Infundibulum Scientific

LA DIVERSITÉ CULTURELLE COMME QUATRIÈME PILIER DANS LA QUÊTE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Cultural diversity as the fourth pillar in the quest for sustainable development

La diversidad cultural como cuarto pilar en la búsqueda del desarrollo sostenible

Marius SEMI Bi Gohi
Docteur ès Lettres
Université Félix Houphouët Boigny-Cocody Abidjan

Mots-clés, Keywords, Palabras clave

cultura, cultural diversity, culture, desarrollo sostenible, développement durable, diversidad cultural, diversité culturelle, sustainable development, Unesco

TEXTE INTÉGRAL

Introduction

            Vers la fin des années 1980, le domaine du développement international est marqué par l’émergence de deux processus. D’une part, on assiste à la montée d’un courant de pensée économique et sociologique mettant de l’avant le rôle de la culture dans le processus de développement. D’autre part l’on verra la naissance de la notion de développement durable.

    Cette notion est perçue comme «le développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (Rapport Brundtland, 1987). C’est un processus qui vise à concilier l’équilibre écologique, la viabilité économique et le progrès social, en établissant une sorte de cercle “vertueux” entre ces trois piliers.  Analyser avec une plus grande finesse, on se rend compte que la culture est banalisée. Quant à la culture, elle se définit généralement comme l’ensemble des traditions, des valeurs, des acquis et des savoir-faire propre à une société humaine. Mais la définition la plus connue est celle de l’UNESCO qui la conçoit comme l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social. De ces deux finitions nous constatons que la culture engage l’idée de communauté. Les cultures  diffèrent d’un groupe social  à un autre. D’où la notion de diversité culturelle. Selon la Convention sur la diversité culturelle de  l’UNESCO,

 La diversité culturelle est la multiplicité des formes par lesquelles les cultures des sociétés trouvent leur expression. [Elle] se manifeste non seulement dans les formes variées à travers lesquelles le patrimoine culturel de l’humanité est exprimé, enrichi et transmis grâce à la variété des expressions culturelles, mais aussi à travers divers modes de création artistique, de production, de diffusion, de distribution et des jouissances des expressions culturelles, quels que soient les moyens et les technologies utilisés.

 

 Au niveau du développement durable, la diversité culturelle devient importante  puisque l’Agenda 21 de la culture propose d’ajouter cette dimension comme  un quatrième pilier aux trois déjà connus. De ce fait, en quoi la prise en compte de la diversité culturelle est-elle gage de la durabilité du développement ? Quel est l’apport de la diversité culturelle dans le développement durable ? La diversité culturelle fait-elle partie du développement durable ? Comment le concept de développement durable a-t-il évolué depuis 20 ans dans les discours institutionnels de l’UNESCO et du PNUD au point d’occulter la diversité culturelle ? L’étude qui fait objet de notre recherche est relative à la diversité culturelle dans le développement durable  dans le but de montrer l’importance de la diversité culturelle dans l’élaboration des programmes de développement. Par conséquent, notre étude sera basée sur ces hypothèses que nous tacherons de vérifier: la diversité culturelle permet un développement personnel et sociétal. La diversité culturelle serait incontournable au développement durable. L’objectif de cette étude est de montrer l’importance de la diversité culturelle dans la quête du développement durable.

 

1- Différentes acceptions des notions de culture, de diversité culturelle et de développement durable

1.1- La culture         

     Au sens étymologique, la culture dérive du mot  latin colere, qui signifie « habiter », « cultiver », ou « honorer ». Ce mot suggère que la culture se réfère, en général, à l’activité humaine. La culture peut être vue selon trois définitions : les activités artistiques, l’ensemble des repères communs à une société donnée, et un essai de compréhension du monde à travers le kaléidoscope des interprétations que les différentes sociétés font de notre monde commun. La culture est, selon le sociologue québécois Guy Rocher (1969, p. 88)  un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d’agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d’une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte.  De même, la déclaration de Mexico sur les politiques culturelles (1982), Ainsi considère-t-elle concept comme:

 Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances.

 

1.2. La diversité culturelle  et le développement durable

     La diversité culturelle peut se définir comme la constatation de l’existence de différentes cultures. Elle se manifeste par la reconnaissance des différentes langues, histoires, religions, traditions, modes de vie ainsi que toutes les particularités attribuées à une culture. Selon la déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (2001) :

 La diversité culturelle est le principal patrimoine de l’Humanité. Elle est le produit de milliers d’années d’histoire, le fruit de la contribution collective de tous les peuples, à travers leurs langues, leurs idées, leurs techniques, leurs pratiques et leurs créations. La culture revêt différentes formes, qui se sont toujours construites dans une relation dynamique entre sociétés et territoires. La diversité culturelle contribue à une existence intellectuelle, affective, morale et spirituelle plus satisfaisante pour tous.

 

Outre, cette définition, pour l’UNESCO

 

 La diversité culturelle est la multiplicité des formes par lesquelles les cultures des sociétés trouvent leur expression. [Elle] se manifeste non seulement dans des formes variées à travers lesquelles le patrimoine culturel de l’humanité est exprimé, enrichi et transmis grâce à la variété des expressions culturelles, mais aussi à travers divers modes de création artistique, de production, de diffusion, de distribution et des jouissances des expressions culturelles, quels que soient les moyens et les technologies utilisés.

 

(Convention sur la diversité culturelle, 2005). Au sommet de Johannesburg (du 26 Août au 4 Septembre 2002), le directeur de l’UNESCO reprenait les propos de l’ancien Président Français Jacques Chirac en ces termes « La diversité culturelle est fondée sur la conviction que chaque peuple a un message singulier à délivrer au monde, que chaque peuple peut enrichir l’humanité en apportant sa part de beauté et de vérité». En tout, Il s’agit ainsi de considérer la diversité culturelle comme un élément du patrimoine commun de l’humanité. À l’aune de ces définitions, on comprend bien que l’usage qui limite le terme à un ensemble de pratiques souvent réduites au champ des arts et des lettres et à une offre de services culturels liés ou des  secteurs d’activités  est bien trop étroit pour appréhender ce qui se joue réellement. L’expression « sustainable development », en français « développement durable », apparaît pour la première fois en 1980 dans la stratégie mondiale de la conservation, une publication de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). En 1987, le rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, notre avenir à tous aussi appelé rapport Brundtland, définit le développement durable comme étant : « Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Aussi, le Québec, par l’adoption de sa loi sur le développement durable, apporte sa propre définition du développement durable, qui s’entend comme :

 Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement

 

Si la diversité culturelle a été ajoutée au développement durable, c’est qu’elle y  joue un rôle important.

 

 

2-Emergence et rôle de la diversité culturelle dans le développement durable

En 1992, le Sommet de la Terre à Rio au Brésil, tenu sous l’égide des Nations unies, officialise la notion de développement durable et celle de ses trois piliers (économie/écologie/social): un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. La notion de développement durable intégrait les paramètres économiques, écologiques et sociaux mais ignorait largement ceux de la culture. En se focalisant sur l’intégration économique du développement durable, certaines dimensions comme la culture et les connaissances scientifiques et techniques ont été marginalisées ou instrumentalisées. Alors que, le développement durable ne peut pas ignorer le fait que l’humanité est faite de plusieurs civilisations et par conséquent, que nous sommes différents à travers nos croyances, nos convictions religieuses et nos traditions qu’on ne peut exclure des priorités de développement. Il est évident qu’un changement de stratégie doit être opéré pour que la promotion de la diversité culturelle soit restituée au centre et non à la périphérie des débats. Le développement durable sur le plan planétaire ne peut devenir une réalité que s’il garantit le pluralisme culturel, dans toute la société. S’inscrivant dans la droite ligne du concept de développement durable, l’Agenda 21 de la culture propose d’ajouter aux trois piliers définis (environnement, économie, social) un quatrième pilier, c’est-à-dire la culture. Les analogies paraissent évidentes : la diversité culturelle fait écho à la biodiversité, l’accès aux ressources à la culture pour tous. En effet, l’Agenda 21 de la culture est le premier document de dimension internationale qui se propose d’établir les bases d’un engagement des villes et des gouvernements locaux en faveur du développement culturel. Il propose de renforcer les politiques locales et d’intégrer la culture comme élément fondamental au modèle de développement.

     Si la diversité culturelle a été ajoutée au développement durable, c’est qu’elle y  joue un rôle important. Voyons ce qu’il en ait au niveau de l’éducation, de la lutte contre la pauvreté et des droits de l’homme. Vu que l’éducation occupe une place primordiale dans le développement durable, notons que la diversité culturelle permet aux peuples de s’éduquer à travers le changement. Elle laisse place à une éducation ouverte et non autocentrée. Cette éducation permet aux peuples d’apprendre sur les autres cultures et d’avoir d’avantage de connaissances. La diversité culturelle offre le meilleur de la culture et des savoirs à ceux qui en sont le plus loin et de répondre à l’interpellation des familles très pauvres sur le droit d’apprendre, de se cultiver, de s’exprimer avec les autres en même temps que d’accéder à une formation et à un métier et ainsi d’acquérir des moyens d’existence.

 

2-2- Importance de la diversité culturelle dans le développement durable

     Dans la réflexion sur le développement durable, la culture prend, depuis quelques années, une place de plus en plus importante. Son apparition dans l’Agenda 21, son affirmation comme quatrième pilier du développement durable, la Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, l’affirmation des droits culturels,… tout un ensemble de réflexions et de textes ont ouvert une nouvelle voie qui rend la culture incontournable dans les politiques de développement. Ainsi, dans la dernière ligne droite pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement, l’UNESCO renforce encore son plaidoyer et son action en faveur du lien entre la culture et le développement durable. La résolution adoptée en décembre 2013 par l’Assemblée générale des Nations Unies, reconnaissant le rôle de la culture comme moteur et facilitateur de développement durable est une invitation à mobiliser encore davantage le potentiel de la diversité culturelle. Cette diversité est une ressource précieuse pour atteindre les objectifs de développement, qu’il s’agisse de lutter contre la pauvreté, de promouvoir l’égalité des genres, l’éducation de qualité ou les droits humains.  La diversité culturelle est aussi une force motrice du développement, non seulement concernant la croissance économique, mais aussi pour mener une vie plus épanouissante intellectuellement, affectivement, moralement et spirituellement. Elle garantit également un enrichissement mutuel pour l’avenir de l’humanité parce qu’elle est source d’innovation, de créativité et d’échanges. La diversité culturelle n’est pas un dépôt immuable qu’il suffirait de conserver. Loin de diviser, la diversité culturelle unit les individus, les sociétés et les peuples. La diversité culturelle devient garante de la durabilité parce qu’elle relie les objectifs d’un développement universel à des visions éthiques, crédibles et spécifiques. Elle est nécessaire pour la paix, la stabilité et le développement. En raison du fait qu’elle soit un foyer créatif de visions du bien-vivre, et qu’elle constitue ainsi une source naturelle de motivation et d’engagement, la diversité culturelle est bien plus qu’une valeur décorative. C’est une ressource inépuisable de renforcement des liens entre valeurs culturelles et bien-être matériel. À cet effet, à l’occasion de la Journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement, le président de l’Assemblée générale des Nations Unies, John Ashe, et la directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Irina Bokova, ont rappelé que cette diversité était une chance pour la paix et le développement durable. Ainsi, M. Ashe dans un message pour cette Journée disait : « J’encourage tout le monde à reconnaître l’importance de la diversité culturelle, à la fois comme un reflet de la richesse de l’humanité, et comme un élément essentiel à l’épanouissement des pays et des communautés à travers le monde ». Selon lui, la culture doit être reconnue comme tel dans le programme de développement post 2015. Il a de même ajouté que :

 Le respect de la diversité culturelle est nécessaire pour traiter à la fois la dimension économique de la pauvreté et celle des droits de l’homme, et pour promouvoir une éducation de qualité, des villes et une urbanisation durables, des pratiques environnementales durables, et des sociétés inclusives.

 

Quant à madame Bokova, elle a rappelé pour sa part dans un message que la diversité culturelle est le patrimoine commun de l’humanité : Elle est une source de renouvellement des idées et des sociétés, par laquelle nous nous ouvrons aux autres, et faisons naître des idées nouvelles. Cette diversité est une chance pour la paix et pour le développement durable[1].

Dans la même optique, elle ajoutera plus tard que : Cette diversité est une ressource précieuse pour atteindre les objectifs de développement, qu’il s’agisse de lutter contre la pauvreté, de promouvoir l’égalité des genres, l’éducation de qualité ou les droits humains, et nous devons l’inscrire pleinement dans les stratégies mondiales de développement durable ». Dans la même veine, Koïchiro Matsuura, ancien directeur de l’UNESCO affirme que la diversité culturelle est nécessaire au genre humain.  La diversité culturelle est la valeur par laquelle les différences sont en relation mutuelle et en soutien réciproque. Disons que la diversité culturelle comme valeur exprime et implique d’autres valeurs, plus fondamentales encore, que sont la créativité, la dignité et le sens de la communauté. L’UNESCO accorde une valeur non négociable à la diversité culturelle en raison de sa relation profonde avec cette constellation de valeurs. Et sans celles-ci, aucune vision de développement ne peut s’inscrire dans la durée, car elle ne reposera pas sur l’engagement moral des acteurs et des sujets du développement, qui appartiennent à des communautés culturelles particulières. La diversité culturelle est ainsi le lien crucial entre les dimensions matérielle et immatérielle du développement. Le développement matériel peut être évalué en termes de santé humaine, de capacités économiques, de flux de marchandises et de garanties physiques quant à la sécurité et à la productivité. La diversité culturelle fournit le lien essentiel entre ces deux dimensions critiques du développement, en elles-mêmes fondamentalement indivisibles, en garantissant le maintien de multiples visions du bien-vivre, et une large palette de connexions concrètes entre les représentations morales et matérielles du bien-être. De nombreux projets de développement ont échoué parce qu’ils n’ont pas réussi à établir une relation convaincante entre ces dimensions, ou parce qu’ils ont essayé d’imposer une vision univoque de l’amélioration humaine et du bien-être matériel. En raison du fait qu’elle soit un foyer créatif de visions du bien-vivre, et qu’elle constitue ainsi une source naturelle de motivation et d’engagement, la diversité culturelle est bien plus qu’une valeur décorative. C’est une ressource inépuisable de renforcement des liens entre valeurs culturelles et bien-être matériel. De ce fait, loin de diviser, la diversité culturelle unit les individus, les sociétés et les peuples, offrant en partage un fond constitué de patrimoine immémoriaux, d’expériences actuelles et de promesses d’avenir. La Déclaration sur la diversité culturelle oppose aux visions apocalyptiques du choc des civilisations  et aux enfermements fondamentalistes la perspective d’un monde plus ouvert, plus créatif, plus démocratique.

 

3-Interdépendance entre la diversité culturelle et les autres piliers du développement durable.

     La viabilité économique est un concept du développement durable qui renvoie à une économie capable de résister aux crises et  d’assurer les besoins financiers des générations futures. Ainsi, la diversité culturelle, qui ouvre de nouvelles voies, constitue parallèlement une source de performance économique. En termes financiers, certains festivals de musique calculent qu’un euro (650 FCFA) investi rapporte 10 euros (6500 FCFA). Ces manifestations génèrent les créations artistiques, qui leurs sont propres, et de l’activité et des emplois pour l’ensemble des tissus locaux. Elles développent la renommée et la croissance économique des villes et des régions qui les entourent comme le MASA à Abidjan, le FESPACO à Ouagadougou. Outre cela, le rapport des Nations Unies sur l’économie créative, coproduit en 2013 par l’UNESCO et le PNUD, a montré que la croissance de l’économie créative est l’une des plus rapides du monde. Le commerce mondial de biens et services créatifs atteint ainsi un niveau record de 624 milliards de dollars en 2011, deux fois plus qu’en 2002. De la conception à la production de produits audiovisuels, du spectacle vivant aux nouveaux médias, de l’édition aux arts visuels, notre diversité culturelle est une diversité créatrice. Elle est une source d’emplois et de revenus, porteuse d’identités et de repères collectifs, contribuant à la cohésion sociale et à l’estime de soi dans notre monde globalisé. C’est bien dans cette double nature à la fois économique et culturelle que réside le grand atout des biens et services culturels. Cette spécificité offre une réponse aux demandes croissantes pour des politiques plus intégrées, capables d’appréhender à la fois les dimensions économiques, sociales et environnementales du développement. En outre la culture au plan économique est une industrie très compacte qui ne connait pas de faillite. En atteste Irina Bokova qui dit : «Au niveau mondial, l’industrie de la culture est l’une des seules à ne pas avoir connu la crise ». Chaque site du patrimoine mondial de l’humanité représente des emplois dans le tourisme, l’artisanat, les spectacles, les festivals, les musées, et donc dans l’architecture, la conservation du patrimoine, la comptabilité, le droit et l’animation. L’industrie de la création n’est pas seulement un motif de fierté nationale mais aussi un secteur économique florissant. La musique est un secteur très promoteur de la diversité culturelle. Par exemple, proche de tous quel que soit notre âge, la musique est particulièrement concernée par ces questions et la promotion de la diversité. Un éditeur de musique se doit de disposer de nombreux labels et de couvrir tous les genres musicaux afin de répondre à tous les goûts, à toutes les envies. Quel que soit le pays, le consommateur est attaché à ses artistes nationaux et à leur identité. Contrairement à certaines idées reçues, (Universal Music Group) réalise ainsi plus de 60% de ses ventes physiques et numériques avec des artistes locaux, ce qui l’encourage à promouvoir la diversité des genres et des artistes à travers le monde. La musique n’est pas la seule à être concernée. En plus de la musique, nous avons : le cinéma, les arts du spectacle, l’édition, l’architecture et bien d’autres. Proposer une offre de contenus riche et diversifiée nourrit la croissance de toute industrie culturelle. La diversité doit être encouragée car elle est une source d’enrichissement économique,  facteur important  d’un développement durable.

 

3-3-La diversité culturelle et l’équilibre écologique

            La diversité culturelle est le reflet de la biodiversité. Il existe une interdépendance entre la diversité biologique et la diversité culturelle. D’un côté, nombre de pratiques culturelles sont, dans leur existence et leur expression, tributaires de certains éléments spécifiques de la biodiversité ; d’un autre côté, d’importants ensembles de diversité biologique sont développés, maintenus et gérés par des groupes culturels spécifiques, dont les langues et les savoirs sont les vecteurs de la gestion de ces ensembles. En effet, les comportements des hommes et femmes vis-à-vis de leur environnement sont profondément liés à leur culture. Les croyances culturelles et religieuses ainsi que les valeurs spirituelles traditionnelles des sociétés ont pour effet de prévenir la surexploitation des ressources et d’assurer la viabilité des écosystèmes dont elles dépendent ; et ce, dans leur propre intérêt ainsi que dans celui des générations futures. Ainsi, l’on ne saurait en effet comprendre ni conserver son environnement naturel sans appréhender les cultures humaines qui l’ont façonné. Chaque culture possède son propre ensemble de représentations, de connaissances et de pratiques. L’action de l’homme sur l’environnement, y compris sa gestion, est un acte social et une expression culturelle.  Au total, 4500 des 6000 cultures que compterait la planète sont des cultures autochtones. Nombre d’entre elles se déploient dans des régions richement dotées en biodiversité. Au cours de leur histoire, les populations autochtones ont élaboré des modes de vie et des cultures entretenant d’étroits rapports avec la nature. Leurs valeurs et leurs croyances ont évolué afin de leur permettre de respecter la nature et de vivre en harmonie avec elle et de préserver la diversité du vivant dont elles dépendent. La participation à la construction et à la création de la diversité biologique prend de nombreuses formes. L’extrême diversité des espèces de plantes domestiques et animales qui ont été développées et conservées par les cultures dans le monde est un exemple de cette force créatrice. Dans les écosystèmes agricoles tropicaux, les fermiers cultivent communément des dizaines d’espèces de plantes domestiques dans leurs champs, y compris de nombreuses variétés adaptées à des conditions environnementales et à des besoins culturels divers. Les populations ont également créé et continuent d’entretenir des paysages culturels afin de maintenir des valeurs écologiques et culturelles spécifiques. Les paysages naturels variés, créés et entretenus par les Aborigènes australiens, à travers leur utilisation ingénieuse du feu, en sont un exemple parmi les plus connus. Nous avons comme exemple le cas des bois sacrés qui sont des îlots de végétation situés à proximité des villages, souvent présentés comme des reliques de forêts naturelles, préservées de l’action humaine en respect aux traditions et à la crainte qu’inspirent les esprits malfaiteurs qu’elles hébergent. Selon certains responsables coutumiers, les bois sacrés sont des intermédiaires incontournables entre les habitants et leurs ancêtres. C’est ainsi qu’ils font des sacrifices pour demander santé, prospérité, maternité, pluie, bonne saison, invulnérabilité à l’égard des personnes mal intentionnées, protection contre les mauvais sorts. Tout arbre dans les bois sacrés abrite des esprits et leur destruction est soit sanctionnée par la mort du contrevenant soit par une destruction des acquis du village. Environ 300 bois sacrés ont été recensés au Burkina. Les bois sacrés sont des zones-refuges pour de nombreuses espèces végétales. La preuve est que l’on rencontre dans certains bois sacrés et forêts communautaires, plusieurs espèces devenues rares ou disparues dans les terroirs environnants. Chaque forêt héberge un nombre limité d’espèces (de 25 pour les plus pauvres à 65 pour les plus riches). Cependant, prises dans leur ensemble, les forêts sacrées et les forêts communautaires renferment plus de deux cents espèces végétales. Le système de gestion des ressources naturelles des bois sacrés du Burkina est traditionnel. Dans certains villages, toute activité dans les bois est interdite par les règles coutumières. Diversité biologique et diversité culturelle sont liées : la diversité culturelle est une source de représentations, de connaissances, de pratiques, et également d’innovation et de créativité, qui permettent d’envisager un système pour l’avenir viable et durable, aussi bien pour les ressources terrestres que pour l’humanité. Diversité culturelle et biodiversité, ensemble, détiennent la clef de la durabilité de nos écosystèmes, condition préalable à tout développement durable.

 

 

 

3-3-1-La diversité culturelle et le progrès social

     Le progrès social est la recherche des libertés communes et de l’égalité des citoyens. Il regroupe tous les progrès qui touchent à l’amélioration des conditions de vie de l’être humain. Il implique l’amélioration des conditions de travail, l’augmentation du confort des personnes : système de santé performant et accessible à tous, gestion de la souffrance des patients par les hôpitaux, système d’éducation, mise en réseau des personnes isolées, reconnaissance des identités minoritaires, protection de l’Enfance etc. La diversité culturelle en aidant au développement économique contribue au progrès social. Au niveau de la santé, les plantes médicales africaines, indiennes, asiatiques, ajoutées  aux techniques médicales occidentales pourraient aider  à la santé pour tous. La diversité culturelle aide au progrès social par les emplois qu’elle génère, par la réduction de la pauvreté à laquelle elle contribue, par l’enrichissement qu’elle garantit à travers l’éducation. Elle contribue au progrès social par les tabous qu’elle aide à lever. Par exemple, les enfants albinos sacrifiés dans certaines cultures sont protégés dans d’autres ou ils ne représentent aucun danger. Il en est de même pour les personnes isolées ou marginalisées pour une raison quelconque, qui seraient très bien intégrés dans une culture où on ne marginalise pas les hommes. La diversité culturelle, à travers tout ce qu’elle permet à  l’homme d’avoir pour son bien-être, contribue au progrès social, domaine important pour le développement durable.

En dehors de l’interdépendance qui existe entre la diversité culturelle et les autres domaines du développement durable, l’aspect communicationnel de celle-ci dans le développement durable sera étudié.

 

4- Aspects communicationnels de la diversité culturelle dans le développement durable

4-4-Les medias et le marketing social       

     Les medias et les NTIC par leur utilisation permettent l’acceptation et la reconnaissance de la diversité culturelle et sont propices au dialogue entre les civilisations, entre les cultures, au respect et à la compréhension mutuelle. Le marketing social a recourt aux principes et aux techniques du marketing dans le but d’amener un public cible à accepter, rejeter, modifier ou délaisser volontairement un comportement dans son intérêt, dans l’intérêt d’un groupe ou dans l’intérêt de l’ensemble de la société. Le marketing social s’intéresse à l’adoption volontaire de comportements bénéfiques à la société. Ainsi, la diversité culturelle par le canal du marketing social  aide à délaisser les mauvais comportements vus comme des valeurs dans certaines sociétés pour adopter d’autres comportements plus avantageux provenant de d’autres cultures. Nous avons pour exemple concret l’excision, le planning familial. Le marketing social en voulant aider au changement de comportement tient compte de la culture des personnes à sensibiliser afin de préparer une bonne stratégie de communication et surtout d’avoir les résultats escomptés.

 

4-4-1-Le dialogue interculturel

    Dialoguer, c’est le fait de communiquer dans le but d’obtenir un compromis. Le dialogue entre les civilisations, les cultures et les peuples, basés sur la compréhension et le respect mutuels, représentent des conditions indispensables pour construire une cohésion sociale et pour la réconciliation entre les peuples. Cette action s’inscrit dans le cadre global initié par l’ONU d’une Alliance des civilisations. Il s’agit, de manière concrète, de privilégier, dans le cadre de ce dialogue interculturel, dialogue interreligieux inclus, tout un ensemble de bonnes pratiques favorisant le pluralisme culturel aux niveaux local, national et régional et d’initiatives régionales ou sous régionales visant à décourager toutes les manifestations d’extrémisme et de fanatisme et mettant en évidence les valeurs et les principes qui rapprochent. Le programme du dialogue interreligieux de l’UNESCO, composante essentielle du dialogue interculturel, a pour objectif majeur de promouvoir le dialogue entre les différentes religions, traditions spirituelles et humanistes dans un monde où les conflits associés aux appartenances religieuses prennent une place de plus en plus importante. Il met également l’accent sur les interactions et les influences réciproques entre les religions, les traditions spirituelles et humanistes ainsi que sur la nécessité de promouvoir la connaissance réciproque entre celles-ci pour lutter contre les ignorances ou les préjugés. En effet, l’apprentissage du dialogue est un processus autant personnel que sociétal. Accroître les aptitudes et les capacités au dialogue implique une volonté d’ouverture non dénuée d’esprit critique. Le dialogue nous concerne tous : des décideurs et responsables aux membres individuels de chaque communauté. Indépendamment des grandes conférences internationales de sensibilisation, l’UNESCO cherche à promouvoir des activités de terrain, surtout dans des aires géostratégiques sensibles afin de toucher des populations cibles, telles que les femmes, les jeunes et les marginalisés.

Malgré son importance  dans le développement durable, la diversité culturelle est menacée et mérite d’être préservée.

 

 

 

Conclusion

     En définitive, cet article portant sur la diversité culturelle dans le développement durable a fait ressortir le rôle, l’importance et la valeur de celle-ci au niveau du développement durable. Ce domaine qui n’était pas pris en compte dans le développement durable assure pourtant l’équilibre et la viabilité des trois autres piliers du développement durable. Les théoriciens du développement  doivent désormais élaborer leurs théories en fonction de celle-ci car plusieurs théories ont échoués parce qu’elles ignoraient les cultures des nouveaux territoires sur lesquels elles devaient être appliquées. Alors, défendre la diversité culturelle, la préserver et la sauvegarder sont les conditions nécessaires pour lui permettre de rendre le développement durable opérationnel et intelligible à toutes les civilisations du monde.

 

 

Références bibliographiques

 

ABBAS Mehdi (2016). «Réflexions sur les Objectifs de Développement Durable des
Nations Unies »
, Cycle facultaire de la faculté de Science politique et droit,
Montréal : Université de Québec à Montréal, 8 avril 2016.

AYESTARAN (2011). « Science, Responsibility and Global Sustainability: Steps
toward a New Ethical Paradigm? »
dans O. Parodi, 1. AYESTARAN et G. Banse
(dir.), Sustainable Development – Relationships to Culture, Knowledge and
Ethics, Karlsruhe: Karlsruhe Institue ofTechnology, 213-226.

AYLETT Hawes (2010). « An international instrument for international cultural policy. The challenge of UNESCO’s Convention on the Protection and Promotion of the
Diversity of Cultural Expressions 2005 »
, International Journal of Cultural
Studies, 355-373.
DEBLOCK Christian (2012). « Présentation du dossier : Innovation et développement chez
Schumpeter»
. Revue Interventions économique, 45-46.
DELCHET Karen(2003). Qu’est-ce que le développement durable? Afnor : Paris.

Organisation des Nations Unies pour l’éducation : (2004). « L’Unesco et la question de la diversité culturelle : division des politiques culturelles et du dialogue interculturel », la Science et la Culture, n07, 15-17.

[1] Discours d’IRINA BOKOVA : (Directrice générale de (UNESCO), lors du débat thématique sur la culture et le développement  du mercredi 12 juin 2013  à l’Assemblée générale. [Consulté le 16/06/2014]. Disponible à l’adresse http://www.portal.unesco.org/culture/fr/ev.

Texte officiel de la Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle, adopté le 2 novembre 2001 : [Consulté le 16/06/2014]. Disponible à l’adresse http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001271/127160m.pdf

 

Mots-clés