Infundibulum Scientific

LA PRODUCTION ÉCRITE LORS DES ÉVALUATIONS EN LANGUES SECONDES ÉTRANGÈRES AU CYCLE MOYEN SECONDAIRE

La producción escrita durante las evaluaciones en segunda lengua extranjera en el ciclo de secundario medio

The written production during the assessments in foreign second languages at the middle secondary cycle

Efua Irène AMENYAH SARR
Enseignante Chercheure
UGB / UFR-SEFS / SCEDU (Saint-Louis, Sénégal)
efuairene@gmail.com

Résumé

Mots-clés, Keywords, Palabras clave

Apprenants, Enseignement, Évaluation, Langue seconde, Production écrite, Aprendientes, Enseñanza, Evaluacion, Lengua segunda, Produccion escrita, Assessment, Learners, Teaching, Second Language, Written Production

TEXTE INTÉGRAL

Introduction

Si dans la situation de classe, l’enseignant et les apprenants sont amenés à utiliser lors des activités d’enseignement/apprentissage (A/E) une langue autre que la langue maternelle ou la langue primaire du milieu, ce que les Anglais appellent : Mother tongue ou Primary language, cela suppose que la langue utilisée en situation de classe est une langue seconde étrangère1. Il s’agit des langues héritées à la fois de la colonisation et de la mondialisation qui, en situation scolaire, sont enseignées dans le dispositif d’E/A. Pour Pierre Mongeau et Jennifer Hill (1998), lorsque des apprenants sont invités à faire une activité d’apprentissage dans une langue seconde étrangère, les stratégies cognitives et métacognitives sont intensément sollicitées.

Dans le dispositif d’E/A, l’enseignant est le principal acteur de la relation éducative qui le lie à ses apprenants, à ses collègues, aux parents d’élèves et à l’institution scolaire (Judith Émery-Bruneau, 2015). La relation éducative passe certes par les enseignements que l’enseignant livre aux apprenants, mais aussi par l’évaluation qui lui permet de jauger le niveau d’acquisitions des connaissances de ceux-ci et de vérifier si les connaissances et les compétences transmises sont bien installées (Philippe Perrenoud, 1998 ; Anne-Marie Doly, 2013). L’évaluation fait partie intégrante du métier d’enseignant car elle constitue un acte pédagogique majeur. Aussi, ne peut-on imaginer un projet d’enseignement sans projet d’évaluation (Jean Cardinet, 2007).

Partant de là, quand et comment évaluer les apprentissages lorsqu’ils sont réalisés en langue seconde ? L’apprentissage dans la langue seconde est une activité qui intègre quasiment toutes les sous-composantes de l’enseignement d’une langue. Il s’agit de la grammaire, la conjugaison, le vocabulaire, l’orthographe et surtout de la syntaxe. Il en résulte des activités de production écrite telles que la rédaction, le commentaire de texte, l’étude de texte, la dissertation, le résumé, etc. La mise en commun de ces différents éléments et composantes empêche souvent les apprenants de produire des textes écrits de qualité, tant dans la forme que dans le fond.

Ainsi, pour aborder cet article, nous posons la question de recherche suivante : quelles sont les difficultés que rencontrent les apprenants dans la production écrite en langues secondes étrangères ?

1. Contexte

Aujourd’hui, point besoin d’études scientifiques pour savoir que la fréquence des évaluations devient de plus en plus faible dans les situations de classe à cause des effectifs pléthoriques2 (Yankhoba Gueye, 2021), mais aussi et surtout à cause du temps et de la concentration qu’exige la correction desdites épreuves. L’on constate aussi que les critères de correction des productions écrites diffèrent d’un enseignant à un autre, d’un groupe d’enseignants à un autre. Les enseignants ont parfois du mal à justifier les notes qu’ils attribuent aux apprenants. La faiblesse des notes influe sur leur moyenne, si bien que les apprenants ont tendance à considérer la langue seconde étrangère enseignée comme leur « bête noire ». Toutefois, les apprenants sont confrontés à la multiplicité des langues enseignées qui comprend, outre le français langue officielle, les autres langues secondes étrangères ou langues vivantes secondes (LV2) que sont l’anglais, l’espagnol, le portugais, le russe, l’arabe et l’allemand. Nous notons que le chinois est également enseigné mais à travers les Instituts Confucius qui sont implantés en dehors du contexte scolaire.

L’autre constat est que nombre d’enseignants ne font quasiment pas de corrections ou de comptes rendus des évaluations faites, mais se contentent de procéder à de simples restitutions des copies (Marguerite Altet, 1994). Il faut aussi noter que les annotations dans les marges des copies n’incitent pas les apprenants à identifier les erreurs commises et à s’engager dans une possible auto-correction. C’est comme si les stratégies cognitives et métacognitives d’apprentissage mises en place par les apprenants en se fixant des buts à réaliser, ne sont pas prises en compte dans la correction de la production écrite (Judith Émery-Bruneau, 2016; Marc Romainville & Bernadette Noël, 2003).

La production écrite se révèle importante du fait qu’elle joue un rôle essentiel tout au long du cursus scolaire et universitaire, voire la carrière professionnelle future. Toutefois, que ce soient les enseignants de français, langue seconde officielle ou les enseignants des langues secondes étrangères, ils sont tous confrontés aux mêmes problèmes dans l’évaluation des productions écrites. Nombre d’enseignants ignorent que les apprenants apprennent de façon spécifique le savoir enseigné et que chacun développe une conceptualisation personnelle des connaissances (Marc Romainville, 2007, Christine Barré de Miniac, 2002).

Les notes obtenues en production écrite lors des épreuves écrites en langue telles que « Ensayo » (espagnol), « Topic » (anglais) etc., par exemple varient entre 1,5 et 2,5 / 6. Pendant les examens de fin de cycle ou lors des concours, les mêmes observations reviennent et les mêmes remarques sont faites par les enseignants correcteurs (Laurent Talbot, 2007). Ainsi, il ressort une diversité de situations concernant la production écrite des apprenants dans les langues secondes étrangères.



2. Cadre théorique

Lev Vygotsky, dans son ouvrage Pensée et langage (1985), affirmait que « la mise à l’écrit de la pensée s’avère une activité d’analyse rigoureuse. Le rapport entre le langage et la pensée est un processus dynamique, dans lequel la pensée se réalise dans le langage ». Dans un autre sens, Émile Durkheim, repris par Marc Romainville (2007, p. 7), note : « il est impossible d’apprendre à un esprit à réfléchir sans que ce soit un objet déterminé […] c’est en mettant l’intelligence en face de la réalité qu’elle doit réfléchir qu’il est possible de lui montrer comment elle doit s’y prendre pour s’en faire des notions justes ». Il est clair que dans l’apprentissage des langues, ce que les sujets apprennent relève plus de l’abstrait que du concret et nombres d’enseignants n’ont pas visité les pays où ces langues sont parlées alors que pour chaque situation linguistique, il y a un savoir, une émotion, un vécu qui y sont associés (Anne-Marie Doly, 2013).

Cela traduit l’importance de l’écriture qui demeure un moyen d’évaluation des connaissances apprises, notamment l’assimilation des règles de grammaire, d’orthographe, de conjugaison ou de vocabulaire, mais sans la réalité psycho-socio-linguistique qui va avec la langue apprise. L’on se rend compte qu’écrire n’est pas toujours évident si l’on s’en tient aux exigences que cela implique (Christine Barré-De Miniac, 2000, 2002 ; Jean Cardinet, 2007, Kimberley A. Noels et al., 2000).

La production écrite, dans son sens le plus général, est considérée dans l’enseignement moyen secondaire comme une production faite par les apprenants sur des sujets précis, déterminés conformément au respect des règles, des exigences et des objectifs dans la logique de restitution des connaissances, de la progression dans la qualité de la rédaction ou de l’amélioration du plan méthodologique (Christine Barré-De Miniac, 2000 ; E.&O. Bled, 2010). En production écrite, les apprenants utilisent la capacité d’expliciter les stratégies d’apprentissage, à la capacité d’anticiper leurs performances et se fixer des buts d’apprentissage et de performance, ainsi qu’à corriger leur parcours scolaire au fur et à mesure de l’apprentissage (Pierre Mongeau & Jennifer Hill, 2008; Rolland Viau, 1999, 2009).

La production écrite est perçue comme une manière de personnaliser les apprentissages réalisés par les apprenants, de leur permettre de générer des idées, de démontrer leur position à travers une argumentation solide sur un sujet donné. Elle donne ainsi la possibilité de tester le niveau d’expression et la capacité des apprenants à formuler des idées dans des phrases correctes et d’élaborer des paragraphes de manière cohérente. Elle permet d’acquérir des connaissances et de développer les compétences nécessaires pour s’ouvrir à un monde lettré, dès l’instant où des apprenants aspirent à faire carrière dans le domaine littéraire ou scientifique. En outre, la production écrite est importante en ce sens qu’elle permet de découvrir ou d’explorer le côté créatif des apprenants par le biais des textes qu’ils produisent. La production écrite présente un intérêt d’ordre intellectuel à travers la création des idées, leur organisation et leur planification.

Mais écrire en langues secondes étrangères présente un certain nombre de difficultés. Les difficultés peuvent être d’ordre socio-culturel, psycho-linguistique, contextuel, situationnel, ou procédural. Les apprenants doivent d’abord vivre ou penser la chose, la situation ou l’objet dans leur propre langue afin de la comprendre, ensuite de la traduire par des procédés et des stratégies cognitives ou métacognitives dans la langue seconde étrangère, enfin de la transcrire par écrit, et surtout avec des notions justes (Pierre Mongeau & Jennifer Hill, 1998 ; Kimberley A. Noels et al., 2000). Pour certains, le processus peut sembler plus complexe car le nombre de langues à convoquer peut passer du simple au double, voire plus pour la même activité de production écrite.

Si l’on se réfère aux devoirs et aux compositions, l’on se rend compte que la plupart des apprenants ne produisent pas suffisamment d’écrits. Cela peut s’expliquer soit par la complexité du processus cognitif et métacognitif et aussi par le fait qu’ils ne lisent pas la plupart du temps. La lecture est étroitement liée à la production écrite dans la mesure où c’est en lisant que l’on acquiert l’ensemble des outils nécessaires à la réussite de l’écriture d’un texte (Christine Barré de Miniac, 2002 ; Marc Romainville, 2007) et d’être en mesure de s’engager, voire de s’investir dans la l’explicitation et la performance (Pierre Mongeau & Jennifer Hill, 1998). De plus, les apprenants sont, la plupart du temps, dans l’incapacité de produire en raison des difficultés liées à la non-maitrise des règles de grammaire, de conjugaison, de vocabulaire ou d’orthographe (Anne-Marie Doly, 2013).

Un autre élément déterminant est de s’interroger sur la qualité des enseignements dispensés. Si les enseignants accompagnent mieux les apprenants, ces derniers seront en mesure de produire des textes écrits corrects. Ce faisant, il convient de s’interroger si les supports pédagogiques et les consignes d’écriture devant être détaillées pour aider les apprenants à réussir la tâche d’écriture sont suffisamment explicites et claires pour permettre aux apprenants la production écrite.



3. Cadre méthodologique

Dans ce travail, nous avons retenu par choix raisonné des collèges d’enseignement moyen (CEM). Il s’agit de quatre (4) établissements du premier cycle du secondaire afin d’observer les notes obtenues par les apprenants dans les productions écrites dans une langue seconde étrangère, qui est enseignée dès la classe de sixième au collègue, en exemple l’anglais. Les établissements sont répartis en public (2) et en privé (2) pour un total de 19 salles de classes pour les niveaux de 6ème et 5ème et pour un total de 1143 apprenants.

Les établissements du public totalisent 969 apprenants pour un total de 13 salles de classes, soit 75 personnes en moyenne. Les établissements du privé totalisent 174 apprenants pour 6 salles de classes, soit une moyenne de 29 personnes. Nous avons choisi de ne pas nous référer à la différence de genre, soit la distinction entre fille et garçon, puisqu’il s’agit du sujet apprenant.

Nous nous sommes référés aux notes obtenues par les apprenants dans les archives des évaluations produites par les enseignants pour les classes sus-indiquées. Nous avons choisi de nommer les établissements ciblés suivant les appellations : CEM Public 1 et CEM Public 2 d’un côté, et CEM Privé 1 et CEM Privé 2 de l’autre. Nous avons créé quatre intervalles permettant de ranger les notes. Ce sont : [0 – 5], ]5 – 10], ]10 – 15] et ]15 – 20]. Nous avons également pris en compte le nombre total des évaluations faites durant toute l’année académique, que ce soit dans le privé ou dans le public. Enfin, nous avons retenu aussi les taux de réussite que présente chaque niveau selon l’ordre et les effectifs dans les classes.

4. Analyse et discussion

L’analyse des données renseigne sur les salles de classe, les effectifs, le nombre des évaluations, les notes obtenues par les apprenants et le taux de réussite. Nous avons opté pour un tableau récapitulatif à titre comparatif entre les deux ordres public et privé. Ce choix permet d’avoir une vue panoramique de la situation d’évaluation de la production écrite en anglais.

Tableau n°1: Récapitulatif des établissements par nombre de salles de classes et des notes obtenues sur 20.

Etablissement

Classe

Nbre de salles de classe

Effec-tifs

Nbre évaluations dont composition

Note obtenue sur 20

Taux de réussite

[0 – 5]

]5 – 10]

]10 – 15]

]15 à 20]

CEM Public 1

6ème

5

419

02

12

207

191

09

47,73

5ème

5

392

02

31

191

165

05

43,36

CEM Public 2

6ème

1

51

02

01

30

20

00

39,21

5ème

2

107

02

02

61

43

01

40,47

Total Public

13

969

02

CEM Privé 1

6ème

1

19

03

01

06

10

02

52,63

5ème

1

13

03

02

06

03

02

38,46

CEM Privé 2

6ème

2

70

03

00

08

62

00

88,57

5ème

2

72

03

00

26

41

05

63,88

Total Privé

6

174

03

Source : Archives des évaluations 2020.

Les données montrent l’effectivité des évaluations dans le public et le privé. Il ressort que le nombre est relativement supérieur dans le privé (3 vs 2). Malgré tout, on note un faible taux d’évaluation en anglais dans les classes du cycle d’observation du secondaire. En une année académique de neuf (9) mois, il est réalisé une évaluation par trimestre dans le privé et un peu moins dans le public où l’on parle de semestre, justifiant les 2 évaluations faites. Ceci souligne une insuffisance qui entraine le faible taux de réussite des apprenants en production écrite. Il en ressort que les apprenants ne sont pas assez évalués en anglais.

4.1. Effectifs des classes

Les données ont montré une différence entre les établissements du public et ceux du privé. Dans les salles de classes, les enseignants sont confrontés aux effectifs pléthoriques, principalement dans le public où la moyenne par classe est d’environ 75 apprenants alors qu’elle est seulement de 29 apprenants dans le privé. Les effectifs impactent la réalisation des activités d’apprentissages de production écrite et la périodicité des évaluations qui se révèle être irrégulière.

Les données ont montré que dans les établissements publics, les effectifs peuvent parfois atteindre quatre-vingt-dix (90) apprenants par classe pour le maximum et 50 pour le minimum. La situation pénalise les apprenants car elle ne leur donne pas assez d’occasions pour se rattraper, comme en témoignent les faibles taux de réussite enregistrés. Par contre, dans les établissements privés où les effectifs sont plutôt réduits, les évaluations sont légèrement plus fréquentes (3) avec de meilleurs taux de réussite.

4.2. Correction laborieuse des copies

La correction de la production écrite, la rédaction ou le Topic, est un exercice difficile, voire laborieux. Elle prend beaucoup de temps et exige une grande concentration à quiconque veut corriger sérieusement. En effet, contrairement aux autres disciplines où l’enseignant ne s’intéresse qu’aux résultats finaux, la production écrite ou la rédaction, elle, exige une lecture tout entière de la copie de tout apprenant. Nombre d’enseignants avouent ne faire d’évaluations dans la sous-discipline que par contrainte de devoir fournir à l’administration des notes.

4.3. Examen critique des sujets

La présentation et la formulation d’un sujet d’une épreuve de rédaction, quelle que soit la langue, peut être source d’incompréhension chez certains apprenants. Ainsi, la note attribuée peut ne pas refléter ni la valeur, ni l’effort fourni par les apprenants.

La pratique dans le domaine montre que les sujets proposés le sont en fonction du contenu et non pas de l’objectif technique d’apprentissage à atteindre. Tout se passe comme si le sujet seul suffisait à déclencher le désir et les capacités d’expression ou de production écrite. Or les apprenants n’ont pas toujours les moyens techniques (grammaire, conjugaison, vocabulaire, orthographe, syntaxe, logique narrative, etc.) pour faire correctement un devoir. Tout travail de production écrite nécessite de la part des apprenants l’utilisation de stratégies cognitives et métacognitives car ils doivent utiliser leur empan de mémoire 3 pour résoudre le problème visé.

Les sujets de production écrite ne donnent pas aux apprenants des chances égales. Certains apprenants, notamment les filles, sont parfois lésées par des sujets comme : « Vous avez assisté à un match de football. Racontez ! ». Même si l’on considère que la narration porte sur des faits réels ou imaginaires et que les deux (2) sexes se partagent aujourd’hui le monde du football, il est souhaitable que le sujet d’évaluation permette à l’ensemble des apprenants d’exprimer leurs compétences rédactionnelles mais aussi la conceptualisation des situations ou des faits à l’étude.

Les sujets de production écrite doivent servir à mesurer l’aptitude des apprenants à organiser leurs idées et à rédiger un texte cohérent. Les sujets doivent donc être clairs et précis afin d’orienter les apprenants, les canaliser et aussi les motiver pour la production. Paradoxalement, le constat est que des sujets sont parfois libellés avec un énoncé équivoque qui oriente les apprenants sur plusieurs pistes, sens ou directions. Cela les entraîne dans des tergiversations et augmente par conséquent les risques de faire de mauvaises productions.

Voici un sujet de production écrite donné en classe de 6ème en composition du premier semestre : « Vous avez assisté à un accident. Racontez en insistant sur les réactions autour de vous ».

Le sujet tel que libellé, présente des implicites et des pré-requis pour la production écrite.

Tableau n°2 : Analyse des « implicites » et des « pré-requis » du sujet

Sujet

Les implicites

Les pré-requis

Racontez un accident en insistant sur les réactions des gens

– Récit ou discours à produire ?

– Type de scène vécue.

– Résumé préalable des évènements.

– Spectateurs ou victimes ?

– Tous des spectateurs ?

– Ou quelques-uns ?

– Décrire/apprécier/juger les actions et les gestes de chacun

– La mobilisation pour sauver les victimes.

– Maîtrise des deux types de production.

– Avoir assisté à une telle scène.

– Savoir résumer par écrit une scène vécue.

– Avoir des capacités d’observation, d’analyse d’une situation et de synthèse.

– Savoir ordonner les événements.

– Posséder un vocabulaire technique, concis et fluide.

À la lecture du tableau d’analyse des implicites et des pré-requis, les objectifs poursuivis sont définis et ils sont clairs. Par conséquent, le sujet d’évaluation doit paraître finalement moins complexe pour les apprenants. Toutefois, les apprenants n’ont aucune autre information à part la consigne de sujet et ils doivent élaborer à la fois les implicites et les pré-requis pour le sujet.

4.4 Absence de grille et de barème de correction

Dans tout dispositif d’évaluation, une grille de correction est indispensable. Aucun test ne doit être élaboré sans grille de correction correspondante. C’est dans la grille que l’enseignant introduit les critères de mesure et d’appréciation, éventuellement les coefficients à utiliser. L’apprenant doit pouvoir en être informé et savoir sur quoi et comment sa production est jugée. Par ailleurs, la grille de correction permet à différents correcteurs de se référer aux mêmes critères de correction et elle induit une correction plus objective. La grille de correction est indissociable du barème de correction.

La plupart des épreuves des disciplines enseignées sont corrigées sur la base de barèmes de correction plus ou moins précis. Cependant, dans les examens de composition dans les langues, le constat est tout autre. Les données révèlent que les épreuves de production écrite ou de rédaction sont corrigées suivant une grille et un barème de correction qui varient d’un enseignant à un autre ou d’un groupe d’enseignants à un autre. Certains partagent les points entre la Présentation, la Compréhension du sujet et l’Expression ; alors que d’autres répartissent les points entre la Présentation, la Méthodologie, la Compréhension du sujet, le plan, la syntaxe et l’originalité. Un autre groupe d’enseignants partage tout simplement les points entre l’Introduction, le Développement ou le corps du texte et la Conclusion. Il est ainsi fréquent de voir de nombreuses copies, comme le montre le tableau, notées entre cinq (5) et dix (10) sur 20 sans justification rigoureuse aucune. Sur les huit (8) salles de classe observées, plus de la moitié des apprenants ont obtenu au plus la note de 10/20. Ce qui signifie que le niveau de la production écrite des apprenants est moyen. Seulement une classe du privé présente des notes dans les intervalles [5 – 10] et ]10 – 15], soit le taux de réussite le plus élevé. Le même secteur privé présente aussi le taux de réussite le plus faible, 38,46%.

L’absence d’harmonisation des critères/barèmes fait qu’une note attribuée à une copie varie d’un correcteur à un autre et parfois avec des écarts importants. Ainsi, la notation dans les langues semble être essentiellement subjective. Si cela est possible, il serait opportun de proposer une grille de notation axée sur des critères/barèmes plus justes et objectifs.

Tableau n°3 : Exemple de grille de notation pour les classes de 6ème et 5ème

Expression (fluidité, compréhension, concision, précision)

/8

Contenu (démontant le rapport de cohérence avec le sujet)

/8

Soin (présentation, orthographe et vocabulaire, style utilisé)

/4

Total

/20

Il est recommandé d’indiquer à travers un exemple de grille de notation, dans quels domaines les apprenants doivent porter leurs efforts. Une grille avec ses composantes est sans doute plus parlante que la seule appréciation manuscrite qui n’oriente pas sur le travail conséquent à faire.

En somme, il s’agit de faire prendre conscience aux enseignants de leur responsabilité dans l’échec des apprenants dans la production écrite et de proposer des outils utiles à l’amélioration des pratiques de classe plus objectives lors des activités d’enseignement-apprentissage. Il y a lieu d’inciter les enseignants de langues à avoir le courage de se remettre en cause, de changer leurs façons d’évaluer les productions écrites afin d’initier des stratégies qui permettent aux apprenants de se corriger pour devenir autonomes et compétents en production écrite.

Contrairement à ce que pensent nombre d’enseignants, l’expression ou la production écrite doit s’apprendre comme une technique, elle doit être enseignée avec des objectifs, des méthodes pour des résultats mesurables (Judith Émery-Bruneau, 2016; Pierre Mongeau & Jennifer Hill, 2008; Marc Romainville, 2003). Elle implique l’utilisation de stratégies d’apprentissage pour la réussite de la tâche scolaire (Marc Romainville, 2007). L’échec constaté dans le domaine s’explique tant par la complexité des stratégies mnésiques que par l’absence de la lecture, le choix des sujets, l’irrégularité des activités de production écrite, l’absence de grilles ou de barèmes de correction et de comptes rendus. Aussi, il n’existe que des évaluations sommatives mais pas de formatives, devant permettre aux apprenants de se fixer des buts d’apprentissages afin de progresser.

En somme, des facteurs influent sur la production écrite dans les langues, et ils soient d’ordre social, culturel ou psycho-linguistique. Les langues étrangères ou vivantes secondes (LV2) sont à l’opposé des langues maternelles des apprenants et des enseignants, ce qui, dans une certaine mesure, constitue un autre facteur défavorable à la production écrite.

Ainsi, au nombre des facteurs qui influent sur la production écrite des apprenants, il y a le fait que la plupart d’entre eux trouvent le fait d’écrire comme une tâche pas du tout évidente ou hors de leur portée en raison des exigences et des nombreuses règles à maitriser pour comprendre la méthodologie à utiliser (Anne-Marie Doly, 2013 ; Marc Romainville, 2007 ; Pierre Mongeau & Jennifer Hill, 1998), mais aussi la faiblesse des notes obtenues (Leatitia Sauvage Luntadi & Frederic Tupin, 2012). Il est donc important d’amener les apprenants à valoriser la production écrite, à se familiariser avec la méthodologie en les incitant à renforcer leur capacité à créer et à produire des textes.

Conclusion

L’objectif du présent travail est de montrer que les apprenants rencontrent des difficultés dans la production écrite en anglais et dans les langues secondes étrangères en général. Au terme de l’analyse des données collectées dans les quatre établissements relevant du public et du privé, l’on se rend compte des contraintes qui pèsent sur les évaluations des productions écrites. À l’évidence, les apprenants, surtout ceux du public, ne sont pas assez évalués à cause des effectifs pléthoriques rendant la correction des évaluations laborieuse. Toutefois, malgré que ceux du privé le soient relativement plus, le taux de réussite se situe entre les deux (2) extrêmes, le minimum (38,46%) et le maximum (88,57%).

Les difficultés que rencontrent les apprenants lors de la production écrite dans les langues secondes étrangères sont multifactorielles et multidimensionnelles. L’évaluation formative qui doit permettre aux apprenants de progresser suivant leurs buts d’apprentissage n’est pas réalisée de façon systématique, laissant l’apprenant à lui-même. Les résultats ont aussi révélé des tares dans le design des évaluations, un certain nombre de problèmes liés au faible niveau des apprenants en rédaction et la complexité des stratégies cognitives et métacognitives à solliciter.

À la lumière de l’analyse, la production écrite est d’une importance capitale mais demeure complexe en raison des nombreuses règles et l’impératif qu’il y a d’avoir une maitrise de la méthodologie. Les erreurs et les incohérences au niveau des copies prouvent la complexité de la production écrite. Ainsi, les apprenants en langues secondes étrangères doivent avoir une certaine compétence pour pouvoir réussir cette tâche. La plupart des erreurs commises sont aussi dues à l’absence d’une culture de la lecture, à leur origine sociale et culturelle.

L’insuffisance des ouvrages sur la production écrite au niveau des bibliothèques scolaires et les difficultés liées à l’accès aux informations, constituent les autres difficultés qu’ils rencontrent. Nous envisageons de mettre ultérieurement l’accent sur la façon d’améliorer la production écrite qui est un exercice qui suscite beaucoup d’intérêt dans l’enseignement en général.



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1Nous entendons par langue seconde étrangère, toute autre langue, en dehors du français langue officielle, utilisée et/ou parlée dans le contexte scolaire et qui n’est pas la langue maternelle ni de l’apprenant, ni de l’enseignant.

2Les effectifs pléthoriques varient suivant les contextes et peuvent parfois atteindre plus de 60 ou 90 apprenants par classe.

3Un empan de mémoire est la capacité que la mémoire a à stocker des informations et de pouvoir les utiliser dans les situations opportunes et appropriées.

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