LE NATIONALISME ANDALOU : DE LA DIFFICILE PÉNÉTRATION SOCIALE A L’APPUI SOCIAL GÉNÉRALISÉ (1868-1976)
Mexcin EBANE
Enseignant-Chercheur
École Normale Supérieure de Libreville
Résumé
Le mouvement identitaire andalou émergea entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle suite à la démission de l’État-nation espagnol en Andalousie. Ce nationalisme critiqua le système de la Restauration tout en militant pour l’émancipation du prolétariat. Mais, pour des raisons endogènes et exogènes, ce ne fut qu’après le franquisme que l’andalousisme parvint à fédérer les andalous autour du Partido Socialista de Andalucía afin de dynamiser le développement de l’Andalou. Cette étude a eu pour objectif de montrer le parcours atypique de ce nationalisme dans une Espagne en plein processus de construction nationale et identitaire. Á travers une approche socio-historique, elle a mis en évidence en premier lieu, la difficile pénétration sociale de cette idéologie durant la première moitié du XXe siècle avant de voir son appui social se généraliser durant la Transition Démocratique en Espagne.
Mots clés: andalousisme, nationalisme, Blas Infante, bourgeoisie, prolétariat, Andalousie.
Andalusian nationalism: from difficult social penetration to widespread social support (1868-1976)
Abstract
Andalusism emerged between the end of the 19th and the begunning of the 20th century following the resignation of the Spanish nation-state in Andalusia. This natioalisme criticized the Restoration system while campaigning for the emancipation of the proletariat. But, for endogenous and exogenous reasons, it wa only after Franco that he managed to federate the andalusians around the Partido Socialista de Andalucía to boost the development of Andalusia. This study aims to show the atypical path of this nationalism in a Spain in the process of national and identity construction. Through a socio-historical approach, it will highlight on the one hand the difficult social penetration of this ideology during the first half of the 20th century before seeing its generalized social support during the Democratic Transition in Spain.
Keywords : andalusisme, nationalism, Blas Infante, bourgeoisie, proletariat, Andalusia.
El nacionalismo andaluz: de la difícil penetración social al apoyo social generalizado (1868-1976)
Resumen
EL movimiento identitario andaluz aparece entre el final del siglo XIX y el principio del siglo XX por la dimisión del Estado nación español en Andalucía. Este nacionalismo criticó el sistema de la Restauración a la vez que militó por la emancipación del proletariado. Sin embargo, por razones tanto andógenas como exógenas, no fue sino después del franquismo que el andalucismo llegó a federar a los andaluces alrededor del Partido Socialista de Andalucía para dinamizar el desarrollo de su región. Este estudio tuvo como objetivo evidenciar la evolución singular de este nacionalismo en una España en pleno proceso de construcción nacional e identitaria. A través de un enfoque sociohistórico, puso primero en tela de juicio la difícil penetración social de esta ideología durante la primera mitad del siglo XX antes de gozar de un apoyo social generalizado durante la Transición Democrática en España.
Palabras clave: andalucismo, nacionalismo, Blas Infante, burguesía, proletariado, Andalucía.
Introduction
Durant la deuxième partie du XIXe siècle, le système politique de la Restauration[1], avec ses contradictions socioéconomiques et politiques, engendra en la population espagnole la répulsion de l’État centraliste et des partis politiques. Cette fracture sociale s’accentua davantage avec la crise de 1898 qui, à son tour, fragilisa fortement le projet de construction de l’identité nationale espagnole. Avec le repli identitaire occasionné, certaines régions reconsidérèrent aussi bien leur conception de la nation, que celle de l’État espagnol à proprement parlé. Dès lors, les nationalismes de la Catalogne et du Pays basque qui jouissaient déjà d’un enracinement social certain et d’une organisation politico-administrative qui étaient propres à chacun d’entre-eux s’étendirent et se consolidèrent dans leurs régions respectives.
Á ces deux mouvements à fortes caractéristiques identitaires, s’ajouta un autre qui, à sa création, fit face à une difficile pénétration sociale qui le fragilisa jusqu’à la Transition démocratique : l’andalousisme. Impulsé par une minorité d’intellectuels en marge du système de la Restauration, ce nationalisme dont B. Infante fut le porte-étendard revisita l’Histoire, la culture et l’identité du peuple andalou. Cela, dans le but de se convertir en un instrument d’acquisition de l’autonomie politique considérée comme clé du développement de l’Andalousie. Soulignons que cette région enregistrait, depuis la deuxième partie du XIXe siècle, une radicalisation des revendications et de multiples protestations politiques et sociales dues à sa situation d’extrême pauvreté. Mais alors, quels furent les facteurs qui conduisirent à l’émergence de l’andalousisme ? Comment expliquer la difficile pénétration sociale de ce mouvement identitaire considéré pourtant par ses promoteurs comme un instrument de développement socioéconomique de l’Andalousie ? Et, comment justifier le soutien social dont il bénéficia durant la Transition Démocratique ?
La démission de l’État durant la construction de l’État-nation espagnol occasionna l’émergence de plusieurs mouvements de revendication identitaire parmi lesquels l’andalousisme. Pour des raisons qui lui furent aussi bien endogènes qu’exogènes, ce nationalisme fit d’abord face à une répulsion de la part de sa population avant de jouir de son appui massif durant la gestation de l’État des autonomies.
Mener à bien cette analyse nécessitera une approche socio-historique. Selon R. Payre et G. Pollet (2019), celle-ci repose sur une définition des sciences sociales où histoire et sociologie sont « épistémologiquement indiscernables ». Elle contribue à avoir une nouvelle approche de l’étatisation. En effet, dans le cas précis de l’Espagne au cours de la période 1868-1975, cette approche permettra d’étudier, d’une part, les causes de la dichotomie de l’État, représenté par ses institutions ainsi que ses programmes de construction nationale, et une immense majorité de la population andalouse. D’autre part, elle permettra également de relever les conséquences sociopolitiques qui en découlent. Cela va donc nous conduire à analyser en premier lieu la politique de construction de l’État-nation de l’Espagne durant la Restauration afin de ressortir les causes de l’émergence de l’andalousisme. Ensuite, nous nous appesantirons sur la difficile socialisation de ce nationalisme au début du XXe siècle. Enfin, nous mettrons en évidence l’appui social généralisé dont l’andalousisme bénéficia au moment de la gestation de l’État des Autonomies en Espagne.
1. La construction de l’État-nation espagnol: entre centralisation du pouvoir et démission de l’État en Andalousie
La construction de l’État-nation espagnol dont les idées révolutionnaires avaient été inspirées de la Révolution Française de 1789 s’articulait autour d’un État centralisé. En effet, durant l’Espagne libérale, les gouvernants estimèrent que la centralisation du pouvoir conduisait nécessairement au monolithisme de l’État. En effet, ils la définirent ainsi qu’il suit:
La centralisation administrative est «la concentration au sein du pouvoir exécutif de toutes les forces nécessaires pour diriger les intérêts communs de façon uniforme». […] «La centralisation est l’unité dans la nation et dans le pouvoir, ou l’unité dans le territoire, dans la législation et dans le gouvernement». (R. Polo Martín, 2013, p. 623)[2].
Mais la viabilité d’un État et l’ordre qui y règne reposent-ils essentiellement sur son caractère monolithique ou plutôt sur la capacité réelle de son gouvernement à réunir, à administrer, à protéger, et à distribuer de façon équitable les avantages et les charges liées à la meilleure qualité de vie à l’ensemble des régions ? Le point de vue défendu par les libéraux répondait plutôt à la volonté centralisatrice du pouvoir qui conduisait explicitement à la soumission et à la dépendance des régions au gouvernement central. Dans le cas de l’Andalousie, loin d’avoir une vocation socioéconomique qui viserait à résoudre la question agraire qui engendrait des conflits singuliers entre latifundistes et prolétaires et favoriser ainsi le plein épanouissement de l’ensemble de la population, cette conception de l’État visait plutôt à consolider le pouvoir d’une oligarchie formée par un secteur social conservateur.
En effet, sous l’optimisme qui accompagnait le triomphe du libéralisme ; libéraux et conservateurs, durant la Restauration, estimaient que la liberté individuelle stimulerait de façon générale chaque citoyen à améliorer au maximum ses conditions de vie. Á leur avis, sur le plan socioéconomique, la liberté d’entreprendre, le libre-échange et le libre choix de travail entraîneraient non seulement un accroissement de la richesse sociale, mais aussi une distribution plus rationnelle des ressources de sorte qu’à long terme, l’intérêt individuel finît par primer sur l’intérêt général. Enfermés dans cette conception de l’organisation de la société, les gouvernants espagnols, durant la Restauration, pensaient qu’il était logique que la misère accablât une partie de la population et que les déséquilibres socioéconomiques occasionnés par l’économie moderne étaient négligeables à côté de la forte croissance que ce système allait engendrer.
En s’abstenant de règlementer le système productif, le gouvernement central s’abstint par la même occasion d’établir les principes d’égalité et de justice dans ce qui devait régir le nouvel ordre organisationnel de la société espagnole. L’État-nation en gestation entraina de facto la concentration de la richesse entre les mains de la grande bourgeoisie et la polarisation progressive des couches sociales. De plus, il renforça la subordination du prolétariat à la domination non seulement de la nouvelle élite politique se trouvant à Madrid, mais aussi à la bourgeoisie agraire qui voyait son pouvoir se consolider et peser de plus en plus sur la vie politique, sociale, et économique au fur et à mesure que l’État-nation en construction adoptait des réformes. Quant au prolétariat, J. Sánchez Jimenez (1990, p. 75-77) souligne qu’il constituait « une main-d’œuvre d’autant plus marginale qu’elle était analphabète et peu ductile à n’importe quelle activité professionnelle non spécialisée »[3]. Il vivait toujours sous la menace de la misère, n’avait que peu de contact avec les classes nanties, et manifestait une indifférence totale à la politique.
Face à cette crise socioéconomique qui polarisait la société andalouse durant le processus de construction de l’État-nation, il résultait d’ores et déjà difficile, sinon impossible, au système politique de la Restauration d’amener l’ensemble de la population andalouse à s’impliquer et à se sentir concernée par les objectifs que voulait atteindre cet État en gestation. Car, pour qu’il y arrivât, B. de Riquer y Permanyer (1999, p. 25) relève qu’il fallait qu’il se produisît un double phénomène :
– Un processus d’érosion, de fragmentation et de discrédit, avec la destruction totale ou partielle, ou la transformation radicale de l’ancien monde communautaire, des allégeances aux anciennes identités traditionnelles, leurs cultures et leurs valeurs, tout ceci lié au monde sociopolitique qui tend à disparaître.
– L’intégration dans une entité nouvelle et supérieure, l’adhésion à une nouvelle identité qui semble offrir des avantages suffisamment appréciables au point d’abandonner une bonne partie de leurs anciennes allégeances, de leurs valeurs, de leurs habitudes, y compris leur langue et leur culture[4].
Au regard de la fracture sociale et des tensions qui polarisaient la société andalouse, ce double phénomène dans lequel s’inscrit l’abandon des anciennes allégeances au profit des avantages que devait offrir l’État-nation en gestation était loin de s’y réaliser. Ce qui non seulement fragilisait dès le départ la construction de l’État-nation, mais également rendait déficient le processus de nationalisation des andalous. Car, au lieu de créer progressivement des conditions matérielles à même de transformer les différentes relations politiques, économiques, sociales et culturelles qui, au bout du compte, détérioreraient l’ancienne allégeance identitaire des andalous et les conduiraient à accepter la nouvelle identité nationale en construction, le pouvoir central les considérait plutôt comme une simple population dont il avait besoin pour consolider le pouvoir de la bourgeoisie agraire et enrichir davantage cette dernière.
Effectivement, le pouvoir central ne considérait pas le prolétariat comme partie intégrante du nouvel État. Car, la diffusion et l’assimilation des valeurs culturelles en construction ne lui étaient pas accessibles dans la mesure où il n’avait pas accès à l’instruction. Celle dernière était confiée à l’Église, un autre pouvoir qui soutenait également la bourgeoisie et dont la pénétration et la force sociales avaient atteint des profondeurs inimaginables suite à la diffusion de son idéologie. Ainsi, outre sa mission prédicatrice, l’Église avait une hégémonie sur l’éducation depuis le bas âge à travers ses sermons. Par tradition et pour ses propres intérêts, elle avait toujours défendu l’ordre établi qui dans sa conception, avait une origine divine. Pendant des siècles, elle avait été l’organe légitimateur du pouvoir et s’occupait de l’éducation (C. Ruiz Rodrigo, I. Palacio Lis, 1983).
Depuis le début du XIXe siècle, les pouvoirs publics ne pouvant assumer la charge de l’éducation et la socialisation de la population, celles-ci, en Andalousie, étaient entièrement à la charge de l’Église. Elle prétendait inculquer un esprit d’acceptation de charité aux démunis et aux oubliés de la société qu’elle estimait dignes d’être aidés selon l’idéal chrétien. Cependant, son enseignement ou son instruction, dont le coût était élevé, se limitait à la grande et à la petite bourgeoisie. Car, les journaliers, démunis, ne pouvant supporter la charge financière que requérait la formation de leurs enfants, partaient plutôt avec eux dans les champs pour qu’ils y apprissent les travaux manuels y relatifs.
La coopération était forte entre l’Église et la bourgeoisie agraire. Cette dernière était l’expression de ce qui était au XIXe siècle, le pouvoir et la pratique politique de l’Espagne de la Restauration. Et, l’Andalousie étant une région composée essentiellement d’agriculteurs, la bourgeoisie agraire et le clergé y détenaient d’immenses extensions de terres cultivées par les prolétaires. En d’autres termes, la bourgeoisie, minoritaire, avait donc accès à la culture et participait à la vie politique du pays. Les journaliers et aux paysans, quant à eux, vivaient toujours sous la menace de la misère. Avec leur faible taux d’alphabétisation, ils n’avaient que peu de contact avec les classes nanties. Eu égard à leur marginalisation, ils manifestaient une indifférence totale à la politique et au nouvel État en construction.
Dans cette situation de crise sociale et identitaire, il ne faisait l’ombre d’aucun doute que le culte du centralisme, partagé par les libéraux et les conservateurs de la Restauration, ne laissait aucune place à une politique rénovatrice capable de construire un État unitaire qui mît un terme au caciquisme et améliorât les conditions de vie du prolétariat. Face à la fracture sociale occasionnée, émergèrent des mouvements de revendication en Andalousie. Ceux-ci, beaucoup plus spontanés qu’organisés au début, avaient tout simplement pour but de dénoncer et de protester contre le traitement indigne auquel la bourgeoisie soumettait le prolétariat. Dans l’optique de sortir l’Andalousie de cette situation chaotique et de la mettre sur la voie du développement, apparut par la suite l’andalousisme, mouvement de revendication identitaire dont B. Infante était le porte-étendard.
2. Émergence et développement de l’andalousisme
Durant le XIXe siècle, la confrontation qui existait entre le pouvoir central et la périphérie pendant le processus de construction de l’État-nation et les soulèvements sociaux des couches défavorisées couvaient en attendant l’événement qui allait mettre le feu aux poudres. Cet événement fut le désastre de 1898[5], fait qui montra de façon indubitable l’incapacité de l’État-nation espagnol à protéger ses intérêts et à moderniser le pays aussi bien sur le plan politique qu’économique. Cette situation de crise profonde fit apparaître le régénérationnisme[6] et décupla les revendications des nationalismes catalan et basque. De ces derniers s’inspirèrent les idéologues de l’andalousisme qui surgirent de la petite bourgeoisie.
Cette revendication d’une identité andalouse distincte de celle de l’Espagne avait principalement pour objectif d’éveiller la singularité culturelle andalouse endormie, d’apporter des changements socioéconomiques – à travers l’acquisition d’une autonomie politique – qui pussent améliorer les conditions de vie de l’Andalou et redonner à l’Andalousie sa prospérité du temps où elle était une pièce maîtresse dans l’organisation de l’empire colonial. Dans une perspective historique, deux périodes bien distinctes caractérisèrent ce mouvement identitaire. En premier lieu, l’andalousisme historique qui alla de 1915 à 1936. En second lieu, le nouvel andalousisme qui émergea durant les années d’agonie du régime franquiste et se développa plus tard grâce à l’institutionnalisation de l’Espagne des autonomies.
2.1. L’andalousisme historique et sa difficile pénétration dans les classes populaires
Dans la récupération, la diffusion, et la consolidation de l’identité andalouse, les folkloristes[7] jouèrent un rôle fondamental. Ils élaborèrent une série de travaux dans lesquels ils définirent le folklore de l’Andalousie, ses aspects anthropologiques et ses modes de vie. De ces derniers, se démarqua J. Guichot, auteur de la première Historia de Andalucía publiée en 1870. Dans cet ouvrage, il accorda une primordiale importance à l’époque musulmane. Pour sa part, A. Machado y Alvarez créa en 1871 la Sociedad Antropológica Sevillana. Á celle-ci s’ajoutèrent entre autres El Folklore Andaluz en 1881, El Folklore Bético-Extremeño en 1883 et la création de la Biblioteca de las Tradiciones Populares en 1884.
Ainsi, en se fondant sur la littérature et les productions populaires, sur un passé remontant à l’époque musulmane, les intellectuels andalous voulurent récupérer des éléments fondamentalement andalous qui différencieraient l’identité de leur région de celle du reste de l’Espagne et soutiendraient la construction de leur imaginaire collectif. Conformément à l’importance que requéraient ces premiers pas d’éveil de la conscience andalouse, I. Moreno Navarro (1985, p. 19) déclara que :
Durant ces années, il s’est produit ce que nous pourrions appeler la première découverte consciente de l’identité culturelle andalouse, réalisée par les premiers anthropologues et folkloristes andalous. En comparaison avec le sentiment particulariste d’appartenance à une communauté ou à une région bien déterminée, jusqu’à cette période, l’auto-conscience de l’existence de l’Andalousie comme peuple avait été faible[8].
Avec le caractère libéral de la culture dont la société espagnole fut imprégnée durant le dernier quart du XIXe siècle, les Ateneos qui furent créés dans un premier temps à Séville[9], jouèrent un rôle prépondérant dans la découverte et l’émergence de l’identité andalouse. Mais le mouvement restait élitiste. Car, dans sa passion historiographique, ce n’était que des intellectuels, groupe minoritaire qui, jusque là, étaient concrètement intéressés par la promotion de cette conscience différenciée andalouse. Alors, si dans l’Espagne de la fin XIXe et début XXe siècle, comme nous le savons déjà, seule la bourgeoisie avait accès à l’éducation, comment les paysans et journaliers, trop occupés à travailler dans les champs, et analphabètes dans l’ensemble, pouvaient-ils lire et s’imprégner des différents manifestes publiés par les Ateneos Andaluces ? Et quand allaient-ils trouver le temps d’aller assister à leurs assemblées s’ils étaient payés à la journée par les riches propriétaires terriens et pouvaient être remplacés à tout moment en cas d’absence ? Même s’ils étaient au courant de la tenue des différentes assemblées et qu’ils pouvaient risquer de sacrifier une journée de salaire pour s’imprégner de l’idéologie andalousiste, les prolétaires, désabusés par le système politique de la Restauration, allaient avoir du mal à adhérer à une idéologie issue de la petite bourgeoisie.
L’opposition à ce système politique constituait un point sur lequel s’accordaient l’andalousisme et les classes populaires. En effet, souvenons-nous que vers la fin du XIXe et début XXe siècle, la petite bourgeoisie espagnole s’opposa au système et à la pratique politique de la Restauration. Car, ceux-ci renforcèrent les pratiques clientélistes et la fraude électorale afin de conserver les privilèges des libéraux et des conservateurs au détriment de la satisfaction des réels besoins de l’État-nation en construction.
Face à cette attitude antipatriotique, B. Infante (1916, p. 28) eut plus que jamais une vision négative du rôle du parti politique dans l’épanouissement de la nation :
Les fonctions de veiller sur la Patrie étaient considérées aussi bien par les gouvernants que par les gouvernés (ces derniers pervertis et dégénérés par la malhonnêteté et par l’exemple des dirigeants) comme des fonctions d’une rapacité naturelle dans lesquelles tournaient les partis politiques de la Restauration et leurs misérables collaborateurs, instruments d’un mécanisme fatal, qui avaient pour ordre de faire couler le sang de la nation[10].
Ainsi, tout comme le prolétariat, B. Infante également manifestait une hostilité à l’égard du système politique de la Restauration. Mais ce point commun ne le rapprocha pourtant pas des classes populaires. Au contraire, il constitua un obstacle majeur au développement et à la consolidation politique du mouvement andalousiste dont il était promoteur. En effet, quoiqu’ambitieux, l’existence d’un mouvement embryonnaire et peu révolutionnaire qui refusait d’être libéral ou conservateur, ou encore de construire une troisième voix, et qui utilisait l’étendard du nationalisme comme moyen de rassemblement ne pouvait en aucun cas bénéficier d’un soutien social et électoral considérable lui permettant de résoudre les problèmes qui secouaient l’Andalousie. N’étant ni républicain, ni libéral, ni socialiste, ni communiste et encore moins anarchiste, l’andalousisme s’éloignait des partis conventionnels qui le voyaient comme un mouvement qui prétendait les surpasser en intégrité et par des stratégies et des orientations non partisanes. Il s’éloignait également des classes populaires majoritairement anarchistes car désabusées par le pouvoir central dont la grande bourgeoisie était l’expression vivante. En somme, les initiatives andalousistes ne trouvèrent un écho favorable ni auprès des partis politiques, ni auprès de l’immense majorité des Andalous.
Á ce manque de conjonction entre l’andalousisme, le prolétariat, et les partis politiques, s’ajouta l’hostilité que manifestait la grande bourgeoisie à l’égard du mouvement. En effet, il est indispensable de rappeler avant tout qu’en Espagne, aussi bien en Catalogne qu’au Pays basque, la dynamique revendicative des identités périphériques fut impulsée par la grande bourgeoisie en réponse aux conséquences désastreuses de la politique centraliste de l’État. Ces conséquences empêchèrent la pénétration de l’État et favorisèrent la consolidation des identités alternatives proposées par la grande bourgeoisie de ces deux régions ; cela, au détriment de la consolidation de la conscience nationale espagnole en gestation.
Contrairement à ces régions, en Andalousie, la grande bourgeoisie préféra former un bloc politique monolithique avec le pouvoir central. Elle trouvait en lui la garantie de la position hégémonique de la bourgeoisie agraire andalouse sur toute l’étendue du territoire espagnol. Ce qui, d’une part, excluait par conséquent toutes revendications face à d’éventuelles dérives politiques du système de la Restauration. D’autre part, fit émerger en cette classe dominante une hostilité claire vis-à-vis de l’andalousisme. Ne bénéficiant ainsi d’aucun appui des classes dominantes, ce nationalisme, contrairement à ceux de la Catalogne et du Pays basque, ne pouvait désormais s’appuyer que sur les forces moins influentes du secteur progressiste de la petite bourgeoisie.
Se trouvant ainsi isolé dans une société caractérisée par des affrontements permanents entre la grande bourgeoisie et le prolétariat[11], l’andalousisme devait choisir et s’allier à l’un des camps. Mais le prolétariat, classe pour laquelle il avait décidé de militer, resta apolitique et analphabète dans son ensemble. Il ne pouvait donc pas adhérer à ce mouvement élitiste. Face à cette situation délicate, l’andalousisme ne pouvait compter que sur une position politique claire pour espérer pénétrer les couches sociales et s’y enraciner. Cependant, l’ambigüité politique de B. Infante, en s’ajoutant aux autres obstacles, empêchèrent cette socialisation du mouvement jusqu’à la Seconde République ; régime qui pourtant donna la possibilité aux nationalismes périphériques espagnols d’acquérir l’autonomie politique de leurs régions. Mais, avec l’insurrection militaire de F. Franco du 18 juillet 1936 et l’exécution de B. Infante le 10 août de la même année, l’andalousisme fut condamné au silence jusqu’aux années d’agonie du régime franquiste.
2.3. Nouvel andalousisme : noyau fédérateur pour le développement de l’Andalousie
Durant la période d’effondrement du franquisme, en Andalousie, dès le début des années soixante-dix, les anciens andalousistes, de jeunes intellectuels et des universitaires réorientèrent le contenu idéologique de leur mouvement afin de le dynamiser, le préparer à la fin du franquisme, et le mettre en adéquation avec le climat politique de l’ouverture démocratique. Cela, dans l’objectif de moderniser l’Andalousie et de rééquilibrer le développement interrégional en Espagne. Car, la politique des pôles de développement entreprise par le régime franquiste avait rendu l’Andalousie dépendante sur le plan économique et culturel. Si bien qu’à la fin de la dictature, les indicateurs du sous-développement dans cette région étaient de plus en plus alarmants comme l’affirme J. M. de los Santos (1990, p. 29):
La situation endémique de colonialisme interne et externe que subit l’Andalousie durant le dernier siècle s’aggrava au début -durant le franquisme- de l’étape décisive de l’industrialisation et du développement. Ce fut durant cette période, malgré les énormes ressources techniques, que les indicateurs de notre sous développement étaient devenus alarmants : taux élevé de l’immigration, perte de l’emploi, distribution inadéquate de la population active, faible diversification des exportations, faible investissement dans la région, distribution déséquilibrée de la rente, timide et anarchique industrialisation, faible niveau d’instruction, carence d’une authentique politique agraire[12].
La polarisation opérée par le régime franquiste condamna l’Andalousie au sous-développement tout en dynamisant l’industrialisation de la Catalogne, du Pays basque et de Madrid, d’où la fuite de la main d’œuvre active vers le Nord. Cette caractéristique de la stratégie économique franquiste qui estimait que certaines régions étaient appelées à se développer au détriment des autres est corroborée par le Professeur d’Economie et nationaliste catalan R. Trías Fargas (1974, p. 86-87). En effet, il souligne que :
En Espagne, le phénomène de la polarisation régionale du développement est un fait. Cela met en évidence le problème des pôles naturels de développement et celui des pôles de gestion. Comment exploiter au mieux les ressources, en les investissant dans des zones où il y a des avantages naturels ou les économies externes peuvent permettre de les exploiter avec beaucoup d’efficacité, ou dans des zones déprimées où on agit par des critères beaucoup plus sociaux et politiques que par des arguments d’efficacité économique ? En principe, […] la Catalogne est partisane de la première solution. En revanche, elle est disposée à absorber et à donner du travail aux excédents de population des autres régions[13].
Il ne fait pas l’ombre d’un doute que le processus d’industrialisation des régions du nord allait occasionner une croissance économique, une forte demande de service et le développement de leur agriculture. Cela allait par conséquent nécessiter l’immigration de la main d’œuvre des régions sous développées, diminuer de facto leur taux de chômage et augmenter ainsi aussi bien les revenus des immigrants que ceux de la population de leurs régions d’origine. Cependant, au regard de la densité de la population de l’Andalousie et vis-à-vis des besoins de développement qu’exprimaient les réalités sociales de cette région, la Catalogne et le Pays basque ne pouvaient en aucun cas absorber toute la main d’œuvre valide et active de l’Andalousie et résoudre ainsi définitivement le problème du chômage qui y était endémique. Et, même si cela avait été possible, l’Andalousie aurait été davantage dépendante et n’aurait jamais connu une modernisation lui permettant de converger vers l’Espagne industrialisée. Cela revient à dire que d’une manière ou d’une autre, l’inexistence d’une force politique régionale à même de peser sur l’orientation de la politique de développement du pays et de favoriser le réajustement socioéconomique entre l’Andalousie et les autres régions allait incontestablement constituer un frein pour son développement.
Dans l’optique de remédier à ce manquement, durant cette période d’agonie du régime franquiste marquée par la réapparition des organisations politiques et syndicales aux tendances plurielles, la reformulation idéologique de l’andalousisme se fit plus que jamais sentir. L’entente, la cohésion et la primauté de l’intérêt général de l’Andalousie sur les intérêts particuliers étaient vitales au cours de cette historique période que traversait alors l’Espagne. Les anciens andalousistes historiques qui avaient survécu à la dictature, des universitaires et des intellectuels d’horizons divers créèrent clandestinement la Comercial Promotora. Ce fut une société anonyme qui, en réalité était un ensemble de groupes de compromis politiques. M. Ruiz Romero (2000, p. 26) affirme que l’un de ses objectifs était « la création des groupes commerciaux, ainsi que l’acquisition de toutes sortes d’actions, des participations et des cotisations sociales, la réalisation des activités journalistiques tous azimuts avec des sociétés et des entreprises de toutes sortes »[14].
Cette société qui, en apparence, se consacrait à la promotion et au contrôle des organes de presse et des entreprises commerciales voulait en réalité avoir le contrôle de l’Andalousie et peser sur l’orientation de toute politique affectant directement les activités aussi bien économiques que politiques de cette région. Se basant ainsi sur la récupération de la mémoire historique de l’Andalousie associée au constat sur l’état de pauvreté de cette région, ces nouveaux andalousistes avaient un double objectif. D’une part, revaloriser la singularité identitaire de l’Andalousie et faire d’elle un instrument politique pouvant influer sur les décisions politiques de l’État et les orienter vers la modernisation de cette région. D’autre part, chercher à avoir une légitimité auprès de la population à même de faciliter la consolidation sociale de l’andalousisme.
Toutefois, il convient de signaler que même si le régime montrait des signes d’essoufflement vers le début des années soixante-dix, la répression qu’il exerçait sur l’opposition était toujours forte. Ainsi, de peur d’être assimilé à une antenne politique proéminente de l’opposition et de s’attirer les foudres destructrices du régime, les adhérents de cette société anonyme jugèrent utile de ne pas baptiser politiquement cette nouvelle entité appelée clandestinement Alianza Socialista de Andalucía (ASA). Mais malgré sa clandestinité, sa création n’avait autre signification que le rattachement d’un nouveau groupe d’hommes et de femmes andalous aux stratégies et aux activités de l’opposition directe au régime. Un collectif qui, malgré le fait d’émerger de la bourgeoisie réformatrice, développait un apport politique -conceptuel, stratégique et idéologique- au sein des forces traditionnelles de l’opposition.
L’ASA réunissait ainsi des andalous d’origines sociales diverses qui militaient pour la démocratie et l’obtention d’une autonomie politique. L’une de ses premières actions, selon le Manifiesto Fundacional de Alianza Socialista de Andalucía, était la dénonciation de la conversion de l’Andalousie en sala de fiesta et la revendication d’un pouvoir régional à travers:
Un statut spécial qui, en reconnaissant la personnalité politique de l’Andalousie, officialise son niveau d’autonomie par rapport au reste des peuples de l’Espagne. […] L’existence au niveau régionale d’une assemblée représentative de ses ressortissants et un exécutif qui gère ses intérêts. (Alianza Socialista de Andalucía, 1973)[15].
La création de l’ASA signifiait alors la mise sur pied d’une nouvelle organisation dont les activités et les stratégies allaient directement faire pression au régime en place. Avec sa conception politique, une idéologie et une stratégie reformées, ce nouveau groupe -dont les principaux fondateurs étaient issus de la bourgeoisie- avait redynamisé les forces traditionnelles de l’opposition. Dès lors, l’ASA occupait du terrain et, au fur et à mesure qu’il s’élargissait, non seulement il sortait de la clandestinité et affirmait progressivement son identité régionale à travers de multiples dénonciations et propositions politiques, mais il consolidait aussi son idéologie façonnée sur l’image de l’Andalousie.
Loin des comportements de la bourgeoisie durant le développement de l’andalousisme historique et fuyant le manque de confluence entre cette classe, les formations politiques et les mouvements ouvriers, le nouvel andalousisme bénéficiait de l’appui de toutes les classes de la société. En effet, dans l’objectif de mieux lutter pour l’intérêt général de l’Andalousie, toutes les classes et tous secteurs confondus, y compris ceux qui se distinguaient autrefois par leur caractère apolitique et anarchiste, prirent conscience de la nécessité de s’unir autour d’un seul noyau et d’établir des communications entre eux afin de sortir de la solitude dans laquelle chacun se réfugiait et pensait se protéger des autres. L’intérêt supérieur de l’Andalousie arracha la bourgeoisie de l’isolement dans lequel elle préférait s’allier au pouvoir afin de sauvegarder ses intérêts particuliers. Ce même intérêt supérieur de l’Andalousie se transforma en principe cardinal qui sortit les ouvriers, les journaliers, le prolétariat en général de l’isolement dans lequel il préférait survivre et affronter le régime dans le but d’améliorer ses conditions de vie. Cette nouvelle conception de la personnalité andalouse et de l’idéologie de l’andalousisme constitua la base sur laquelle l’Alianza Socialista de Andalucía organisa son premier congrès le 25 juillet 1976. Durant ce dernier, elle se décida d’assumer sa nature politique en se convertissant en Partido Socialista de Andalucía (PSA). Selon M. Jerez Mir (1985), la proposition de cette transformation présentée par la Commission Permanente de l’ASA s’articula autour de trois axes : la transformation de l’ASA en parti politique d’envergure régional baptisé PSA qui militerait pour la souveraineté de l’Andalousie ; le devoir de promouvoir la singularité du peuple andalou ; et l’ouverture à toutes les formations politiques et syndicales à caractère socialiste de l’Andalousie. J. M. de los Santos Lopez (2002, p. 208-209), quant à lui, atteste que 92% des représentants des partis politiques et des centrales syndicales présents à ce Congrès étaient favorables à la conversion de l’ASA en parti politique.
Ainsi, ce fut sous cette dynamique fédératrice que les forces vives de l’Andalousie se constituèrent en bloc monolithique pourvu d’un organe politique afin de mieux lutter pour leurs intérêts politiques, socioéconomiques et culturels.
Conclusion
Après analyse du processus évolutif de l’andalousisme historique, trois remarques conclusives peuvent être énoncées. En premier lieu, il convient de mettre un accent sur l’échec partiel de l’État libéral dans le processus de construction de l’État-nation espagnol et sa démission dans la résolution de la question sociale en Andalousie. Durant cette période de l’Histoire de l’Espagne, le refus manifeste de cet État de satisfaire les besoins primaires de la population, et d’instaurer une démocratie effective engendra un questionnement radical sur l’efficacité et la raison d’être de la puissance publique. L’absence d’un discours nationaliste véritablement intégrateur produit par la classe politique dominante au niveau central laissa alors le champ libre à la petite bourgeoisie de l’Andalousie, la possibilité de construire une identité régionale alternative à celle de l’État, d’où la naissance du mouvement de revendication identitaire de l’Andalousie encore appelé andalousisme. Avec B. Infante comme leader et limité principalement à la petite bourgeoisie libérale, ce nationalisme fut orienté à la fois vers une critique acerbe du système de la Restauration tout en essayant d’assumer un discours d’émancipation du prolétariat. Malheureusement, pour des raisons aussi bien endogènes qu’exogènes, jusqu’à la Seconde République, ce nationalisme éprouva d’énormes difficultés à pénétrer les couches sociales pour lesquelles il luttait. Ce ne fut qu’au soir du régime franquiste, face à l’état d’agonie socioéconomique et politique de l’Andalousie, que l’ensemble des couches sociales prit conscience de l’impact de l’œuvre de B. Infante et se détermina à se réunir autour du Partido Socialista de Andalucía, noyau fédérateur dont le but, dès 1976, était de mieux dynamiser le processus de modernisation de leur région.
Références bibliographiques
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– La integración en una unidad nueva y superior; la adhesión a una identidad nueva que parece ofrecer ventajas lo suficientemente apreciables como para abandonar buena parte de esas viejas lealtades, valores, costumbres e incluso la lengua y cultura propias. ↑