et κλasteιν klastein « casser », est stricto sensu la destruction des représentations (P. Sériot, 2013, p. 11). L’iconoclaste apparaît, dès lors, comme un individu hostile aux traditions et cherche à les faire disparaître en les détruisant. Selon P. Ouellet (2001, p. 27),

l’iconoclaste détruit les images par respect pour elles, en quoi il croit et met toute sa foi. L’icône n’est pas pour lui un simple signe, plat, inoffensif, inanimé, une pure apparence plus ou moins trompeuse, mais de l’être au sens fort, un plus qu’être : un apparaître ou une apparition, de l’existence vivante, qui concurrence, par ce surcroît d’être qu’elle incarne littéralement, l’existence même de Dieu, auquel elle risque de se substituer dans l’exercice de l’idolâtrie.

Autrement dit, il est inadmissible de représenter Dieu sous un visage humain. Cette représentation viendrait à tronquer la pratique religieuse, car l’image se substitue au créateur. L’image représentée et le créateur maintiennent un lien d’interdépendance. Dans le même ordre d’idées, J. Girard et M. La Chance (2001, pp. 4-5), affirment ceci :

Pour les iconoclastes, l’image est seulement un substitut de l’objet, elle n’a pas de réalité autonome. C’est pour eux un tenant-lieu trompeur quand elle prétend au surgissement immédiat du représenté, à la résurgence magique d’un contenu. Regarder, montrer, signifier, interpréter, c’est à la fois briser le modèle et le construire ; c’est le piller pour le bricoler. L’iconoclasme serait l’opération d’une brisure, un processus qui viserait non pas l’anéantissement de l’image mais la coupure de son lien avec le modèle présumé semblable : amétonymisation.

Dans ce sens, un iconoclaste est une personne qui détruit les images religieuses, ou s’oppose à leur utilisation dans le culte. L’iconoclaste cherche, également, à détruire l’ordre établi ou les croyances, coutumes et les réputations en usage. Les actes de violences exercés, qu’ils soient physiques ou idéologiques, par l’iconoclaste traduisent des symboles de mécontentements subis en vue d’un changement politico-social. Ces gestes symboliques marquent des grandes scissions politiques et religieuses qui bouleversent le bon fonctionnement de la société (T. Wanegffelen, 2008, p. 1-15).

Partant, l’attitude iconoclaste qui s’est peu à peu développée s’oppose à la représentation des figures religieuses, par exemple le prophète ou les saints. Dans ce contexte, il s’agit d’élaborer une description phénoménologique de l’absence de la figure. Il est question, ici, de l’iconoclasme en tant que modalité fonctionnelle d’une catégorie liée à la conscience visuelle, une opposition farouche envers l’image et plus particulièrement le portrait. L’iconoclasme et les iconoclastes visent à la destruction et à la mise hors circuit irrévocable des images, notamment des portraits des saints. La formation de ce mouvement remonte originairement à l’époque byzantine, où le rejet de la tradition et de l’image se confondent (R. Rokoee, 2005, pp. 43-56).

La vision iconoclaste née, par conséquent, pendant la période byzantine suscite une attention particulière au sein de la société, car elle désorganise l’ordre social préétabli. Les gestes iconoclastes touchent plusieurs aspects de la communauté. Pour ce faire, comment apparaissent-ils au niveau religieux ?

  1. L’iconoclasme religieux

La question théologique de la représentation du divin traverse les trois monothéismes, à savoir le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam. Ces trois fondent leur croyance en l’existence d’un dieu unique à qui, ils attribuent la propriété de transcendance. Cela dit, il ne peut avoir une représentation physique puisqu’il n’est visible par aucun humain. L’interdit de la représentation est présent dans le monothéisme juif bien avant l’ère chrétienne.

La question des images s’inscrit, dès lors, dans un débat théologique plus large et plus profond portant sur la nature des médiations religieuses qui servent à transmettre l’Évangile. Ainsi, l’interdiction de la représentation des images se perçoit notamment dans la Bible dès les premiers commandements que Dieu transmet à Moïse :

Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point; car moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punit l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et qui fait miséricorde jusqu’à mille générations à ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements. (Exode 20, 4-6).



De ce fait, la représentation de la nature accomplit la divinité souvent cachée dans l’image. Cependant, la virulence de l’iconoclasme témoigne d’une iconophobie fondamentale, car le sacré fait obstacle à la conscience visuelle et à la perception. La conscience visuelle se traduit par la conscience d’image dans la mesure où la réception est accomplie dans l’entendement de manière déterminée (R. Rokoee, 2019). Il s’agit d’une modalité de la conscience lorsque celle-ci s’approprie l’image et la rend sous forme intentionnellement visuelle, achevant la figuration de l’image pré-conceptuelle (P. Sabot, 2012). Se faisant, la conscience visuelle est donc considérée comme la fondation de l’être dans sa totalité vivant et éveillé.

De nombreuses vagues d’iconoclasme touchèrent, par ailleurs, différents pays en Europe dans les années 1500. Ces manifestations consistaient à détruire dans les églises et les couvents les œuvres d’art qui renfermaient des images afin de les profaner. Cet extrait est illustratif :

Au printemps de 1521, la chapelle du Saint-Esprit à Treptow (Trzebiatow) en Poméranie fut envahie et dévastée, ses statues furent détruites, puis jetées dans un puits. L’ampleur des destructions, le traitement bien particulier, dégradant, infligé aux débris, ainsi que la coïncidence dans le temps avec une violente agression perpétrée contre une procession traditionnelle, nous invitent à considérer cet événement isolé, survenu dans une bourgade éloignée de tous les grands centres religieux et politiques […] comme la toute première manifestation de l’iconoclasme protestant (O. Bauer, 2009, pp. 70-71).

Ces actions iconoclastes trouvent leur fondement et leur justification dans la lutte contre l’idolâtrie religieuse. Elles permettent de condamner le culte aux images dans les églises. L’iconoclasme qui est à la fois politique et religieuse, fait partie de l’histoire des Hommes ; il est par ailleurs devenu quasiment une spécialité (M. Fr. Auzépy, 2007), car l’injustice que subissait le picaro était au cœur de toutes les classes sociales. Comment se manifeste-t-il l’iconoclasme du picaro ?

  1. Le picaro : un personnage à vision iconoclaste

L’une des particularités des textes de l’auteur anonyme et de Camilo José Cela est la remise en cause des valeurs sociales, morales et religieuses que l’on observe dans leurs romans. Cette remise en cause se manifeste non seulement à travers les catégories littéraires que sont les personnages littéraires, mais aussi, elle se déploie par le biais du traitement de sujets et de thèmes parfois sensibles, voire immoraux. En effet, le roman, genre transgressif, offre très souvent le spectacle de personnages qui s’apparentent peu à des personnes de la réalité de l’auteur.

Parlant du personnage, R. Brusegan (1987, p. 157) évoque le terme expressif de « programme narratif plein », car il s’agit de saisir le personnage, c’est-à-dire la valeur de celui-ci, la somme d’informations véhiculées et la caractérisation de ses actions. Les personnages jouent un rôle indispensable dans l’intrigue d’une œuvre littéraire. Ce qui pousse P. Hamon (1977, pp. 122-123), à les caractériser sous les identités de « personnages-référentiels », « personnages-embrayeurs », et « personnages-anaphores ».

Par conséquent, le picaro, appartient à la première catégorie, à savoir le personnage-référentiel, d’abord, en raison de son « être », c’est-à-dire, son nom, son portrait physique et sa psychologie ; et ensuite, son « faire », son action, son rôle thématique et son rôle actantiel dans le déroulement de l’intrigue.

Par ailleurs, les concepts de « pureté de sang »2, de « vieux chrétien » et de « nouveau chrétien »3 font leur apparition en Espagne dans une atmosphère de suspicion généralisée, pour distinguer les Espagnols authentiques, chrétiens par tradition, des chrétiens de circonstance. Ils seront pris en compte dans la classification des citoyens, dans le partage des ressources et dans l’attribution de certains postes politiques. Dès lors, la naissance ignoble du picaro apparaît déterminante pour justifier cet anti-honneur qui conditionne son comportement. Il ne peut que, par ses origines, se consacrer à toutes sortes d’activités marginales pour survivre.

À cet effet, J. A. Maravall (1986, p. 357) rappelle que chacun aspire à s’élever socialement :

L’aspiration sociale vise les hauts niveaux de l’honneur (qui par ailleurs, peuvent être toujours plus confus et relâchés) ou, ce qui équivaut au même, la noblesse (vraie ou feinte, jusqu’à l’état de chevalier) ; ou bien elle se limite à se déplacer vers l’obtention de niveaux d’une majeure capacité acquise de biens que la société offre en échange de l’argent (quelle que soit la qualification morale des moyens employés pour arriver à cela)4.



Ici, le picaro, issu de la plus basse classe de la société, ne peut prétendre à une aspiration sociale. Sa naissance ignominieuse ne peut lui conférer un statut d’homme possédant un haut niveau d’honneur qui caractérise les nobles. Par conséquent, le picaro passe de l’individu d’exception du merveilleux romanesque des romans de chevalerie à l’être dépersonnalisé du roman qui se veut réaliste.

Ainsi, les pícaros, de naissance souvent obscure ou infamante, rompent brusquement avec leur famille. En effet, Lázaro et Pascual Duarte, orphelins, fils de subalternes, de pères sans honneur, sont des héros sans attaches. Ils sont, donc, poussés à la vie picaresque, une vie d’errance, à cause des mauvais traitements subis dans la société de leur époque.

Notre malheur voulut que la fréquentation du Zaide (ainsi se nommait le More) vînt aux oreilles du maître d’hôtel, qui, ayant fait l’enquête, découvrit que le More volait la moitié en moyenne de l’orge qu’il recevait pour ses bêtes, volait le son, le bois, les étrilles, les housses, perdait à dessein les couvertures et les draps des chevaux, et, quand il ne trouvait rien d’autre, déferrait les bêtes. Tout cela, il l’apportait à ma mère pour nourrir mon petit frère. […] Là, souffrant mille maux, elle acheva d’élever mon petit frère jusqu’à ce qu’il sût marcher. Et moi, j’étais alors assez grand garçonnet pour quérir pour les hôtes le vin et la chandelle et les autres choses qu’ils me commandaient5 (Lazarillo de Tormes, 2001, pp. 3-4).

Face aux difficultés rencontrées dans la société, le picaro est donc amené à une vie d’errance, car il est marqué par une obsession nomade qui lui permettra de parvenir à sa fin.

Lazaro perturbe les repères habituels du lecteur en le confrontant à un récit en apparence non narratif, mais qui en fait essaime en une multitude de micro-histoires. Dans Le Lazarillo de Tormes, le jeune Lázaro, le picaro, se distingue comme un personnage naïf, hésitant, inconstant et inconséquent. Il est initié par son maître l’aveugle à l’univers de la gueuserie : « Nous commençâmes notre route, et en peu de jours il m’enseigna le jargon ; […] Et il le fit en effet, car après Dieu ce fut lui qui me donna la vie, et qui, bien qu’aveugle, m’illumina et me guida dans le chemin du monde »6 (Lazarillo de Tormes, 2001, p. 4).

Lázaro se distingue, ensuite, par des tours. Il ne triche que pour satisfaire sa faim, poussé par la nécessité. Il vit dans un monde sans honneur, car c’est le valet qui nourrit le maître. Lázaro éprouve de temps à autre de la pitié pour ses maîtres. L’aveugle est perspicace, le prêtre ignore la charité et met le pauvre Lázaro à la porte, après l’avoir sauvagement assommé. Enfin, la situation de Lázaro est peu enviable : il serait un mari cocu mais ne veut pas en entendre parler. Il éprouve, en effet, une vision platonicienne de la vie. Par nature, le picaro est l’homme sans honneur ; Lázaro le reste quoi qu’il fasse et, volontairement, refuse de s’en inquiéter : pour lui l’honneur est illusion. Ici, l’honneur n’est rien pour le picaro par rapport à la situation sociale. Mieux vaut vivre à l’aise sans honneur que de vivoter avec l’honneur. Ainsi, « Qui écoute les mauvaises langues ne fera jamais fortune. Ne t’occupe point de ce qu’on peut dire, mais de ce qui te touche, à savoir de ton profit »7 (Lazarillo de Tormes, 2001, p. 18).

Partant, le Lazarillo de Tormes représente la mise en question individuelle de l’ordre social par la parole de Lázaro. Le picaro expose sa liberté morale. Il fustige, en effet, l’honneur, car ce code de vie met à mal la vie de certaines personnes. L’honneur apparaît pour les personnes qui le pratiquent comme une source de malheur. En ce sens, cette affirmation du picaro justifie clairement les propos : « Oh ! Seigneur, combien y en a-t-il de par le monde qui, pour cette malédiction qu’ils nomment honneur, souffrent ce qu’ils ne souffriraient pas pour vous »8 (Lazarillo de Tormes, 2001, p. 12).

Quant à Pascual Duarte, l’environnement social et familial et l’héritage générique expliquent sa légendaire agressivité et ses malheurs. Dès lors, en toute logique picaresque, il décrit longuement son ascendance au début de son récit. Parlant de sa génitrice, il affirme, en effet :

Après mûre réflexion, et sans rien éclaircir complètement, il m’est seulement donné d’affirmer que le l’avais déjà perdue il y a longtemps, quand je ne trouvais en elle aucune vertu à imiter, ni don de Dieu à copier, et qu’il fallait partir de mon cœur quand j’ai vu tant de mal en elle qu’ensemble je ne pouvais pas enter dans ma poitrine9 (J. Cela, 1995, p. 58).

 

Pascual Duarte n’est pas un être normal, mais un malade marqué par des séquelles héréditaires auxquelles il doit ses accès de colère, et par une carence pathologique qui l’empêche de réprimer des instincts sanguinaires (B. D. Djandué cite Vilanova (2015, p. 111).

En conséquence, par son comportement non conformiste, la préoccupation essentielle de l’auteur est de critiquer les vices humains. Le picaro, personnage atypique, relate lui-même sa propre vie dans un environnement hostile à son bien-être. La misère du picaro est avant tout d’ordre biologique. Partant de ce postulat, son sang vil le prive de tout honneur et des titres de noblesse y afférents. Dès lors, voulant rompre les liens de sang pour se frayer un chemin vers la haute société, son aventure commence par l’abandon du domicile familial. Cela se justifie à travers les phrases suivantes :

En ce temps vint gîter au logis un aveugle, qui, me trouvant propre à le conduire, me demanda à ma mère. Elle me recommanda à lui et lui dit que j’étais fils d’un homme de bien, qui, pour exalter la foi, était mort en la journée des Gerbes, qu’elle comptait que le fils ne démentirait pas le père, et qu’elle le priait de me bien traiter et soigner, puisque j’étais orphelin10 (Lazarillo de Tormes, 2001, p. 4).

Cependant, compte tenu qu’il lui est quasiment impossible une ascension sociale en suivant les voies conventionnelles, il se forge une âme d’iconoclaste et une réputation de profanateur. Quand il n’obtient pas le résultat escompté de la rupture familiale, le picaro quitte sa terre natale, sa ville ou son pays, et s’exporte avec une intention particulièrement axée sur la recherche d’un ailleurs meilleur. En ce sens, selon B. D. Djandué (2015, p. 265), le picaro ne devient ce qu’il est qu’en s’éloignant provisoirement ou définitivement, volontairement ou involontairement, du cercle familial. La rupture avec sa famille est par conséquent le premier acte de la picarité.

Le picaro affiche un comportement indélicat. Il ne vit pas droitement, ses actions enténébrées s’opposent aux autres membres de la communauté, en raison du Mal qui gouverne tous ses actes. Quoique n’étant pas totalement mauvais, méchant et amoral, le picaro est, cependant, influencé par les milieux qu’il fréquente, les personnages qu’il côtoie et son passé au sein de la société. Partant de ce fait, autant la société est en lambeau, autant la morale est dépouillée du bon sens. L’attitude du picaro, plus hostile au respect des choses sacrées, dénote l’enterrement de la morale. En clair, les dépouilles, sont des choses que les adolescents éprouvent de la réticence à regarder ou à approcher en situation normale. (K. S. Konan, 2018, p. 30).

Le picaro, par son attitude, met à nu certaines pratiques ignobles de la société. Ces comportements entravent le fonctionnement harmonieux de celle-ci. Nous avons une preuve avec le récit d’un faux miracle, opéré par un colporteur de bulles ou d’indulgences. Ce dernier voulait, ainsi, écouler sa pieuse marchandise, qui, en un lieu du diocèse de Tolède, où les esprits étaient tièdes, n’avait pas trouvé preneur. Voilà la teneur de cette réalité :

Alors M. le Commissaire, tombant à genoux dans la chaire, les mains jointes, les yeux levés au ciel, dit ceci : « Seigneur Dieu, à qui aucune chose n’est cachée, mais toutes sont manifestes, et à qui rien n’est impossible, tu sais la vérité et combien je suis injustement outragé. […]À peine mon dévot maître avait-il terminé son oraison, que le misérable alguazil tomba de son haut et donna si grand coup, que l’église toute entière en retentit ; puis se mit à bramer, à lancer de l’écume par la bouche, à la tordre, à faire des grimaces avec son visage, à se débattre des pieds et des mains et à se rouler de côté et d’autre sur le sol11. (Lazarillo de Tormes, 2001, p. 16).



Cet assortiment d’humanité hétéroclite constitue une scène tant iconoclaste, car elle parodie l’imagerie religieuse codifiée, que carnavalesque, par ses symboles de fausse religiosité et son aspect de trompeur.

Par ailleurs, Pascual Duarte devient l’incarnation de la criminalité et de la violence. Sa vie est gouvernée par des crimes et de la mort préméditée. Il apparaît comme un psychopathe au sein de la société. Ses victimes se comptent parmi les bêtes et les humains : sa chienne tuée à coups de fusil, Zacarías blessé grièvement pour une blague mal interprétée, la jument accusée d’être à l’origine de l’avortement de sa femme, el Estirao son beau-frère qui le cocufie pendant son séjour en prison et, après sa libération pour bonne conduite, sa mère à qui il tranche la gorge au bout d’une lutte qu’il qualifie lui-même de « tremenda » : « Nous nous sommes combattus ; c’était le combat le plus terrible que vous puissiez imaginer »12 (C. J. Cela, 1995, p. 175). Par conséquent, Pascual tente d’expliquer cette contemption par le fait que la vie désordonnée de ses parents a forgé son sentiment de voir en l’homme, le principal acteur de ses malheurs. (K. S. Konan, 2021, p. 8).

Ainsi, le picaro, naguère victime de son entourage et usant de ruse pour se défendre, se retrouve presque dans le rôle de bourreau en continuant de se défendre contre des agressions extérieures. Le sang qui ruisselle à travers les crimes de Pascual Duarte manifeste de plus en plus l’étendue du carnage des dirigeants et traduit la souffrance du peuple. Les agissements du héros donnent lieu à une vision extrêmement critique de la société.

Dès lors, le picaro se sent souvent obligé de se faire justice, dans une société qui ne répare pas automatiquement les injustices qui se produisent en son sein. La violence symbolique est le résultat de toutes les épreuves rencontrées par le picaro avec ses prochains dans son vécu quotidien. Le picaro affiche, en effet, un comportement indélicat. Il ne vit pas droitement, ses actions enténébrées s’opposent aux autres membres de la communauté, en raison du Mal qui gouverne tous ses actes. Ces extraits justifient le comportement antisocial du picaro :

Je le plaçai bien en face du pilier, sautai et me mis derrière le pilier, comme qui eût attendre la rencontre de taureau, puis lui dit : « Allons, sautez tant que vous pourrez pour atteindre ce côté-ci de l’eau. » À peine avais-je dit cela, que le pauvre aveugle se balance comme un bouc, et de toute sa force saute, après avoir reculé d’un pas pour mieux prendre son élan, et va donner de la tête contre le pilier, qui résonna aussi fort que si on y eût brisé une grosse calebasse. Il tomba à la renverse, demi mort et la tête fendue13 ( Lazarillo de Tormes, 2001, p. 7).

Pascual tue lâchement, son beau-frère, son rival, El Estirao qui le cocufie pendant son séjour en prison. Il l’achève pendant que El Estirao est déjà agonisant après l’avoir assommé avec un banc en plein visage, car Pascual ne pouvait supporter les paroles hautaines de l’agonisant : « C’était trop chouette. J’ai marché un peu plus fort…La viande de la poitrine faisait le même bruit que si j’étais sur le rôti…Elle a commencé à verser du sang par la bouche. Quand je me suis levé, il est allé la tête-sans force-pour un côté… »14 (C. J. Cela, 1995, p. 169).

Par ses agissements iconoclastes, le héros sape un fondement essentiel de la société espagnole mise en place et qui la légitime, la religion. Ces deux textes littéraires, que le roman déconstruit, vont de pair avec un démantèlement du texte romanesque, qui brise la narration linéaire pour proposer d’autres formes de structuration, jeu des leitmotive, mise à distance de la diègèse, structure poétique du récit, construction spéculaire. Le lecteur, qui a parfois du mal à adhérer au récit, se trouve confronté à des modalités narratives relevant autant de la poésie que du romanesque.

La vision du monde des romanciers se nourrit avant tout des relations entre les personnages qui peuvent également être des vecteurs d’une vision du monde à l’échelle individuelle. Dans ce sens, les scènes du corpus peuvent être perçues à travers le regard ou la conscience du picaro ; en outre, le picaro lui-même agit et réagit selon ou contre des codes et des valeurs qui sont celles d’une époque.

Conclusion

En somme, en prenant la décision d’explorer quelques relents iconoclastes du picaro axés sur le non-conformisme qui stigmatisent la vie en société, nous sommes bien conscients des critiques éventuelles que leur analyse pourrait susciter. Dès lors, nous soutenons que les œuvres du corpus, par l’irruption dans leur dynamique narrative de la thématique de l’iconoclasme, des pérégrinations du picaro, obéissent aux conventions narratives de l’iconoclasme. Bien plus, nous admettons que ces modalités de l’iconoclasme qui se dessinent dans la dynamique interne des œuvres du corpus épousent parfaitement des réalités espagnoles.

Les gestes iconoclastes observés permettent de cerner les injustices subies dans la société. Par son comportement, le picaro est dans une posture de transgression des normes sociétales. Il donne, ainsi, un témoignage des inégalités souffertes dans la société par les marginalisés qui vivent généralement dans un état avancé de la pauvreté et de la misère.

Les écrivains ne veulent, par conséquent, plus se cacher des altérations ou des impuretés observées ; plus encore, ils en parlent comme le fondement de leur projet romanesque. Plutôt que de craindre l’iconoclastie, ils la suscitent, la théorisent, la défendent et tentent de l’imposer comme nouveau code d’écriture. Il s’agit d’une telle interprétation vers laquelle s’oriente la poétique du picaresque qui travaille le projet scriptural de Lázaro et Pascual Duarte, narrateurs et écrivains fictifs des romans de l’auteur anonyme de Lazarillo de Tormes et de Camilo José Cela.

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1C’est un courant philosophico-littéraire né au début des années 40. Il emprunte la voie de la philosophie existentialiste parce qu’il dépeint de manière sombre la réalité quotidienne de la post-guerre immédiate. Le trémendisme s’identifie notamment par la profondeur chaotique des déviations comportementales de leurs protagonistes qui grouillent comme des asticots dans une substance putréfiée, sans repère social et psychique normaux et qui se débattent dans le vide existentiel qui les happe. (K. S. Konan, 2021, p. 3).

2 Cette pratique a été mise en place après la reconquête et l’unification de l’Espagne par les Rois Catholiques, créant ainsi le Tribunal de la Sainte-Inquisition afin de pourchasser les hérétiques. « La pureté de sang » est une pratique discriminatoire qui consiste à obtenir la délivrance d’un « certificat de pureté de sang » par des instances bien précises mandatées pour cela. Ce document doit attester que l’intéressé ne compte ni juif ni maure dans ses ascendants, y compris les plus lointains (J. P. Dedieu, 2010, p. 2).

3 Un « vieux chrétien » est l’appellation attribuée à un espagnol de sang pure « pureté de sang » qui n’a aucun ascendant susceptible d’avoir pratiqué la religion juive ou musulmane. Quant au « nouveau chrétien », il s’agissait d’un juif ou musulman converti après la conquête de Granada et la chute de la dernière dynastie maure de la péninsule. Cette catégorisation de la société en deux castes distinctes a été imposée par la pratique de la pureté de sang (M. Boeglin, 2003, p. 9).

4 Texte d’origine. “Se dispara la aspiración social hacia los altos niveles del honor (que por otra parte, cada vez pueden verse más confundidos y relajados) o, lo que es lo mismo, hacia la nobleza (verdadera o fingida, hacia el estado de caballero); o bien se limita a moverse hacia el logro de niveles de una mayor capacidad adquisitiva de los bienes que la sociedad ofrece por dinero (cualquier sea la calificación moral de las vías empleadas para ese logro”.

5 Texte d’origine. “Quiso nuestra fortuna de la conversación del Zaide, que así se llamaba, llegó a oídos del mayordomo; y, hecha pesquisa, hallóse que la mitad por medio de la cebada que para las bestias le daban hurtaba; y salvados, leña, almohazas, mandiles, y las mantas y sábanas de los caballos hacía perdidas; y, cuando otra cosa no tenía, las bestias desherraba, y con todo esto acudía a mi madre para criar a mi hermanico. […] Y allí, padeciendo mil importunidades, se acabó de criar mi hermanico hasta que andar, y a mí hasta ser buen mozuelo; que iba a los huéspedes por vino y candelas y por lo demás que me mandaban”.

6 Texte d’origine. “Comenzamos nuestro camino, y en muy pocos días me mostró jerigonza; […]. Y fue ansi; que, después de Dios, éste me dio la vida, y, siendo ciego, me alumbró y me adestró en la carrera de vivir”.

7 Texte d’origine. “Quien ha de mirar a dichos de malas lenguas nunca medrará. […] Por tanto, no mires a lo que pueden decir, sino a lo que te toca: digo, a tu provecho.”

8 Texte d’origine. “¡Oh, Señor, y cuántos de aquéstos debéis Vos tener por el mundo derramados, que padescen por la negra que llaman honra, lo que por Vos no sufrirán!”

9 Texte d’origine. “Después de mucho pensar, y de nada esclarecer del todo, sólo me es dado el afirmar que la respeto habíasela ya perdido tiempo atrás, cuando en ella no encontraba virtud alguna que imitar, ni don de Dios que copiar, y que de mi corazón hubo de marcharse cuando tanto mal vi en ella que junto no cupiera dentro de mi pecho”.

10 Texte d’origine. “En este tiempo, vino a posar al mesón un ciego, el cual, pareciéndole que yo sería para adestralle, me pidió a mi madre, y ella me encomendó a él, diciéndole cómo era hijo de un buen hombre, el cual, por ensalzar la fe, había muerto en la de los Gelves, y que ella confiaba en Dios no saldría peor hombre que mi padre, y que le rogaba me tratase bien y mirase por mí, pues era huérfano”.

11 Texte d’origine. “El señor comisario se hincó de rodillas en el pulpito, y, puestas las manos y mirando al cielo, dijo ansi: -Señor Dios, a quien ninguna cosa es escondida, antes todas manifiestas, y a quien nada es imposible, antes todo posible: tú sabes la verdad y cuán injustamente yo soy afrentado. […] Apenas había acabado su oración el devoto señor mío, cuando el negro alguacil cae de su estado, y da tan gran golpe en el suelo que la iglesia toda hizo resonar; y comenzó a bramar y echar espumajos por la boca y torcella y hacer visajes con el gesto, dando de pie y de mano, revolviéndose por aquel suelo a una parte y a otra”.

12 Texte d’origine. “Luchamos; fue la lucha más tremenda que usted se puede imaginar”.

13 Texte d’origine. “Yo le puse bien derecho enfrente del pilar, y doy un salto y póngome detrás del poste, como quien espera tope de toro, y díjele: – ¡Sús! Saltá todo lo que podáis, porque deis deste cabo del agua. Aun apenas lo había acabado de decir, cuando se abalanza el pobre ciego como cabrón, y de toda su fuerza arremete, tomando un paso atrás de la corrida para hacer mayor salto, y da con la cabeza en el poste, que sonó tan recio como si diera con una gran calabaza, y cayó luego para atrás, medio muerto y hendida la cabeza”.

14 Texte d’origine. “Era demasiada chulería. Pisé un poco más fuerte…La carne del pecho hacía el mismo ruido que si estuviera en el asador…Empezó a arrojar sangre por la boca. Cuando me levanté, se le fue la cabeza-sin fuerza-para un lado…”.

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