Infundibulum Scientific

LECTURE SOCIOLOGIQUE DE ADJA, ADJA Y OTROS RELATOS DE MAXIMILIANO NKOGO ESONO

Agbatou Séka Arthur ODOU
Enseignant-Chercheur
Université Alassane Ouattara
Département d’Espagnol

Résumé :

La présente analyse veut indexer les attitudes déviantes des protagonistes, censés être des modèles pour la masse, sous le régime de Teodoro N’Guema Obiang en Guinée Équatoriale. Ces comportements, loin d’être de l’invention, sont une transposition des réalités sociales d’autant que la littérature est un produit social. En sus, le corpus met en évidence, le niveau de développement miséreux de la Guinée Équatoriale jusqu’aux premières années de la décennie 90. L’objectif, à travers ce travail, est de dénoncer, les attitudes inadaptées des actants partant des tenants du pouvoir qui constituent non seulement un frein au développement mais aussi et surtout le signe de l’échec des politiques socio-économiques mises en place par les gouvernants en Guinée Équatoriale, partant de l’Afrique subsaharienne.

Mots clés : Guinée Équatoriale, Littérature, Adja-Adja, dictature, misère, satire, dénonciation

Sociological analisis of Adja, Adja y otros relatos de Maximiliano Nkogo Esono

Abstract :

This analysis aims to index the deviant attitudes of the protagonists, supposed to be models for the mass, under the regime of Teodoro N’Guema Obiang in Equatorial Guinea. These behaviors, far from being invention, are a transposition of the social realities because literature is a social product. In addition, the corpus highlights, the level of miserable development of Equatorial Guinea until the early years of the 1990s. The objective, through this investigation, is to denounce, the inappropriate attitudes of the actants from the supporters of power that constitute not only a hindrance to development but also and above all the sign of the failure of socio-political policiesgovernments in Equatorial Guinea, from sub-Saharan Africa.

Keywords: Equatorial Guinea, literature, Adja-Adja, ditactorship, misery, satire, denunciation

Análisis sociológico de Adja, Adja y otros relatos de Maximiliano Nkogo Esono

Resumen:

El presente análisis quiere estigmatizar las actitudes inapropiadas de los protagonistas, que supuestamente son modelos para la masa, bajo el régimen de Teodoro N’Guema Obiang en Guinea Ecuatorial. Estos comportamientos, lejos de ser invenciones, son una transposición de las realidades sociales dado que la literatura es un producto social. Además, el corpus pone en evidencia, el nivel de desarrollo miserable de Guinea Ecuatorial hasta los primeros años de la década de los 90. El objetivo, con esta investigación, es denunciar las actitudes inadecuadas de los actores o sea los defensores del poder que constituyen no solo un freno al desarrollo sino también y sobre todo el signo del fracaso de las políticas sociales los gobiernos de Guinea Ecuatorial, y más allá, África subsahariana.

Palabras clave: Guinea Ecuatorial, literatura, Adja-Adja, dictadura, miseria, sátira, denuncia

Introduction

Il est de coutume de dire que l’écrivain est un démiurge dont la matière première est la fiction. Inventer est le propre de ce créateur de mondes abstraits. Cela dit, l’homme de lettres est avant tout, un être social et contemporain de son temps. Il s’intéresse dès lors, aux réalités sociales de son environnement, souventes fois en tant qu’observateur et d’autres fois en tant qu’acteur. Par sa plume, il participe à la vie et veut laisser des traces des réalités actuelles aux générations à venir, en guise de testament ou de témoignage puisque la vie est un processus. En effet, à l’aube du XXe Siècle, l’Afrique se réveille avec le multipartisme ; symbole supposé de la démocratie et gage de bonne gouvernance. Par conséquent, les pays africains, devaient, trois décennies après les indépendances, amorcer le développement tant chanté par les chefs d’État africains, adeptes de chiffres ronflants et enrichissements illicites au détriment d’une population maintenue dans l’obscurantisme. Cet état délétère créé par les gouvernants donne l’occasion aux intellectuels, en particulier aux écrivains d’attirer l’attention de leurs concitoyens, à travers leurs écrits, sur les méfaits de la mal gouvernance et la pauvreté rampante. La Guinée Équatoriale, unique pays africain ayant l’espagnol comme langue officielle n’est pas exempt de tous les tumultes post-conférence de la Baule. C’est dans cette atmosphère que Maximiliano Nkogo Esono (1994) publie son œuvre Adja, Adja y otros relatos.

Dès lors, nous sommes tenté par les questionnements suivants : Pourquoi l’écriture et la publication de cet ouvrage à cette époque ? Quel est le message souhaité par l’auteur ? En utilisant la satire, quelle est l’intention de l’auteur ?

L’objectif de cette recherche réside en ce que nous désirons percevoir les implications des engagements des auteurs équatoguinéens en transposant les réalités sociales dans leur corpus. Cela nous amènera à vérifier si cette intention a pour but de mettre les dirigeants face à leur responsabilité sociale en proposant de nouveaux paradigmes.

Cette analyse que nous voulons entreprendre vise à disséquer la valeur de la satire dont fait usage le corpus en analysant en premier lieu, la déchéance morale comme cause de retard et par la suite l’absence de formation comme conséquence de la corruption endogène et ce, par le prisme de la sociologie de la littérature.

  1. Déchéance morale, source de retard des pays africains

Dans une société où la répression a pignon sur rue, les auteurs usent de subterfuges pour clouer au pilori, les stigmates de la société. Dans cet exercice, Maxiliano Nkogo utilise la satire. Qu’est-ce que la satire ? Le Dictionnaire Robert (2007, p. 2311) propose cette assertion « Écrit, discours qui s’attaque à quelque chose, à quelqu’un, en s’en moquant ». C’est dire que la satire critique acerbement une entité en s’attaquant à son faire mais pas à son être. L’étant étant indépendant de l’individu. Le faire par contre découle de sa volonté, de son action.

La satire de l’œuvre romanesque de Maximiliano Nkogo se situe principalement au niveau de la corruption tel qu’il le dit lui-même lors d’une interview :

[…] les principaux thèmes de Adja-Adja sont la corruption, le manque de respect des règles, de la loi, allons, et la misère – sont les principaux thèmes de Adja-Adja. Car la corruption vient parce que les lois ne sont pas respectées. Il y a des lois établies, mais elles ne sont pas respectées. À partir du moment où les lois ne sont pas respectées, surviennent le désordre, la corruption dans ses différentes manifestations et cela engendre la pauvreté […] (Hendel, 1998, p. 4)[1].

Otabela Mewolo (2003, p. 2) ne dit pas autre chose relativement au thème du corpus, quand il affirme que :

La misère (physique et psychologique), la corruption à tous les niveaux de la vie de l’administration et de la société guinéenne, la prostitution et la promiscuité sexuelle, etc., sont des thèmes développés par des écrivains comme Maximiliano Ncogo en Adja-Adja et d’autres récits… [2]

Le comble relève du fait que la corruption est promue par des individus censés réprimer ce fléau. En effet, la journée de flânerie de deux agents de police : Adja-Adja et son compagnon (de repos, ce jour) permet de saisir que ces deux agents ne constituent en aucun cas des poches de moralité. Déjà aux pages 12 et 13, nous les voyons aux prises avec un commerçant naturalisé qu’il menace d’envoyer au commissariat sous prétexte qu’il lui manque les documents nécessaires pour son activité commerciale. L’objectif étant manifestement de lui extorquer de l’argent sous l’effet des menaces. En effet, il est indéniable que les immigrés répugnent généralement l’idée d’avoir maille avec la justice ou ont horreur de franchir les portes des commissariats. Cette peur constitue un moyen de pression pour les deux policiers véreux. Nous constatons leur forfaiture en ces lignes :

Les questions et les réponses continuent jusqu’à ce que finalement Adja-Adja et son Compagnon découvrent que le pauvre monsieur, étranger, n’a pas les papiers officiels nécessaires pour être commerçant et il lui manque également les autres documents personnels que tout citoyen doit avoir pour garantir ses droits. C’est pourquoi Adjá-Adjá et son Compagnon choisissent de l’emmener au commissariat. Ils jouent des bérets, ils arrangent la position des menottes, ils bougent les matraques, le gars a peur, il croit qu’ils sont vraiment en service, il leur demande pardon, mais ils insistent et ils deviennent, comme qui, tendus. Après un certain temps, Adjá-Adjá et son Compagnon baissent d’un ton afin de suggérer au type que, s’il ne veut pas aller perdre de grandes quantités de francs au commissariat, alors… qu’il leur donne « quelque chose » »[3] (Nkogo Esono, 1994, p. 12-13).

Représentant la loi aux yeux de leurs concitoyens, ces deux individus abusent de leurs autorités au vu de la force de répression généralement déployée par les forces de l’ordre équato-guinéennes. Nul ne veut s’opposer à leur autorité. Adjá-Adjá y Compagnon sont le prototype de la corruption et de l’abus du pouvoir. Toute la flânerie de ce jour non ouvré pour eux, a pour objectif l’obtention d’un minimum de Francs FCFA pour nourrir une famille miséreuse. Cela dit, comment des familles de fonctionnaires d’état peuvent vivre dans la misère totale ? Ces fonctionnaires sont-ils payés décemment ? Découvrons ensemble, le logis de Adjá-Adjá, digne d’un miséreux :

Comme beaucoup d’autres jours qui se sont écoulés, le jour se lève aujourd’hui sans grâce : il n’y a presque rien dans la cuisine, seulement une grappe de bananes non mûres ; on ignore ce qui sera donné aux enfants lorsqu’ils se réveilleront bientôt. Heureusement, comme papa et maman, ils ont l’habitude d’être à jeun. [… ] Ce duo n’aime pas la pluie parce qu’à chaque fois qu’il pleut il n’y a pas de place dans leurs maisons qu’il ne peut malheureusement pas tremper dans l’eau qui entre par les interstices des vieux plafonds (Nkogo Esono, 1994, p. 9, 19)[4].

L’état de pauvreté qui régnait en Guinée Équatoriale est indexée par d’autres écrivains équatoguinéens qui se donnent pour mission d’être les porte-paroles des sans-voix et surtout de décrier la mauvaise gouvernance qui ne peut assurer le développement du pays et garantir surtout un mieux-être à la population qui croupit sous le poids de la misère. Juan Tomás Ávila Laurel (1994, p. 21) dénonce cette indigence qui fouette les équatoguinéens en décrivant également dans une didascalie, le logis de son protagoniste Irgundio de son œuvre dramaturgique : Los hombres domésticos en ces termes :

Six heures et demie du matin du seigneur. Maison de Irgundio. Délabrée et très agitée. Dans le salon, de la petite maison, sont placés trois matelas qui servent à reposer les corps et les esprits du radiodiffuseur et de sa dame, de Ergenio, et le troisième matelas, de couleur et d’odeurs respectables, est destiné au repos de quatre infantes : l’une de trois ans, de Irgundio, l’autre de neuf ans, de Ergenio, et deux garçons de neuf et sept ans, de don Próculo Oló. Tout le monde est encore sur les matelas. Bon rêve. La porte de la pièce s’ouvre et Melisa sort, les yeux somnolents et la difficulté de se déplacer dans la maison car sept corps étendus sur le sol l’encombrent. Il est contrarié[5].

La pauvreté induit la promiscuité. C’est dire que la misère était une gangrène généralisée ; raison pour laquelle, plusieurs auteurs en font écho. Cela dit, nous constatons que cette situation d’indigence extrême inexplicable pour un fonctionnaire n’est pas seulement un cas isolé ou du moins pour ce duo Adjá-Adjá y Compagnon pour que nous parlions de mauvaise gestion de leur salaire ou un mauvais traitement salarial d’un corps spécifique sous le régime. Tous les fonctionnaires sont fouettés par ce fléau. En effet, dans le second récit : Relato sobre un funcionario en un día de absentismo, Claudio, anciennement directeur d’un ministère, aujourd’hui rétrogradé par jalousie de ses collaborateurs du fait de son intégrité, vit désormais dans l’indigence malgré son statut de fonctionnaire. Nous notons désormais que: « Claudio est, comme tant d’autres, un fonctionnaire qui traverse des moments très difficiles : il ne peut satisfaire ses propres besoins, encore moins ceux de sa famille nombreuse » (Nkogo Esono, p. 26)[6].

Dès lors, il se trouve obligé d’abandonner son poste et aller au port à la recherche d’un travail journalier en vue de nourrir sa famille. Sans cela, sa maisonnée ne pourra se sustenter ce jour-là. Ce jour-là, Claudio tait ses valeurs d’homme intègre et professionnel au travail pour se conformer à la masse inconsciente des travailleurs. Il va à la recherche d’un hypothétique emploi journalier. L’instinct de survie, paternel prime ce jour-là sur la responsabilité professionnelle : « C’est la première fois qu’il décide de manquer son travail de subalterne pour aller au port, à la recherche d’un travail comptant. Les travailleurs journaliers assidus affirment qu’on peut gagner deux ou trois mille francs CFA par jour, là-bas, au port, quand il y a de la chance (Nkogo, 1994, p. 29)[7] ».

Comment dans un pays, les fonctionnaires n’arrivent-ils pas à joindre les deux bouts ? Sont-ils payés décemment ? Cette misère justifie-t-elle les activités illicites de ce duo qui n’a pour souci que l’apport de la provende quotidienne à la famille ?

Pour les deux aigrefins : à chaque jour suffit sa peine. Nous les voyons une fois de plus aux prises avec un charretier qui subit la volonté de ramener de la nourriture en vue d’allumer le foyer-continuellement éteint- dans leur logis respectif en faisant fi de leur dignité. Le narrateur transcrit la scène en ces lignes :

[… ] Sur le chemin, ils tombent sur un ‘pousse-pousse’ qui est chargé Don Simon, bouteilles de « 33 » et quelques litres de 501. En plus d’exiger des documents du conducteur du ‘pousse-pousse’, -ses propres documents et ceux de son chariot-, Adja-Adja et Compagno lui demandent pourquoi il transporte un vin qui a expiré depuis longtemps. Ils lui demandent également s’il n’est pas au courant de l’arrêté ministériel rendu public par les médias autorisant la confiscation de ce vin Don Simon. De même, un tel ordre- que suivent qu’Adja-Adja et Compagnon-habilite les autorités compétentes à faire tout leur possible pour son accomplissement, etc… […] Après avoir appliqué tant d’articles, Adja-Adja et Compagnon, reçoivent une récompense de deux « Donsimones » et cinq cents francs CFA, en plus des grâces de la victime, qui a ouvert un carton de Don Simon des neuf qu’il transporte et en a tiré deux ‘briks’ (Nkogo, 1994, p. 20).[8]

Finalement, leur témérité est récompensée. Ils arrivent à avoir cinq cents francs FCFA pour acheter de quoi étouffer la faim qui tenaille leur famille. La situation est tellement déplorable et risible que le fonctionnaire Claudio ; normalement un individu qui devait se dresser sur ses ergots parce qu’agent de l’État percevant un salaire, se trouve à mendier sa pitance. Véritable paradoxe. En effet :

Avant qu’ils ne se séparent, Claudio rappelle son problème à Paco, avec l’intention que celui-ci lui donne un coup de main, s’il le peut : il est allé pour des travaux au comptant mais n’a eu gain de cause pour la femme et les enfants qui meurent de faim à la maison. [… ] Paco, sympathique et généreux par nature, regrette profondément la situation de son ami qui, en plus d’être fonctionnaire, se voit pourtant dans la nécessité de ‘demander l’aumône’ ( Nkogo, 1994, p. 36)[9].

Dans ces conditions où la pitance quotidienne est un luxe et s’en procurer demeure une aporie pour le fonctionnaire Claudio, la scolarisation des enfants est sacrifiée au profit de la substance physiologique. Il estime que la substance physiologique est préférable à la nourriture intellectuelle. Quoiqu’il en soit, un enfant affamé peut-il être disposé à apprendre ? Voyons la réflexion de Claudio à ce propos lorsque l’un de ses rejetons est refusé de l’école parce que n’ayant pas payé le droit de mille francs à l’Association des Parents d’Élèves –APA-, surtout qu’il vient de recevoir mille francs de son ami Paco. La cotisation est une participation des parents d’élèves à l’amélioration des conditions de travail et des services scolaires en collaboration avec le ministère de l’éducation. Le choix est vite fait. Nous saisissons la réflexion de Claudio dans l’extrait suivant :

Après une profonde méditation, Claudio décide de ne pas payer le « APA » avec ces seuls mille francs qu’il a : « avec cet argent il faut aller au marché pour acheter quelque chose à manger », et promet de payer le « APA » quand les moyens le lui permettront réellement.

– Qu’on expulse définitivement mon fils pour n’avoir pas payé, ajouta Claudio, qu’importe ! Il va déjà rester à la maison sans plus aller en classe, sans savoir les choses en profondeur… en outre, en quoi sera-t-il différent des nombreux qui fréquentent des écoles et même des universités, et qui aujourd’hui, cependant, ne font rien avec les connaissances qu’ils acquièrent (Nkogo, 1994, p. 37)[10].

Dans ce monde en déliquescence morale, nous notons que Claudio vit cette misère à cause de la mauvaise pensée et habitude de ses collaborateurs du fait de son non-conformisme et sa probité morale. En effet, Claudio :

Était directeur d’un ministère alors que son âge n’oscillait pas encore entre quarante et cinquante ans comme aujourd’hui. On raconte qu’il arrivait toujours à l’heure à son bureau et qu’il y restait pendant la journée de travail, travaillant avec abnégation et infatigable. […] En sa qualité de directeur, il mettait en garde contre les fautes et les élevait à la « supériorité ». Il était et reste l’ennemi de l’irresponsabilité (Nkogo, 1994, p 26).[11]

De caractère incorruptible, refusant les invitations pendant les heures de travail, il dut subir les critiques et les marchandages pour finir par être rétrogradé par la hiérarchie. C’est dire que l’honnêteté ne paie pas sous ce régime. Pour prospérer, il faut se fondre dans le moule et agir comme tout le monde. Il faut être adepte du conformisme et partisan du moindre effort et véhiculer des commérages pour avoir les bonnes grâces du supérieur hiérarchique. Comme quoi, l’honnêteté ne nourrit son homme au sein de ce peuple.

L’attitude fourbe des équatoguinéens pour rentrer dans les grâces de l’autorité est également dénoncée par Juan Tomás Ávila Laurel lorsque Irgundio et le chef coutumier accusent à tort le jeune médecin belge Marx Weber de trouble à l’ordre public. Devant le lieutenant Melchior, le commissaire de police, ils présentent ridiculement une ordonnance médicale par précipitation comme procès-verbal des accusations. Ils n’eurent pas le temps de préparer des motifs d’accusation. Suivons l’échange :

MELCHOR : Je n’en ai pas encore entendu parler, mais je suppose que c’est possible. (Il s’adresse aux concurrents). Pouvez-vous me dire ce qui se passe ?

(Irgundio ouvre son portefeuille et sort le document que lui a donné le Chef Traditionnel. Il le remet au Lt. Melchor. Celui-ci le lit à haute voix). « Patient qui se présente à ce poste de santé avec maux de tête, toux, fièvre et vomissements de deux jours d’évolution. Traitement. Analyse : goutte épaisse et selles. Aspirine 500mg c/12h. primperán sirop 2 cuillères à soupe c/6h.» Mais qu’est-ce que c’est? Vous vous moquez de moi?

MELCHOR : Qui est l’idiot qui envoie cela?

IRGUNDIO : Le chef traditionnel de la zone B ( Ávila Laurel, 1994, p. 27) .[12]

Les mauvaises habitudes deviennent de ce fait, la norme. La malhonnêteté a pignon sur roue. Par conséquent, pour prospérer, il faut se vêtir du manteau de la malhonnêteté. Agir de manière contraire, vous ferez passer pour un ovni ou un hors-la-loi aux yeux des autres. Ceci étant, au vu et su de tous, les hommes censés réguler les normes comme Adjá-Adjá y Compañero, pressent les pauvres femmes commerçantes en exigeant des taxes farfelues. Quoiqu’il en soit, chaque agent de sécurité veut profiter de son once de pouvoir pour se remplir les poches et supporter les pénibles en attendant la fin du mois au maigre salaire. Les gardes municipaux ne font pas exception à la règle : « […] les gardes municipaux t’attendent devant avec leurs “effets timbrés” disposés à te faire payer, on se sait quelles taxes … » (Nkogo, 1994, p. 39)[13].

Les chauffeurs de camions n’échappent pas aux policiers qui les rackettent quotidiennement sur les routes. En effet, : « Chaque jour, il faut donner “ quelque chose” aux policiers parce qu’ils disent que je n’ai pas tous les documents en règle » (Nkogo, 1994, p. 39)[14].

Dans ces conditions, les militaires usent de leurs prérogatives et de leur arme pour brimer les civiles qui, par respect et par crainte, ne peuvent s’opposer à eux. Nous assistons à un cas d’abus de pouvoir. Le palabre entre un jeune civile portant des chaussures ressemblant à des rangers et des militaires se déroule comme suit :

  • Ces bottes ne sont pas militaires, elles sont à la mode, affirme le jeune homme.

Après tant des échanges, les militaires agissent : ils le déchaussent et s’en vont avec leurs bottes, marchant comme s’ils étaient contents d’avoir fait leurs preuves aux yeux du monde entier. Le jeune civil est déshonoré. Il ne peut rien faire pour récupérer ses bottes. Il a peur parce que ces militaires portent des armes (Nkogo, 1994, p. 42)[15].

L’abus de pouvoir est également porté par Adjá-Adjá et Compagnon dans leur randonnée. Ils usent de leur statut pour s’épargner des frais de ticket d’entrée dans les salles de cinéma. Des réductions sont accordées aux forces de l’ordre mais ces deux individus ne déboursent aucun centime. Ils sont au-dessus des lois car ils la font eux-mêmes dans leur environnement.

Les portiers du stade, cinémas et vidéoclubs ne leur font plus obstacle, ils connaissent bien Adjá-Adjá et Compagnon et pour éviter des problèmes avec eux, ils savent que, bien qu’il y ait collé au mur une note qui dit que les enfants et les militaires ne paient que 250 francs CFA, ces deux policiers en sont exemptés (Nkogo, 1994, p. 19)[16].

L’attitude des militaires et policiers nous fait comprendre que d’énormes pouvoirs leur sont concédés sous un régime dictatorial qui ne tolère aucun débordement. Le récit des conséquences d’une manifestation d’étudiants est édifiant :

[… ] ce marché que des manifestants étudiants ont attaqué ou ont voulu attaquer après qu’on ne sait pas quelle mouche les a piqués, un jour mémorable, comme on dit. En conséquence, les pouvoirs publics procédaient au rétablissement de l’ordre en arrêtant ceux qu’ils croyaient être des manifestants « sans autorisation » et autant de personnes qui étaient conséquentes ou des victimes innocentes. Il s’arrêtait de maison en maison. Beaucoup dormaient, seuls ou en couple mixte, par faim ou par fatigue ; d’autres étaient surpris à table. Il suffisait que quelqu’un dise « oui, celui-ci aussi » pour que certains gardes le fassent monter à bord d’une voiture immatriculée FAS, en le giflant et en le frappant à coups de pied, et l’emmènent avec d’horribles sirènes On les enfermait et on les graciait plus tard. (Nkogo, 1994, p. 37-38)[17].

Ces attitudes ne découlent pas d’ex nihilo car elles sont le relent de la conception du chef de l’État, qui se postule comme un dieu pour ses concitoyens. Ces envoyés, ces militaires qui sont le prolongement du pouvoir ne peuvent qu’abuser car leur chef, le président :

[… ] Macías Nguema était la Loi et l’Autorité; tout ce qu’il disait constituait le droit et devait être accompli, quelle que soit la personne qui portait les instructions; aucune propriété individuelle n’était respectée, personne n’avait droit à rien d’autre que ce qui avait été acquis par la voie de l’illégalité ou de la violence … (Owono Asangono, 1993, p. 95)[18].

Dans ces conditions de dictature, de misère morale et sociale, qu’en sera des structures sociales et infrastructurelles ?

  1. Le manque de formation comme conséquence de la corruption

Dans un pays où la médiocrité est promue et la probité est sacrifiée sous la guillotine des ambitions personnelles et mesquines, il est indéniable que la misère morale et sociale a inéluctablement un impact négatif sur la vie des concitoyens. Qu’est ce qui peut permettre de lutter contre la misère morale et sociale si ce n’est de bonnes infrastructures ? Nous affirmons que la corruption est la conséquence de la pauvreté et des mauvais traitements salariaux subis par les fonctionnaires qui, eux-mêmes sont les conséquences directes de la faiblesse structurelle.

Pour nous faire saisir la misère sociale, nous avons deux ironies dans le corpus qui en même temps qu’elles se moquent de l’indigence ; point commun à la majorité des équatoguinéens, mettent le doigt dans cette plaie pour la dénoncer. Les ironies à relent satirique sont posées par Claudio, le fonctionnaire-mendiant quand il affirme sereinement à propos de ses enfants que « Ces enfants, malades, préfèrent la nuit au jour, parce que le jour ils sont éveillés et souffrent de la faim, alors que la nuit ils ne sont pas si mal dans le monde des rêves ». (Nkogo, p. 26)[19] et enfonce le clou lorsque parlant d’un homme nouvellement décédé, il estime que : «  […] il a laissé ce que nous souffrons ici » (Nkogo, p. 36)[20].

C’est dire que dans ce monde miséreux, la nuit (être dans les bras de Morphée) est un soulagement pour les mômes quand la mort constitue un heureux exutoire, envié par les vivants. Comment peut-il en être autrement, si les prix des matières premières ont flambé sur le marché. En effet, Claudio (Nkogo, p. 40) se lamente du fait de la vie dans la diégèse et celle d’antan sont la nuit et le jour. Dans ce contexte, il ne se donne pas la peine de ramasser une pièce de dix francs qu’il trouve sur son chemin malgré son indigence car elle ne peut permettre d’acheter quoi que ce soit. Le produit à moindre coût ne peut être obtenu que moyennant au minimum vingt-cinq francs CFA. Il se plaint de la valeur actuelle de l’argent en affirmant :

Cet argent me semble très étrange-insinua Claudio-, je vois que beaucoup n’en veulent pas. Ce n’est pas comme à mon époque, parce qu’avec une seule peseta on achetait quelque chose, mais maintenant… même vingt francs ensemble ne t’achètent pas une cigarette (Nkogo, 1994, p. 40)[21].

Pourrait-il en être autrement dans un pays qui ne possède aucune université après plus d’une vingtaine d’années d’indépendance ? Quelle formation peuvent-ils avoir les citoyens et partant, quelle formation ont-ils reçue, ceux qui gouvernent le pays ? La capacité de leur gouvernance dans un monde régi par la globalisation n’est-elle pas mise en doute ? La jeunesse en quête de connaissance ne peut que se rabattre sur l’extérieur pour acquérir une formation supérieure solide. En effet : « Dans le pays, il n’y a qu’une université à distance-UNED- et celq ne plait pas à Chico Nkúa parce qu’elle manque plusieurs facultés, ou bien pour d’autres raisons qu’Adja-Adja et Compagnon ignorent » (Nkogo, 1994, p.16)[22]. C’est dire que les moins nantis ne peuvent s’offrir les études universitaires. C’est donc une classe élitiste qui s’offre ces études.

Serait-ce possible de construire une nation moderne sans la formation adéquate ? Est-ce concevable de n’avoir aucune université nationale en 1994[23] pour un pays indépendant depuis 1968 ? Cet était de fait peut-il favoriser le développement ? Impossible dans notre entendement, d’autant que la matière grise est la source de tout développement infrastructurel. Les routes, les hôpitaux, l’orientation économique… doivent être pensés par des ingénieurs et autres intellectuels formés dans de bons instituts dédiés.

Quand nous suivons le parcours de Adjá-Adjá y Compañero, nous constatons que les voies ne sont pas bitumées : « […] Adjá-Adjá et Compagnon se dirigent vers le stade La Paz, qui, en ce moment-là, était plein de boues et de flaques d’eau car il a plu la nuit dernière » (Nkogo Esono, 1994, p. 19)[24].

La présence de boues indique de ce fait que les routes de la capitale ne sont pas bitumées. Cela est inéluctablement le relent du manque de têtes pensantes dans le pays, capables de penser le développement du pays.

Dans ce livre qui est pour nous un pamphlet, l’indexation des infrastructures porte essentiellement sur la voirie. Pour preuve, nous avons les plaintes d’un transporteur : « Je souffre beaucoup pour porter ce camion-ce sont des déclarations de l’un d’entre eux- ; les routes sont très mauvaises et je fais de supers efforts pour éviter les accidents » (Nkogo, 1994, p. 39)[25].

Il ne peut en être autrement puisque le gouvernement est préoccupé par la répression avec l’objectif manifeste de sauver son image et les apparences tel que signalé dans la première partie. La liberté d’expression est mise à mal dans ces circonstances d’autant que les militaires, les forces de l’ordre zélés ne s’en tiennent qu’aux ordres reçus. Voici la réponse de ces militaires face aux plaintes de leurs concitoyens victimes de leurs brimades :

Jusqu’à quand cesserons-nous de déranger les gens, messieurs- demandait ouvertement et en colère un homme, peut-être chef, à certains gardes, et ceux-ci n’ont rien répondu expressément, mais il semblait qu’ils répondaient tous unanimement dans leur intérieur : « jusqu’à ce qu’il nous l’ordonne (Nkogo, 1994, p. 41)[26].

La fin de la répression n’est pas à l’ordre du jour d’autant que le Chef de l’État, est un demi-dieu à qui, tous doivent vénération. Ces ordres ne peuvent être contestés quoique son pouvoir lui est concédé par le peuple. Il devient un monstre froid qui qui croque ses rejetons sans remords.

Un pouvoir donné par le peuple ; car dans son peuple il n’y a pas de chef. Et savez-vous ce qui se passe dans les pays où la fin suprême est le Président ? Les dirigeants deviennent des dictateurs, mais le peuple ne se rend compte que très tard, quand ils ne peuvent plus sortir des griffes du chef et de ses sbires. Et ce pays n’est pas très loin de cette situation (Ávila Laurel, 1994, p. 28)[27].

Dans ce pays, où tout est laissé à l’abandon au détriment de la répression et du favoritisme, le summum de la déchéance est symbolisé par la coupure quotidienne de l’électricité qui sonne le glas de la misère infrastructurelle. Les attentions du Chef tout puissant sont focalisées sur la répression et la préservation de son pouvoir. La coupure de l’électricité fait partie intégrante du quotidien des équatoguinéens. En effet, Claudio est accueilli à son domicile par la coupure de l’électricité :

Peu de temps après, la lumière s’éteint, soudainement, comme d’habitude. C’est une coupure générale. Maintenant tout le monde est dans l’obscurité. Que va-t-on faire ?

Ceux qui en ont, allument déjà leurs lampes, bougies, torches ; et ceux qui n’ont rien de tout cela, comme Claudio et famille, vont continuer à assumer les ténèbres, si l’éclairage ne revient pas, jusqu’à demain (Nkogo Esono, 1994, p. 46)[28]

En somme, nous constatons que la Guinée équatoriale est plongée dans l’obscurité totale ; symbole de la misère de vingt-six années après l’acquisition de l’indépendance à cause de l’incapacité de ses dirigeants à proposer des solutions favorisant le développement social et infrastructurel.

Conclusion

À la fin de la lecture de cet ouvrage aux caractéristiques d’un pamphlet, nous constatons que Maximiliano Nkogo s’est chargé de porter une charge critique à l’encontre du pouvoir Nguemiste tenant les rênes de la République équatoguinéene depuis 1979 à la suite d’un coup d’État. Au constat, c’est un pays en lambeau tant dans le domaine moral, social que des infrastructures du fait d’une mauvaise gestion. En effet, le pouvoir s’arcboute sur la répression des opposants récompensant au passage les conformistes et les laudateurs du régime (la minorité) délaissant dès lors, le bien-être social de ses concitoyens (la majorité). Cela dit, l’auteur en tant qu’acteur majeur de son époque, en écrivant cette œuvre est de mettre les doigts dans les plaies du régime et l’induire à les soigner.

Références bibliographiques

  1. Corpus

NKOGO ESONO Maximiliano (1994). Adja, Adja y otros relatos. Centro cultural Hispano Guineano: Malabo.

  1. Autres

AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE (2019). Université nationale de Guinée Équatoriale, disponible sur https://www.auf.org/les_membres/nos-membres/universite-nationale-de-guinee-equatoriale/, consulté le 12/06/2021 à 22h05

ÁVILA LAUREL Juan Tomás (1994). Los hombres domésticos. Centro cultural Hispano Guineano: Malabo.

EVUNA OWONO ASANGONO Alejandro (1993). El proceso democrático de Guinea Ecuatorial. Ceiba: Madrid.

HENDEL Mischa G. (2018). Conversación con Maximilano Nkogo Esono, 18 de octubre, 2008, disponible sur:ttps://birdlikecultura.files.wordpress.com/2015/10/18_interview_18okt2008_maximilianonkogoesono.pdf

MIAMPIKA Landry-Wilfrid et ARROYO Patricia ( Dir.), ( 2010). De Guniea Ecuatorial a las literaturas hispanoafricanas. Verbum: Madrid.

N’DONGO-BIDYOGO Donato (1984). Antologia de la literatura guineana. Editora Nacional: Madrid.

N’DONGO-BIDYOGO Donato et N’GOM Mbaré (2000). Literatura de Guinea Ecuatorial. Casa de África: Madrid.

NISTAL ROSIQUE Gloria et PIÉ JAHIN Guillermo (Dir.), (2007). La situación actual del español en África. Actas del II Congreso Internacional de Hispanistas en África. Sial/Casa de África: Madrid.

ROBERT Paul (2017). Le petit Robert de la langue française. Dictionnaires Le robert : Paris.

ÜTABELA MEWOLO Joseph-Désiré (2003). «Literatura de Guinea Ecuatorial. Sujeto cultural y dictadura: el personaje del abogado en Los poderes de la tempestad de Donato Ndongo Bidyogo», Revista Epos, n°xix, pp.119-128.

    1. Texte d’origine: […] los temas principales de Adjá-Adjá son la corrupción, la falta de respeto a las normas, a la ley, vamos, y la miseria – son los temas principales de Adjá-Adjá. Pues la corrupción viene porque no se respetan las leyes. Existen leyes establecidas, pero no se las respetan. A partir del momento en que no se respetan las leyes viene el desorden, la corrupción en sus diferentes manifestaciones y esto genera la pobreza;
    2. Texte d’origine: La miseria (física y psicológica), la corrupci6n de todos los estamentos de la vida de la administración y de la sociedad guineana, la prostitución y la promiscuidad sexual, etc., son temas desarrollados por escritores como Maximiliano Ncogo en Adjâ­Adjâ y otros relatos…
    3. Texte d’origine: Siguen las preguntas y las respuestas hasta que por fin Adjá-Adjá y Compañero descubren que el buen señor, extranjero, carece de los papeles oficiales necesarios para ser comerciante y le faltan así mismo los demás documentos personales que todo ciudadano debe tener para garantizar sus derechos. Por esto, Adjá-Adjá y Compañero, optan por llevarle a la Comisaría. Tocan boinas, arreglan la posición de las esposas, mueven las porras, el tipo se asusta, cree que de verdad están de servicio, les pide por favor, pero ellos insisten y, además, se ponen, como quien, tensos. Tras un rato, Adjá-Adjá y Compañero bajan la voz con el fin de sugerirle al tipo que, si no quiere ir a perder grandes cantidades de francos en la Comisaría, pues…que les dé “algo”.
    4. Texte d’origine: Como muchos otros días que han transcurrido, amanece hoy sin gracia: casi no hay nada en la cocina, sólo un racimo de bananas aún no maduras; se ignora qué se dará a los niños cuando dentro de poco se despierten. Menos mal que, al igual que papá y mamá, ellos están ya acostumbrados a estar en ayunas, han asumido esta situación. […] A este dúo no le gusta la lluvia porque cada vez que llueve no hay sitio en sus casas que no puede desgraciadamente empapado por el agua que entra por los intersticios de los viejos techos.
    5. Texte d’origine: Seis y media de la mañana del señor. Casa de Irgundio. Destartalada y revoltísima. En el salón-comedor, de la pequeña saca están colocados tres colchones que sirven para reposar los cuerpos y mentes del locutor de la radio y su dama, de Ergenio, y el tercer colchón, de color y olores respetables, está destinado al reposo de cuatro infantes: una de tres años, de Irgundio; otra, nueve, de Ergenio, y dos chavales de 9 y 7, de don Próculo Oló. Todos están aún en los colchones. Feliz sueño. La puerta de la habitación se abre y sale Melisa, con los ojos soñolientos y con la dificultad de moverse por la casa pues siete cuerpos en el suelo tendidos le estorban el paso. Se disgusta.
    6. Texte origine: Claudio es, como otros tantos, un funcionario que atraviesa momentos muy difíciles: no puede satisfacer sus propias necesidades, ni mucho menos las de su numerosa familia.
    7. Texte d’origine: Se trata de que por primera vez decide faltar a su trabajo de subalterno para ir al puerto, a buscar estajos. Afirman los asiduos estajistas que se pueden ganar dos o tres mil francos cefas al día, ahí en el puerto, cuando hay suerte.
    8. Texte d’origine: […] En el camino tropiezan con un ‘pus-pus” que está cargando Don Simón, cajas de “33” y algunos litros de 501. Además de exigirle documentos al conductor del “pus-pus”, -sus propios documentos y los de su carretilla-, Adjá-Adjá y Compañero le preguntan por qué transporta un vino que ha expirado ya desde hace mucho. Le preguntan también si no está al corriente de la orden ministerial hecha pública por los medios de comunicación social en la que se autoriza el decomiso de este vino Don Simón. Asimismo, dicha orden-siguen Adjá-Adjá y Compañero-faculta a las autoridades competentes para hacer lo posible para su exacto cumplimiento, etc… […] Después de aplicar tantos artículos, Adjá-Adjá y Compañero, reciban una recompensa de dos “Donsimones” y quinientos francos cefas, además de las gracias del agraviado, quien ha abierto un cartón de Don Simón de los nueve que transporta y ha sacado dos “briks.
    9. Texte d’origine: Antes de que se separen, Claudio recuerda su problema a Paco, con la intención de que éste le eche una mano, si puede: ha ido en demanda de estajos esta mañana y no ha conseguido ninguno, y no le resta más remedio para la mujer y los niños que se mueren de hambre en casa. […] Paco, simpático y generoso por naturaleza, lamenta profundamente la situación de su amigo, quien además de ser funcionario, se ve sin embargo en la necesidad de “ir pidiendo limosna
    10. Texte d’origine: Tras una profunda meditación, Claudio decide no pagar la APA con estos únicos mil francos que tiene: “con este dinero hay que ir al mercado para comprar algo de comer”, y promete que pagará la APA cuando realmente los medios se lo permitan.

      -Que expulsen definitivamente a mi hijo por no haber pagado-añadió Claudio-, ¡qué más da! Ya se quedará en casa sin ir más a clase, sin saber las cosas en profundidad…además, ¿en qué se diferenciará de los tantos que frecuentan escuelas y hasta universidades, y que hoy, sin embargo, no hacen nada con los conocimientos que adquieren.

    11. Texte d’origine: Era director de un ministerio cuando su edad no oscilaba todavía entre cuarenta y cincuenta años como ahora. Se cuenta que siempre llegaba puntual a su despacho y permanecía en el mismo durante la jornada laboral, trabajando con abnegación y forma infatigable. […] En su calidad de director, advertía las faltas y las elevaba a la “superioridad”. Era y sigue siendo enemigo de la irresponsabilidad
    12. Texte d’origine: MELCHOR: Aun no me he enterado, pero supongo lo que puede ser. (Se dirige a los contendientes). ¿Podéis decirme lo que pasa?

      (Irgundio abre su cartera y saca el oficio que le dio el Jefe Tradicional. Lo entrega al Tte. Melchor. Éste lo lee en voz alta). «Paciente que se presenta en este puesto de Salud con dolor de cabeza, tos, fiebre y vómitos de dos días de evolución.

      Tratamiento. Análisis: gota gruesa y heces. Aspirina 500mg c/12h. primperán jarabe 2 cucharadas c/6h.» ¿Pero qué puñeta es esto? ¿Os burláis de mí?

      MELCHOR: ¿Quién es el tonto que manda eso?

      IRGUNDIO: El jefe tradicional de la zona B.

    13. Texte d’origine: guardias municipales te esperan delante con sus “efectos timbrados”, dispuestos a obligarte a pagar no se sabe qué tasas.
    14. Texte d’origine: Cada día hay que dar “algo” a los policías porque ellos dicen que no tengo todos los documentos en regla.
    15. Texte d’origine: Estas botas no son de militares, están de moda- alega el joven por su parte.

      Después de tantos dimes y diretes, los militares proceden: le descalzan y se van con las botas, andando como si estuvieran contentos de haber demostrado su valor a la vista de todo el mundo. El joven civil se queda deshonrado. No puede hacer nada para recuperar sus botas. Tiene miedo porque esos militares llevan armas

    16. Texte d’origine: Los porteros del estadio, cines y video-clubs ya no les dificultan la entrada, conocen buenamente a Adjá-Adjá y Compañero y para evitar problemas con ellos ya saben que, si bien hay pegada a la pared una nota que reza que los niños y los militares sólo pagan 250 francos cefas, estos dos policías están excluidos
    17. Texte d’origine: […] este mercado que manifestantes estudiantes asaltaron o quisieron asaltar después de que los picara no se sabe qué mosca, un día memorable, según se cuenta. En consecuencia, los poderes públicos procedían al restablecimiento del orden arrestando a los que creían ser manifestantes “sin autorización”, y a otras tantas personas que eran consecuentes o víctimas inocentes. Se iba deteniendo de casa en casa. Pillaban a muchos durmiendo, solitos o en pareas mixtas, por hambre o por fatiga; a otros se les sorprendía en la mesa. Bastaba que alguien dijera “sí, este también” para que ciertos guardias le hicieran montar en un coche de matrícula FAS, a bofetadas y a puntapiés, y lo llevaran con horrísonas sirenas hasta un lugar donde vapuleaban a todos los que detenían, les enchironaban y les indultaban más tarde.
    18. Texte d’origine: […] Macías Nguema era la Ley y la Autoridad; todo lo que decía constituía el derecho y tenía que cumplirse, sea cual fuere la persona que llevase las instrucciones; no se respetaba ninguna propiedad individual, nadie tenía derecho a nada salvo lo adquirido por la vía de la ilegalidad o de la violencia…
    19. Texte d’origine: Estos niños, enfermizos, prefieren la noche al día, porque de día están despiertos y sufren hambre, mientras que de noche no lo pasan tan mal en el mundo de los sueños.
    20. Texte d’origine: ha dejado ya esto que sufrimos aquí.
    21. Texte d’origine: Este dinero me parece muy raro-reputa Claudio-, ya veo qué muchos no lo quieren. No es como el de mis tiempos, porque con una sola peseta uno compraba algo, pero ahora…ahora ni siquiera veinte francos juntos te compran un pitillo.
    22. Texte d’origine: En el país sólo existe una universidad a distancia-UNED- y esta no gusta a Chico Nkúa porque carece de varias facultades, o bien por otros motivos que no saben Adjá-Adjá y Compañero.
    23. La première université (Université nationale de Guinée Équatoriale à Malabo) a créé en 1995 et mise en fonction en 1996. Cf : https://www.auf.org/les_membres/nos-membres/universite-nationale-de-guinee-equatoriale/, consulté le 28/05/2019.
    24. Texte d’origine: Adjá-Adjá y Compañero se dirigen hacia el estadio La paz, que estará en estos momentos, con muchísimo barro y también lleno de charcos puesto que ha llovido anoche.
    25. Texte d’origine: Sufro mucho para llevar este cacharro de camión-son declaraciones de uno de ellos-; las carreteras están muy malas y doy superesfuerzos para evitar accidente
    26. Texte d’origine: -Hasta cuándo dejaremos de molestar a la gente, señores- preguntaba abierta y enfadosamente un hombre, posiblemente jefe, a ciertos guardias, y aquellos no respondieron nada expresamente, pero parecía que todos ellos respondían unánimemente en sus interiores: “hasta cuando nos lo orden.
    27. Texte d’origine: Un poder otorgado por el pueblo; pues en su pueblo no hay jefe. Y, ¿sabes lo que ocurre en los países en que el fin supremo es el Presidente? Los dirigentes se hacen dictadores, pero el pueblo no se da cuenta de hasta cuando muy tarde, cuando ya no pueden salir de las garras del jefe y sus esbirros. Y este país no está muy lejos de esta situación.
    28. Texte d’origine: Pocos después se corta la luz, de repente, como de costumbre. Es un corte general. Ahora todo el mundo está en la oscuridad. ¿Qué se va a hacer?

      Los que tienen, encienden ya sus lámparas, bujías, antorchas: y los que no disponen de nada de esto, como Claudio y familia, va a seguir asumiendo las tinieblas, si no vuelve la iluminación, hasta mañana.