Abdou Lo NIANG
Doctorant
Université Gaston Berger Saint-Louis, Sénégal
Efua Irène AMENYAH SARR
Enseignante-Chercheure
Université Gaston Berger Saint-Louis, Sénégal
Cet article analyse la relation entre le profil académique de la famille et la motivation scolaire, notamment les déterminants socio-culturels et pédagogiques susceptibles d’encourager la poursuite des études chez les apprenants. Des recherches, portant sur la motivation scolaire, analysent cette dernière en fonction du contexte scolaire, des matières enseignées ; des conditions d’apprentissage ou des déterminants personnels des apprenants. La motivation est souvent perçue comme le phénomène globalisant chez l’apprenant, touchant toutes les activités d’apprentissage et dépendant de plusieurs facteurs, y compris la famille et tout ce qui s’y rapporte comme élément socio-culturel. Mené sur un échantillon de 221 élèves régulièrement inscrits en classe de 3ème au Cours d’Enseignement Moyen Serigne Cheikh Anta Mbacké (CEM/SCAM), le travail se propose d’analyser l’influence que le profil académique de la famille a sur la motivation des élèves, afin de cerner en quoi les facteurs socio-culturels inhérents à la famille de l’apprenant peuvent amener celui-ci à mieux s’engager dans les activités qu’on lui propose à l’école dans le contexte sénégalais.
This article analyses the relationship between the academic profile of the family and the motivation, including the socio-cultural and pedagogical determinants that may encourage learners to continue their studies. Research on academic motivation analyses the latter according to the school context and the subjects taught; the learning conditions or personal determinants of the learners. Motivation is often perceived as the globalizing phenomenon in the learner, affecting all learning activities and depending on several factors, including the family and other factors related to it as a socio-cultural determinant. Conducted on a sample of 221 students regularly enrolled in Grade 3 classes in Middle School Serigne Cheikh Anta Mbacké (CEM/SCAM), the work proposes to analyze the influence the academic profile of the family can have on the motivation of the students, in order to see how socio-cultural factors inherent to learners’ family could lead the latter to better engage in activities that are proposed to him by school in Senegalese context.
Este artículo analiza la relación entre el perfil académico de la familia y la motivación escolar, en particular los determinantes socio-culturales y pedagógicos que pueden fomentar la continuación de los estudios en los alumnos. Las investigaciones sobre la motivación escolar analizan esta última en función del contexto escolar, de las clases impartidas, de las condiciones de aprendizaje o de los determinantes personales de los alumnos. La motivación se percibe a menudo como el fenómeno global del alumno, que afecta a todas las actividades de aprendizaje y depende de varios factores, entre ellos la familia y todo lo que se relaciona con ella como elemento sociocultural. Llevado a cabo con una muestra de 221 alumnos regularmente matriculados en el tercer grado del Curso de Enseñanza Media Serigne Cheikh Anta Mbacké (CEM/SCAM), el trabajo se propone analizar la influencia que el perfil académico de la familia tiene en la motivación de los alumnos, para determinar cómo los factores socio-culturales inherentes a la familia del alumno pueden inducir a éste a participar mejor en las actividades que se le proponen en la escuela en el contexto senegalés.
Apprenants, Déterminants socio-culturels, Motivation scolaire, Profil académique, Zone périurbaine,
Academic profile, Learners, Motivation, Peri-urban area, Socio-cultural determinants,
alumnos, determinantes socio-culturales, motivacion escolar, perfil academic, zona periurbana,
Introduction
L’étude de la motivation scolaire est au centre des recherches en psychologie (Vallerand & Thill, 1993, Viau, 1999, 2004). Partout dans le monde, des chercheurs se sont investis dans le domaine, produisant des travaux visant à l’analyser en tant que phénomène, tout en mettant l’accent sur l’ensemble des variables qui sont susceptibles de la favoriser chez les apprenants. Ainsi, en s’appuyant sur le paradigme sociocognitif, Viau (1994) parle plutôt de la dynamique motivationnelle en préconisant deux principales sources incitatrices que sont : i) la perception que l’apprenant a de lui-même et, ii) la perception qu’il a de son environnement.
Au Sénégal, à travers des programmes et politiques d’éducation, les décideurs semblent prendre en considération l’aspect motivationnel des apprenants qui constitue une condition essentielle pour parvenir à de meilleurs rendements scolaires. Ainsi, le Programme d’Amélioration de la Qualité, de l’Équité et de la Transparence dans le secteur de l’Éducation et de la Formation (PAQUET/EF), en tant que cadre d’opérationnalisation des politiques éducatives pour la période 2012-2025, a été élaboré dans la perspective de poursuivre les missions déjà assignées au Programme Décennal de l’Éducation et de la Formation (PDEF) en mettant l’accent sur la qualité de l’éducation et de la formation et en les adaptant aux dispositions internationales.
Cet article présente le contexte de l’étude, le cadre de référence en définissant les concepts. Il expose la démarche méthodologique qui inclut l’échantillon et les outils de collecte de données. Ensuite, il présente et analyse les données collectées auprès des apprenants sur le terrain. Enfin, il fait la discussion des résultats pouvant permettre de comprendre l’influence du profil académique de la famille sur la motivation des apprenants.
Depuis longtemps, l’école est perçue comme une source d’émancipation et de progrès des sociétés ; celles-ci en ont donc fait un secteur d’investissement et un cadre propice à l’épanouissement des enfants en vue de la formation du capital humain (Bourdieu, 1966). L’idée de motiver les enfants et adolescents à fréquenter les établissements scolaires a toujours été au cœur des réflexions. Par conséquent, des politiques et programmes éducatifs ont été élaborés à tous les niveaux, que ce soit international ou national.
Aujourd’hui, le Sénégal semble prendre en compte la dimension motivationnelle de l’apprentissage en plaçant le secteur de l’éducation et de la formation parmi ses priorités. En effet, depuis la conférence de Jomtien en 1990[1] et celle de Dakar en 2000[2], des progrès considérables allant dans le sens de l’accès et de la démocratisation de l’école ont été faits. Ainsi, des textes officiels, ont fait l’objet d’une révision au service du secteur de l’éducation et de la formation. La constitution a été modifiée en 2001, de même que la loi d’orientation de l’éducation nationale 91-22 du 16 février 1991 a été modifiée et complétée par celle du 2004-37 du 15 décembre 2004. À cela s’ajoutent la mise sur pied de projets et programmes scolaires visant à rendre l’école beaucoup plus attractive et accessible à toutes les couches sociales, sans distinction et sans discrimination aucune.
Ce faisant, force est de constater la très forte demande de scolarisation au Sénégal. Les établissements scolaires du public et du privé sont tous sollicités par les parents à travers le pays et principalement dans les zones périurbaines. En quoi l’environnement socio-économique de la famille influence-t-il la motivation des apprenants ? Quel rôle joue la famille dans la motivation des apprenants ? Quel est l’apport des parents et de la fratrie dans la vie scolaire des apprenants ?
Cette étude qui s’inscrit dans le domaine de la psychologie de l’éducation, se veut un cadre de référence qui va permettre de comprendre certains facteurs à l’origine de la motivation chez les apprenants. Ainsi, il s’agit de répondre à la question de recherche suivante : « Quels sont les facteurs de la motivation scolaire inhérents au profil académique de la famille des apprenants ? ».
Les premiers écrits sur la motivation remontent à l’antiquité avec les philosophes de la Grèce Antique. D’ailleurs, l’idée même de la motivation est déjà présente dans la répartition en trois parties de l’âme chez Platon (Cooper, 1991). Cependant, il est intéressant de constater que du point de vue scientifique, les premières études ayant trait au concept de motivation sont majoritairement menées au XIXème siècle, avec des recherches développées par des psychologues (Viau, 2009). En dehors de ces derniers, des auteurs relevant d’autres domaines de connaissance ont manifesté un intérêt particulier pour l’étude du concept de motivation. Cela fait que l’on trouve une pluralité de définitions du concept suivant les domaines de référence ou l’angle sous lequel il est abordé. Vallerand et Thill (1993) définissent la motivation comme un « construit hypothétique utilisé pour décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement ». La définition renseigne sur les quatre composantes sur lesquelles les chercheurs s’accordent (Pinder, 1984) : i) le déclenchement du comportement, ii) la direction du comportement, iii) l’intensité du comportement, et iv) la persistance du comportement.
La motivation scolaire, quant à elle, est conçue comme l’ensemble des facteurs dynamiques qui suscitent chez un apprenant le désir d’apprendre dans le but de réussir les activités qu’on lui propose à l’école. Elle est strictement liée aux résultats scolaires dans la mesure où elle accompagne les compétences pour susciter la réussite (Darveau & Viau, 1997). Dans la même perspective, la motivation ou la dynamique motivationnelle est un : « phénomène qui tire sa source dans les perceptions que l’élève a de lui-même et de son environnement, et qui a pour conséquence qu’il choisit de s’engager à accomplir l’activité pédagogique qu’on lui propose et de persévérer dans son accomplissement, et ce, dans le but d’apprendre » (Viau, 2009, p.12).
Nous constatons avec Viau (2009, 1994) qu’il y a trois aspects fondamentaux qui déterminent le concept. D’abord, un état dynamique parce que la motivation varie dans le temps et suivant les matières à étudier ; ensuite, les prises avec le choix, l’engagement et la persistance dans les activités proposées, et enfin, la perception de son environnement par l’apprenant, surtout celle de l’école et de ses buts.
Concernant les facteurs qui influent sur la motivation de l’apprenant, Viau (1999) préconise quatre catégories que sont : i) les facteurs relatifs à la vie de l’apprenant, ii) les facteurs ayant trait avec la société, iii) les facteurs dépendant de l’école et, 4) les facteurs relatifs à l’apprenant.
Figure 1 : Les facteurs de la dynamique motivationnelle
Source : Viau (1994)
Il est important de souligner que dans cette étude, l’intérêt est porté sur les facteurs relatifs à la vie de l’apprenant, particulièrement la famille. En effet, la famille est la première structure sociale qui accueille l’enfant dès la naissance. Elle est le tissu vital qui forme les différentes relations humaines dont les constitutions sont le résultat des interactions et les rapports entre les différentes personnes. Elle influence la personne et imprime son cachet en lui donnant ses caractéristiques (histoire, identité, langage, traits caractéristiques, etc.).
Divers éléments entrent en jeu dans le processus motivationnel des apprenants, dont les relations que la famille tisse avec l’école et les communications qu’elle entretient avec les apprenants au sujet de leur vie scolaire et de leur état affectif. Par conséquent, des recherches mettent l’accent sur l’influence que la famille exerce dans la motivation des apprenants, et cela, à travers la notion de capital culturel (Bourdieu, 1966). En fait, la théorie du capital culturel repose sur le postulat selon lequel les enfants issus des classes sociales économiquement supérieures héritent de l’entourage familial des ressources culturelles (langage, culture générale, etc.) qui se transforment en source de motivation et est une valeur ajoutée au marché scolaire.
Chaque famille transmet à ses enfants par des voies indirectes plutôt que directes, un certain capital culturel et un certain ethos, système de valeurs implicites et profondément intériorisées qui contribue à définir entre autres choses les attitudes à l’égard du capital culturel et à l’égard de l’institution scolaire. L’héritage culturel qui diffère, sous les deux aspects, selon les classes, est responsable de l’inégalité initiale des enfants devant l’épreuve scolaire et par là des taux inégaux de réussite (P. Bourdieu, 1966, p. 326).
Il ressort de cette assertion que les ressources culturelles que les enfants héritent de leur famille, exercent une influence sur la réussite scolaire, dans la mesure où les contenus enseignés, ainsi que les évaluations soumises aux apprenants sont le résultat d’une culture composée de produits valorisés du contexte social (lettres, arts et sciences) de la part des classes sociales supérieures. Ces dernières exercent une forme de violence dite symbolique sur les défavorisées. Ceci laisse entendre que le profil académique de la famille, à savoir les parents et la fratrie, joue un rôle important dans la dynamique motivationnelle des apprenants.
Par ailleurs, le rapport entre le niveau d’étude des parents et la motivation scolaire est un sujet qui est au cœur des travaux menés en psychologie de l’éducation. D’après Muller et Kerbow (1993), les déterminants socio-culturels de la famille exercent une influence certaine sur la vie scolaire des apprenants. En d’autres termes, les conditions éducatives de la famille, particulièrement des parents produisent des effets sur les capacités d’engagement positif de l’apprenant en ce qui concerne les matières scolaires. Auger (1992), passe en revue l’importance du climat ambiant au sein du foyer :
Le climat général de la vie familiale influence l’ensemble des comportements des enfants, notamment leur motivation à fréquenter l’école et à y persévérer. Il semble évident qu’une famille où règnent l’harmonie, l’ordre et la bonne humeur, offre moins d’occasions aux enfants de se créer eux même des émotions d’anxiété, de culpabilité et de dépression qui pourraient leur nuire qu’un foyer ou, au contraire, on se dispute souvent, où les parents sont en conflit l’un avec l’autre, où tout le monde crie et pleure dans un désordre total (Cité par D. Mayers, N. Dewall, 2016, p 81).
De même, l’assistance et le soutien des parents permettent un renforcement cognitif chez les enfants. Chiland (1990), à travers des tests échelonnés sur une période de quatre années, a montré que l’intérêt porté par les parents aux enfants entraine une augmentation du quotient intellectuel (QI), ainsi qu’une meilleure disponibilité des processus mentaux. Cependant, il est également important de prendre en compte l’état pathologique ou non des parents. C’est à partir de là qu’il faut comprendre les paroles de Aubert (1994) :
Ce peut être le parent trop rigide qui n’admet aucune marge de manœuvre pour les horaires de l’enfant, ce peut être, à l’inverse, le parent trop laxiste qui ne met aucun interdit. L’un enferme l’enfant pendant que l’autre le perd dans un monde sans limites. Ce peut être le parent trop anxieux qui ne permet pas à son enfant de faire la moindre expérience nouvelle. Ce peut être le parent dépressif qui ne partage rien et qui n’a plus aucun projet pour lui ni pour son enfant (Cité par A. Lieury, 2021, p 23).
La relation entre les déterminants sociaux de la famille et la motivation scolaire des apprenants, surtout la composante des dynamiques motivationnelles des uns et des autres est donc une réalité. Il est donc clair que la famille pèse non seulement sur les choix motivationnels mais aussi sur la réussite scolaire comme il va être montré par la démarche méthodologique.
Dans la présente étude, il est question d’observer des apprenants régulièrement inscrits en classe de 3ème. Ce sont des adolescents qui se caractérisent cognitivement par une capacité de gérer la pensée abstraite, à travers l’émission d’hypothèses impliquant la réflexion sur la réalité et sur la façon de résoudre des problèmes relatifs à la vie. Nous avons ainsi fait le choix d’une seule école dans la zone périurbaine de Dakar, le Collège d’Enseignement Moyen Serigne Cheikh Anta Mbacké (CEM/SCAM). Le choix se justifie par le fait que l’établissement est fort représentatif car il constitue le plus grand foyer d’accueil des apprenants ayant obtenu le concours d’entrée en 6ème dans la Commune Sam Notaire du Département de Guédiawaye.
Le CEM SCAM totalise, pour l’année scolaire 2019/2020, un effectif de 1480 apprenants, toutes classes confondues et un personnel pédagogique composé de 33 enseignants, dont 1 Principal, 9 surveillants y compris le surveillant général, et 1 gestionnaire. Les apprenants en classe de 3ème sont au nombre de 285, dont 180 filles, soit 63,1% pour 36,9% de garçons.
À partir des effectifs des classes de 3ème, nous avons, par un échantillonnage aléatoire simple, retenu 221 apprenants, soit 77,5% comme participants à l’étude suivant l’approche quantitative. Pour recueillir les données, nous avons eu recours à un questionnaire comportant les différentes variables de l’étude, tout en respectant les questions d’éthique liées à la recherche.
Il est d’abord questions des caractéristiques des apprenants, ensuite des variables relatives au profil de la famille, à savoir la fratrie et les parents car ils constituent la partie incontournable du tissu socio-environnemental de l’apprenant, et enfin l’analyse du niveau d’étude de la famille en lien avec la motivation des apprenants afin d’observer son influence sur les activités scolaires.
4.1. Caractéristiques sociodémographiques des élèves
Ici, l’intérêt est centré sur l’ensemble des caractéristiques qui concernent le cadre de vie immédiat des apprenants participants. Elles comprennent l’âge, le sexe, le parent avec lequel l’apprenant vit, l’environnement social dans lequel il évolue, etc. Toutes ces caractéristiques sont mises en relation avec la motivation scolaire.
Tableau I : Répartition des élèves selon l’âge et le sexe
Caractéristiques | Indicateurs | Effectifs | Pourcentage | Total | |
Age | [13-15] | 26 | 11,8% | 221 | 100% |
[16-18] | 181 | 81,9% | |||
[19-21] | 14 | 6,3% | |||
Sexe | Garçons | 75 | 33,9% | ||
Filles | 146 | 66,1% |
Source: Données d’enquêtes, 2020
Relatif à l’âge des apprenants, le tableau 1 révèle trois intervalles différents : [13-15], [16-18] et [19-20]. Nous constatons une prédominance de l’intervalle [16-18] avec 81,9% des enquêtés. Il s’agit donc majoritairement d’élèves ayant eu un cursus plus ou moins normal. Du point de vue psychologique, les élèves sont dans ce que l’on appelle la phase d’expérimentation et de subjectivation qui se caractérise par l’intérêt que les sujets ont pour le raisonnement sociétal et intellectuel, les réflexions sur le sens de la vie, sans oublier le sentiment d’intégration dans un groupe de pairs pour une éventuelle réussite, la tendance à la distance avec les parents, l’amélioration des capacités émotionnelles, etc.
En outre, il est important de noter que les données du tableau ci-dessus ont aussi montré l’existence d’apprenants qui sont en phase de stabilisation identitaire, avec un âge compris dans l’intervalle [19-20]. Représentant un pourcentage de 6,3%, ces apprenants, compte tenu de leur âge, se différencient des autres par une préoccupation pour l’avenir, des capacités de stabilisation relationnelle, une affirmation identitaire, une confiance en soi, une augmentation de l’indépendance, etc. Dans ce même ordre, nous ne manquerons pas de noter que 11,8% de l’échantillon se situe dans l’intervalle [13-15]. Ceci sous-entend qu’il y a parmi les apprenants ceux qui ont été scolarisés très tôt, même avant l’âge normal requis fixé à 6 ans[3] de manière générale ou qui ont simplement sauté de classes.
En ce qui concerne le sexe, le tableau 1 met en évidence la prédominance des filles (66,1% de l’échantillon). Il en est ainsi de l’établissement de façon générale, parce que le CEM Serigne Anta Mbacké, principal foyer accueillant les participants, est majoritairement composé de filles, seulement 574 garçons (38,7%) sur un effectif total de 1480 élèves.
Ceci constitue le phénomène révélateur du renversement de la tendance liée à l’indice de parité qui était jadis en faveur du garçon comme l’a indiqué le rapport PASEC 2014. Le rapport précise que l’indice de parité qui était toujours en faveur des garçons en 2005 a subi des bouleversements notoires, passant de 1,02 en 2007 à 1,13 en 2014 en faveur des filles.
Ce renversement de tendance est le résultat, ces dernières années, des avancées considérables notées à travers les politiques relatives à l’enrôlement et à l’accès des filles à l’école (Projet SCOFI), sans oublier l’élaboration et le développement des programmes et des stratégies de scolarisation, de maintien et de suivi des filles à l’école. Cela s’est fait avec l’appui des institutions et des organisations non gouvernementales (ONG) qui ont placé la question au cœur même de leur agenda comme la meilleure arme pour lutter contre la déscolarisation et aussi la pauvreté. À cela s’ajoutent les multiples politiques d’incitation qui ont été mises sur pied en faveur des filles pour les maintenir à l’école afin de les motiver à la réussite scolaire, les prix Scofille octroyés aux meilleurs élèves de la gent féminine, les concours Miss Maths et Miss Sciences, etc.
Tableau II : Réparation des élèves selon la zone d’habitation, les parents et la scolarité
Caractéristiques | Indicateurs | Effectifs | Pourcentages | Total | |
Zone d’habitation | Pikine Nord | 69 | 31,2% | 221 | 100% |
Sam | 92 | 41,7% | |||
Golf Nord | 20 | 20,4% | |||
Autres | 40 | 18,1% | |||
Parent | Père et Mère | 127 | 57,5% | 221 | 100% |
Père | 14 | 6,3% | |||
Mère | 47 | 21,3% | |||
Tuteur | 33 | 14,9% | |||
Scolarité | Père | 118 | 53,4% | 221 | 100% |
Mère | 59 | 26,7% | |||
Père et Mère | 18 | 8,1% | |||
Tuteur | 26 | 11,8% |
Source: Données d’enquêtes, 2020
S’agissant de la zone d’habitation, le tableau 2 permet de noter que la plupart des apprenants habite les quartiers périphériques de l’école. Les données montrent le plus fort taux des apprenants habitant la zone Sam. Ils constituent 41,7% de l’échantillon et sont suivis de ceux habitant la zone Pikine Nord dont la majorité des quartiers se situe à quelques mètres de l’établissement avec un pourcentage de 31,2%. La zone Golf Nord est relativement moins représentée avec un pourcentage de 20,4%. Toutefois, il y a lieu de constater la présence des apprenants demeurant dans des quartiers éloignés de l’école, éparpillés dans différentes zones dont le cumul s’élève à 18,1% de l’échantillon. Cette situation est susceptible d’entrainer des conséquences néfastes quant à la motivation des élèves. La proximité de la presque totalité des apprenants de l’établissement résulte du fait que le collègue constitue le principal foyer d’accueil de la Commune de Sam Notaire.
Relativement à la vie familiale des apprenants, les données montrent que plus de la moitié (57,5%) vit avec les deux parents, c’est-à-dire le père et la mère ensemble. La situation découle de la structuration sociologique des institutions culturelles des communautés qui privilégie le vivre ensemble au sein des familles. Par ailleurs, les données révèlent que 21,3% des élèves vivent uniquement avec leur mère, suivis de ceux qui vivent avec un tuteur qui représentent 14,9%, sans oublier ceux qui sont sous le contrôle exclusif du père avec 6,3%. L’éclatement des familles, les divorces et parfois les décès en sont des explications possibles.
Relatifs aux frais de scolarité de l’apprenant, les données ont montré que ce sont les pères (53,4%) qui les prennent en charge, suivies par les mères dans 26,7% et les tuteurs pour 11,8%. Cependant, ils sont assurent conjointement par les deux parents dans 8,1% des cas.
Les données recueillies auprès des apprenants enquêtés mettent en évidence différents profils académiques que nous allons mettre en rapport avec les variables de la motivation.
Figure 2 : Rapport entre le niveau d’étude de la fratrie et la motivation des élèves
Source : Données d’enquête
La figure ci-dessus traduit les résultats issus du croisement des variables « Niveau d’étude de la fratrie » et « Redoublement ». Les données indiquent que, plus le niveau d’étude de la fratrie est élevé, moins les élèves ont tendance à redoubler de classe. La régression des cas de redoublement suivant le niveau d’étude de la fratrie est tributaire de l’image qui tend à s’imprimer et à se développer au sein des familles se manifestant sous forme d’une contagion sociale qui fait que les cadets vont investir des efforts pour ne pas connaitre de contre-performance dans leur cursus scolaire afin de parvenir à un niveau d’étude plus ou moins élevé que celui de la fratrie. En plus, il est à supposer que les élèves qui bénéficient de l’aide et du renforcement de la part de leur fratrie, auront moins de chance à redoubler de classe, ce qui va jouer positivement sur l’augmentation de leurs degrés de motivation scolaire.
Ici, la question concerne le profil professionnel des parents qui exerce une influence sur la motivation des élèves à travers la moyenne de passage en classe supérieure. Pour ce faire, il est important de passer au test de corrélation entre les variables « Diplôme père », « Diplôme mère » et « Moyenne de passage » en classe supérieure.
Tableau III : Corrélation entre le profil académique des parents et la moyenne de passage
Corrélation | Diplôme père | Diplôme mère | Moyenne de passage | |
Diplôme père | Corrélation de Pearson | 1 | 0,266 | 0,079 |
Sig. (bilatérale) |
| 0,000 | 0,242 | |
N | 221 | 221 | 221 | |
Diplôme mère | Corrélation de Pearson | 0,266 | 1 | 0,168 |
Sig. (bilatérale) | 0,000 |
| 0,012 | |
N | 221 | 221 | 221 | |
Moyenne de passage | Corrélation de Pearson | 0,079 | 0,168 | 1 |
Sig. (bilatérale) | 0,242 | 0,012 |
| |
N | 221 | 221 | 221 |
Source: Données d’enquête, 2020
Les résultats du tableau 3 révèlent que la corrélation des variables « Diplôme père », « Diplôme mère » et « Moyenne de passage » en classe supérieur est significative au niveau 0.01 < 0.05. Cela est synonyme de rejet de l’hypothèse nulle qui correspond à une absence de relation entre « Diplôme père », « Diplôme mère » et « Moyenne de passage » en classe supérieure. En outre, la probabilité d’obtenir un coefficient de cette taille chez les apprenants où les trois variables ne font pas l’objet d’une association est de moins de 5%. Par conséquent, l’hypothèse alternative est acceptée, c’est-à-dire qu’il existe une relation linéaire entre les trois variables.
Par ailleurs, il ressort du test de corrélation que le profil académique des parents constitue une source de motivation pour les apprenants du fait qu’il exerce une influence sur la moyenne de passage en classe supérieure. Ceci est lié au fait que les parents, étant instruits jusqu’à obtenir des diplômes, ont toujours un œil sur les activités scolaires des apprenants en les suivant et en les motivant davantage. La question du capital culturel est mise en jeu. Il ressort que les apprenants héritent de leurs parents des aspects académiques qui, d’une manière ou d’autre, constituent un capital mental qui les guide dans les activités d’apprentissage scolaires.
Les caractéristiques socio-culturelles de la famille jouent un rôle déterminant dans la dynamique motivationnelle des apprenants, dans la mesure où ces derniers bénéficient des legs de la part des parents et de la fratrie. Les différents legs constituent les bases fondamentales qui orientent et guident leurs comportements dans le but de leur assurer la réussite scolaire. Des travaux montrent combien le niveau d’étude des parents est important aux yeux des apprenants. Cela laisse entendre que le profil académique des parents constitue une source de motivation pour l’apprenant (Bourdieu, 1966). Ainsi, le capital culturel qui correspond à l’ensemble des ressources culturelles (savoirs, savoirs faire, compétences, maitrise de langues, etc.) détenues par un apprenant qui peut les mobiliser pour atteindre des buts en vue de sa réussite scolaire.
En outre, la théorie de la contagion sociale n’est pas sans intérêt dans les explications que nous apportons pour donner sens aux résultats obtenus à l’issue de l’enquête de terrain. La contagion sociale renvoie à « l’idée que les émotions et les options se communiquent et par là, se multiplient et se renforcent ; autrement dit, à l’intérieur des systèmes sociaux, il existe une circulation des sentiments entre les individus » (Fischer 2015, p.61). Les phénomènes sociaux sont souvent définis par une capacité suggestive reliant l’apprenant à des opinions ou valeurs. De même, il met en évidence la tendance à imiter le profil dominant de comportement qui se propage d’une personne à une autre. À cette image, le profil académique de la fratrie peut s’ériger en modèle au sein de la famille, modèle auquel les apprenants se réfèrent comme source de motivation qui les aide à s’engager dans les tâches scolaires afin de produire des résultats satisfaisants.
Il est important de retenir que les relations socio-affectives que les parents entretiennent avec l’apprenant, l’importance que la famille accorde aux activités scolaires et l’investissement qu’elle en fait, y compris le suivi à domicile, sont des sources incontournables qui guident la motivation des apprenants. C’est du moins ce qu’ont révélé les enquêtes PISA réalisées en 2000, auprès des jeunes canadiens (OCDE, 2000) et qui corroborent les résultats de cette étude.
Conclusion
Le but de cet article est de montrer l’influence du profil académique de la famille (parents et fratrie) sur la motivation des apprenants. Nous pouvons dire que la motivation scolaire a toujours suscité des réactions quel que soit l’angle sous lequel elle est abordée. Ainsi, des quatre (4) sources de motivation qui sont à retenir, celle concernant l’apprenant se révèle important, lorsqu’elle est mesurée suivant son cadre de vie familial immédiat. En ce sens, il faut admettre que l’environnement socio-culturel dans lequel l’apprenant évolue est une source de motivation, comme il est démontré par les données du terrain et justifié par la littérature. Par ailleurs, l’étude a montré le rôle important que la famille, les parents et la fratrie notamment, joue dans le processus éducatif des apprenants. Les parents ne doivent pas seulement limiter leurs efforts à financer la scolarisation de leurs enfants, mais privilégier le suivi, la communication et les interactions avec eux au sujet de l’école et des études de façon à renforcer leur motivation scolaire.
Il apparait au terme de la présente étude, que la motivation scolaire est un phénomène dynamique qui se base sur deux principales dimensions : i) la perception que l’apprenant a de lui-même et, ii) la perception qu’il a de son environnement. Ainsi, il est important de retenir que des facteurs personnels et des facteurs environnementaux sont essentiels pour expliquer la motivation scolaire. Parmi ces sources, les facteurs relatifs à l’environnement socio-culturel sont à privilégier comme capital mental de l’apprenant.
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[1] Conférence mondiale sur l’éducation pour tous, tenue à Jomtien, en Thaïlande du 05 au 09 Mars 1990
[2] Forum Mondial sur l’éducation tenu à Dakar en 2000.
[3] Loi 2004-37 du 15 Décembre 2004 modifiant et complètent la loi d’orientation de l’Education Nationale n° 91-22 du 16 Février 1991.