Infundibulum Scientific

SUIVI DIACHRONIQUE DES UNITÉS PAYSAGÈRES DE LA COMMUNE DE NDIÉBÈNE-GANDIOL DANS LA PARTIE SENEGALAISE DE LA RBTDS

Arona SOW
Enseignant-vacataire
Université Gaston Berger, Sénégal

Adama Cheikh DIOUF
Enseignant-vacataire
Université Gaston Berger, Sénégal

Saliou Mbacké FAYE
Doctorant vacataire
Université Gaston Berger, Sénégal

Résumé

Partie intégrante de la Réserve de Biosphère Transfrontalière du Delta du fleuve Sénégal (RBTDS), la commune de Ndiébène-Gandiol se caractérise par une diversité d’écosystèmes. Ces derniers constituent les bases d’existence des sociétés. Les résultats de la cartographie diachronique de 1979 à 2017 révèlent une diminution des surfaces couvertes par les terres de cultures, la végétation aquatique et les sols nus de 1979 à 1989 avant de connaître une hausse peu significative de 1989 à 2017. La première tendance régressive s’explique par la variation négative des paramètres du climat (sécheresse 1968-1970) et les activités anthropiques. De 1989 à 2017, les écosystèmes ont observé une petite hausse du fait de l’effet du retour pluviométrique noté vers la fin de la décennie 1990 et au début des années 2000, la hausse des totaux pluviométriques a engendré le phénomène des inondations à Saint-Louis provoquant l’ouverture du canal de délestage (brèche) en 2003.

Mots clés : Dynamiques, Changement climatique, Ecosystèmes, Terres de cultures et Sols nus

Diachronic monitoring of the landscape units of the municipality of Ndiénène-Gandiol in the senegalese part of the RBTDS

Abstract

An integral part of the Senegal River Delta Cross-Border Biosphere Reserve (RBTDS), the municipality of Ndiébène-Gandiol is characterized by a diversity of ecosystems. These constitute the basis of the existence of societies. The results of the diachronic mapping from 1979 to 2017 reveal a decrease in the areas covered by cropland, aquatic vegetation and bare soil from 1979 to 1989 before experiencing a slight increase from 1989 to 2017. The first regressive trend is explained by the negative variation of climate parameters (drought 1968-1970) and human activities. From 1989 to 2017, the ecosystems observed a small increase due to the effect of the rainfall return noted towards the end of the 1990s and the beginning of the 2000s, the increase in rainfall totals caused the flooding phenomenon in Saint- Louis causing the opening of the relief channel (breach) in 2003.

Keywords: Dynamics, Climate Change, Ecosystems, Croplands and Bare Soils

Seguimiento diacrónico de las unidades de paisaje del municipio de Ndiébène-Gandiol en la parte senegalesa de la RBTDS

Resumen

Parte integrante de la Reserva de la Biosfera Transfronteriza del Delta del Río Senegal (RBTDS), el municipio de Ndiébène-Gandiol se caracteriza por una diversidad de ecosistemas. Estos constituyen la base de la existencia de las sociedades. Los resultados del mapeo diacrónico de 1979 a 2017 revelan una disminución en las áreas cubiertas por cultivos, vegetación acuática y suelo desnudo de 1979 a 1989 antes de experimentar un ligero aumento de 1989 a 2017. La primera tendencia regresiva se explica por la variación negativa de parámetros climáticos (sequía 1968-1970) y actividades humanas. De 1989 a 2017 los ecosistemas observaron un pequeño incremento por efecto del retorno de las lluvias observado a finales de la década de 1990 y principios de la de 2000, el aumento en los totales de lluvia provocó el fenómeno de inundaciones en Saint-Louis provocando la apertura de el canal de alivio (brecha) en 2003.

Palabras clave: Dinámica, Cambio Climático, Ecosistemas, Tierras de Cultivo y Suelos Desnudos

Introduction

Le suivi des changements tient une place de plus en plus importante dans l’analyse de la dynamique du système terrestre. Dans le contexte du dérèglement climatique perceptible actuellement, il représente un enjeu important pour les années à venir dans le cadre des aménagements à élaborer (R. Lecerf, 2008, p. 37). C’est un outil de gestion et de suivi important pour les décideurs publics dans le cadre des collectivités territoriales. Par ailleurs, le suivi des écosystèmes dans les zones arides et semi-arides est devenu une priorité pour les pouvoirs publics dans la gestion des ressources naturelles. Cette thématique est devenue incontournable dans la plupart des inventaires cartographiques et le suivi des phénomènes environnementaux (A. C. Diouf, 2019, p. 157). A l’instar de tout milieu biophysique, la Réserve de Biosphère Transfrontalière du Delta du fleuve Sénégal (RBTDS) enregistre des dynamiques spatio-temporelles des paysages qui la composent. Ces changements affectent les écosystèmes de même que les services écosystémiques et par ricochet les populations vivant à l’intérieur ou à proximité de l’aire protégée. Le but de cet article est de mesurer de manière quantitative ces dynamiques et d’analyser les facteurs qui les engendrent. Pour ce faire, des observations sur le terrain, des enquêtes ménagères et des traitements d’images Landsat couvrant la zone du côté du Sénégal ont été faits. Pour l’étude diachronique du milieu, la commune de Ndiébène-Gandiol dans la partie sénégalaise de la RBTDS a servi de cadre d’étude. Les années 1979, 1989 et 2017 ont été choisies afin de mieux quantifier les changements en cours. Les résultats obtenus sont détaillés dans la partie suivante.

Carte n°1 : Localisation de la zone d’étude

  1. Méthodologie

Le choix des différentes dates permet de suivre la dynamique des paysages, services écosystémiques, l’impact des artefacts et du changement climatique. Le choix des dates répond à un certain nombre de critères ; les dates correspondent à des phases sèches et humides dans le delta du fleuve Sénégal. Il y a aussi l’avènement des grands aménagements (barrage de Diama) qui constituent un tournant décisif dans les changements subis par les écosystèmes. L’étude diachronique de cette commune montre les dynamiques d’occupation du sol des unités paysagères selon un certain nombre de classes choisies en fonction de leur pertinence. En plus de ce travail de cartographie, une étude des paramètres climatiques de la commune, des enquêtes et des observations de terrain ont été effectuées.

Carte n°2 : Villages enquêtés dans la commune de Ndiébéne-Gandiol

Ces villages se caractérisent par une diversité linguistique et culturelle : wolofs, peuls, maures. Ces ethnies ont chacune une relation particulière avec les écosystèmes.

L’objectif principal des missions était de collecter des informations brutes par le biais d’observations de terrain. Les problématiques abordées sont :

– la dynamique des paysages, services écosystémiques ;

– l’impact des artefacts (barrages de Diama, Manantali, brèche…) et du changement climatique ;

– les stratégies de résilience des sociétés ;

Le travail méthodologique était aussi axé sur des visites de sites (villages, barrage de Diama…) et des institutions telles que : la SAED, SOGED, ADC, OMVS, OLAC, AMP… Les résultats sont présentés dans les lignes suivantes.

  1. Résultats
    1. Dynamiques des paysages dans la commune de Ndiébéne –Gandiol

De par sa position géographique, la commune de Ndiébéne-Gandiol se situe au niveau de l’estuaire du delta du fleuve Sénégal. Située dans la Région de Saint-Louis et le département éponyme, la commune de Ndiébène-Gandiol s’étend sur 20 900 ha dans l’arrondissement de Rao entre 15° 52′ 52″ nord, 16° 30′ 00″ ouest.

  • Occupation du sol de la commune de Ndiébéne-Gandiol en 1979

Carte n°3 : Unités paysagères de la commune de Ndiébéne-Gandiol en 1979

Tableau n°1 : Unités paysagères de Ndiébéne-Gandiol en 1979

Unités paysagèresSurface en hectares (ha)%
Hydrographie275217.8
Parcelles agricoles12798.3
Sols nus10 09365.5
Végétation aquatique12788.3
Total15 403100

Les données issues de cette carte de Ndiébéne-Gandiol se présentent comme suit :

  • parcelles agricoles avec une superficie de 1279 ha, soit 8.3 % ;
  • hydrographie 2752 ha, soit 17.8% de la superficie totale ;
  • végétation aquatique avec une aire de 1278 ha soit 8.3% ;
  • sols nus avec une superficie de 10 094 ha, soit 65.5 %.

Les résultats de la quantification des unités paysagères de la commune de Ndiébéne-Gandiol de 1979 montrent une prédominance des sols nus à 65.5%. Cela est lié à un non artificialisation de la zone avec une absence d’artefacts pendant cette période. Les actions anthropiques (déboisement, surpâturage…) n’étaient pas très développées à cause du faible rythme démographique. Ce dernier augmente les besoins croissants sur les services écosystémiques. L’hydrographie représente un taux de 17.8% de la superficie totale de la commune de Ndiébéne-Gandiol. Le régime hydrologique du fleuve Sénégal n’était pas encore modifié. Cette période correspond à la ante-construction du barrage de Diama où les crues du fleuve remontaient jusqu’à Bakel (300 km). Les parcelles agricoles constituent 8.3 % de l’aire totale de l’occupation du sol de la commune en 1979. De ce fait, l’intrusion saline était moindre dans la zone. La végétation aquatique était peu importante avec 8.3% due à la pluviométrie.

  • Occupation du sol de la commune de Ndiébéne-Gandiol en 1989

Les résultats de la quantification des unités paysagères de la commune de Ndiébéne-Gandiol en 1989 montrent une prédominance des sols nus (60.4 %). Mais nous notons une nette progression des parcelles agricoles (9.3 %) soit 1 % par rapport à 1979. Cela résulte de la mise en eau du barrage de Diama (1986) entrainant un accroissement des terres cultivables mais également la croissance démographique. L’hydrographie connaît également une certaine baisse (9.2 %) par rapport à l’année 1979. En effet, la végétation aquatique a connu une forte régression de 17.8 % en 1979 à 9.2 % en 1989 liée notamment aux actions naturelles et anthropiques.

Carte n°4 : Unités paysagères de la commune de Ndiébéne-Gandiol en 1989

Tableau n°2 : Unités paysagères de Ndiébéne-Gandiol en 1989

Unités paysagèresSurface en hectare%
Hydrographie337622.1
Parcelles agricoles14209.3
Sols nus920460.4
Végétation aquatique14109.2
Total15230100
  • Occupation du sol de la commune de Ndiébéne-Gandiol en 2017

Les résultats de la quantification des unités paysagères de la commune de Ndiébéne-Gandiol en 2017 indiquent une baisse de la végétation aquatique de 9.2 % en 1987 à 7.9 % en 2017 soit une diminution de 1.3% en 30 ans résultant des activités naturelles et anthropiques. L’hydrographie a subi également une régression passant de 22.1% en 1989 à 17.6 % en 2017 soit une baisse de 4.5 % liée notamment au déficit pluviométrique observé dans cette zone durant cette période. Nous notons une baisse des parcelles agricoles de 9.3% en 1987 à 8.9% en 2017 résultant de la brèche[1], avec une forte intrusion marine au niveau du fleuve Sénégal. Dans les villages de Keur Barka, Ndiébéne-Gandiol, les populations ont abandonné leurs terres à cause de la salinisation au profit d’autres activités économiques.

Carte n°5 : Unités paysagères de la commune de Ndiébéne-Gandiol en 2017

Tableau n°3 : Unités paysagères de Ndiébéne-Gandiol en 2017

Unités paysagèresSurfaces en hectares (ha)%
Hydrographie270817.6
Parcelles agricoles13788.9
Sol nu951161.7
Végétation aquatique12197.9
Bâti5913.8
Total15408100

Tableau n°4 : Récapitulatifs des variations spatiotemporelles des unités paysagères en ha de la commune de Ndiébéne-Gandiol en 1979, 1989 et 2017

Années

Unités paysagères

197919892017
Hydrographie127933762709
Terres de cultures127814201219
Végétation aquatique10 09492049511
Sols nus275214101219

Le tableau ci-dessus met en relief la répartition spatio-temporelle des unités paysagères de la commune de Ndiébéne-Gandiol. Ces écosystèmes ont subi des dynamiques positives et aussi bien négatives au cours des dernières décennies (1979, 1989 et 2017).

Pour la surface du réseau hydrographique (eau), elle connaît une tendance progressive de 1279 ha en 1979 à 3376 ha en 1987 et de 2709 ha en 2017. Cela est lié au régime hydrologique du fleuve Sénégal causé par un apport d’eau grâce au retour pluviométrique dans la zone.

Les sols nus subissent une tendance régressive de 10 094 ha en 1979 à 9204 ha en 1987 causée par la sécheresse et celle évolutive de 9511 ha en 2017. Cette dernière phase positive est due au retour pluviométrique représentant une anomalie détectée dans la séquence sèche dans la variabilité climatique qui est de rigueur dans le Sahel (C. Kane, 2010, p. 78).

La végétation aquatique connaît également une baisse significative de 2752 ha en 1979 à 1219 ha en 2017 correspondant à un déficit pluviométrique et une sensible hausse en 2017 avec 1263 ha lié notamment au développement de la mangrove dans la zone et de la pluviométrie.

Les parcelles agricoles subissent une phase progressive de 1278 ha en 1979 à 1420 ha en 1989 et celle régressive de 1378 ha en 2017. Cela est causé par l’abandon des parcelles de cultures par les maraichers du fait de la salinisation des terres. Selon ces derniers, depuis l’ouverture de la brèche en 2003, le phénomène s’est accentué entrainant la reconversion des maraichers à d’autres activités génératrices de revenus (commerce, artisanat, transport…). D’une manière générale, la baisse des parcelles agricoles entraine une baisse des rendements agricoles.

D’après nos enquêtes avant l’ouverture de la brèche, le rendement à l’hectare était de 25 tonnes mais aujourd’hui il n’est que de 20 tonnes à l’hectare pour certaines cultures (oignons, choux, carottes).

Les terres conquises par le sel sont progressivement abandonnées par les paysans. Au cours de nos enquêtes de terrain, nous avons dénombré :

  • 154 champs à Doun Baba Dièye ;
  • 95 champs à Keur Barka ;
  • 86 à Ricotte.

En somme, l’étude de l’état d’occupation du sol des unités paysagères dans la commune de Ndiébéne-Gandiol montre des dynamiques positives de la végétation aquatique et une baisse de l’hydrographie, des sols nus et des parcelles de culture.

    1. Les facteurs naturels et anthropiques des services écosystémiques
      1. Analyse de la variabilité climatique
  • L’Indice d’Aridité de Martonne

L’étude de la dynamique des paysages, services écosystémiques se base sur un certain nombre de facteurs climatiques (pluie, température…). L’examen de ces variables climatiques permet d’utiliser divers indices de sécheresse. Ces derniers se fondent sur la pluviométrie et la température. L’un des indices utilisés pour les régions intertropicales est celui de De Martonne (B. A. Sy, 2008, p 108) Cet indicateur permet de déceler la répartition des zones selon leur degré d’aridité : zone hyper-aride, zone aride et semi-aride selon une formule mathématique. L’indice d’aridité De Martonne s’exprime comme suit :

IDM= P/T+10

P= précipitations totales annuelles (mm)

T= températures totales annuelles (°C)

C’est un indice qui permet de mesurer facilement et avec précision l’aridité du climat. Il met en exergue des données susceptibles d’application à des interrogations de géographie physique et économique. Cette fonction utilise deux variables climatiques : l’influence de la température prévale dans les hautes latitudes et la pluviométrie vers l’Équateur. De Martonne a proposé en 1923, une classification des régions climatiques. Pour calculer l’Indice d’aridité De Martonne, nous avons utilisé les données pluviométriques et de températures de la station de Saint-Louis de 1968 à 2017. Nous avons travaillé sur cinq décennies de données (1968-2017) pour apprécier l’Indice d’aridité De Martonne. Pour la phase préliminaire, la moyenne de la pluviométrie est de 300 mm et la température est de 26.5°C.

IDM= 300/ (26.5+10)

IDM = 8.21

En somme, la RBTDS a un climat aride et désertique ; le tableau ci-dessous met en exergue les moyennes décennales de la station de Saint-Louis de 1968 à 2017.

Tableau n°5 : Résultats de l’IDM station de Saint-Louis 1968-2017

DécenniesMoyenne P (mm)Moyenne T °CI DM [P mm / (T °C+ 10)]Résultats
2008-201730026,58,21Régions arides et désertiques
1998-200728626,67,81Régions arides et désertiques
1988-199721126,25,82Régions arides et désertiques
1978-1987223,626,26,17Régions arides et désertiques
1968-1977235,825,76,60Régions arides et désertiques

L’analyse du tableau des résultats de l’Indice d’aridité De Martonne montre que durant les cinq décennies la station de Saint-Louis a bénéficié d’un climat aride et désertique. Dans le tableau, l’IDM de la décennie 1968-1977 est supérieur à celui de la décennie 1978-1987. Cette baisse de l’IMD s’est poursuivie aussi dans la décennie de 1988-1997. Par contre, l’IDM des décennies 1998-2007 et 2008-2017 a connu une hausse par rapport à l’IDM de la décennie de départ. Cette hausse de l’IDM résulte d’une amélioration des totaux pluviométriques enregistrés dans la zone lors des deux dernières décennies de l’étude. Au-delà de l’IDM, d’autres indices tel que l’Indice Standardisé des Précipitations (ISP) est aussi utilisé pour mesurer l’état du climat dans une zone et dans une période bien précise.

  • Résultats de l’Indice Standardisé des Précipitations

L’indice standardisé des précipitations, ou en anglais Standardized Precipitation Index (SPI) qui s’écrit selon la formule suivante : I = Xi – Xm/Si[2], a été utilisé pour cette étude. C’est un indice simple et souple à calculer. Selon (OMM, 2012), pour les données de la pluviométrie, il est le seul paramètre requis pour analyser les phases humides et sèches. Cet indice permet de déterminer le déficit pluviométrique selon différentes classes qui fixent des critères d’évaluation. Ces critères permettent de considérer une certaine hiérarchisation qui va de l’humidité extrême à la sécheresse extrême en passant par l’humidité forte, l’humidité modérée, la sécheresse modérée et la sécheresse forte. Par convention, la norme climatologique repose sur trois décennies d’observation du phénomène climatique (pluviométrie). L’étude porte sur des données pluviométriques annuelles de la station de Saint-Louis recueillies au niveau de l’ANACIM couvrant la période 1960-2017 sur plus de quatre décennies. Elle permet de déterminer la constance de la sécheresse dans la zone.

Figure n°1 : ISP de la station de la commune de Saint-Louis de 1960 à 2017

Source : A. Sow, 2020

L’analyse de l’histogramme de l’ISP de la station de Saint-Louis de 1960-2017 montre une irrégularité dans la répartition des précipitations au cours de cette période. L’étude de l’histogramme souligne une nette domination des années de sécheresse modérée et forte avec un fort taux de 69.25% tandis que les années humides occupent (31.75%) du graphique. Ces variations pluviométriques influent fondamentalement sur la dynamique des paysages, services écosystémiques de la RBTDS. Les valeurs moyennes de l’ISP sont positives sur les années 1960-1969 avec 0,49, alors qu’elles sont négatives sur tous les quinquennats suivants : ­0,46 en moyenne, avec des valeurs extrêmes de -0,09 en 2000-2004 et -1,05 en 1985-1989. Du reste, la moyenne des données annuelles de la pluviométrie tombe à 1102 mm sur la période 1960-1969 à 889 mm pour la période 1970-2017. Notons en outre que, la valeur est de 1052 mm sur la période 1923-1949.

      1. Les causes anthropiques dans la dynamique des services écosystémiques

Les interventions anthropiques sur les écosystèmes sont multiples et diverses au cours des dernières générations. Face à la diversité des richesses que lui offre le milieu, l’homme a souvent tendance à les galvauder par une forte pression démographique, les feux de brousse, une surexploitation des services écosystémiques mais aussi les grands aménagements (barrages, brèche…). Autant de facteurs qui se combinent pour imprimer leurs contraintes au milieu.

  • Les feux de brousse

Les feux de brousse sont moins fréquents dans la RBTDS avec une hausse dans le département de Podor. Les communes de Diama et de Ndiébéne Gandiol enregistrent une proportion faible de feux de brousse. « On estime entre 4,5 et 14% la proportion de volume de bois détruit lors du passage d’un feu de brousse entre janvier et mai dans une région de savane sahélienne » selon (Y. Decleire, 1999, p. 4). Toutefois, les pratiques agropastorales sont fondées sur les feux de brousse saisonniers. Dans la commune de Diama, par rapport à l’agriculture, la riziculture itinérante taxe le défrichage de vastes superficies de terres boisées. Les cultivateurs utilisent le feu pour l’enherbement des parcelles après la jachère et les débris provenant du brulis favorisent des engrais chimiques aux sols. En outre, les éleveurs utilisent le feu durant la période (novembre à mars) pour amener la repousse de graminées nutritives très appâtées par le bétail. Les chasseurs font recours aux feux de brousse pour faire la battue surtout dans la commune de Diama. Par conséquent, des permis de chasse sont délivrés par l’Inspection Régionale des Eaux et Forêts (IREF) de Saint-Louis pour mieux gérer cette activité touristique. Ainsi, les feux de brousse sont dans certains cas utilisés à des fins préventives : la mise à feu contrôlée permet de réduire la biomasse très inflammable afin d’atténuer les feux destructeurs (A. Sow, 2020, p. 106). En effet, le déclenchement d’un feu de brousse peut causer des dommages inattendus (superficies détruites) aux agriculteurs, éleveurs, chasseurs. Les feux de brousse représentent un facteur de dégradation des ressources fourragères et des terres dans les deux communes. Les feux de brousse constituent l’un des principaux facteurs de dégradation des sols et des écosystèmes de la savane en Afrique de l’Ouest, du bassin du fleuve Sénégal en particulier. Ils perturbent le cycle naturel de mortalité et de régénération des plantes, provoquent ou accélèrent l’érosion hydrique (ruissellement) et éolienne (effets du vent) et la perte à long terme de l’érosion des sols (A. Sow, 2020, p 218).

Tableau n°6 : Superficies ravagées en ha de 2017 à 2019 dans la région de Saint-Louis

AnnéesFeux de brousse (nombre de cas)Superficies brulées (en hectares)
201705785.1
2018121334.8
20196850.5

Source: CSE, 2019

Le tableau montre le nombre de feux de brousse enregistré et les surfaces dévastées en ha de 2017 à 2019 dans la région de Saint-Louis. Durant une période de trois années ; on note la déclaration de 23 feux de brousse qui ont ravagé 2970.4 ha de terres.

  • Le déboisement : une menace pour les écosystèmes

La baisse du couvert ligneux est une réalité dans les communes de Diama et de Ndiébéne Gandiol. La coupe du bois est une activité génératrice de revenus pour les sociétés humaines. Les actions anthropiques comme l’élagage et l’émondage chez les éleveurs et les défrichements des terres pour les pratiques culturales participent à la dégradation des espèces ligneuses. Le bois est utilisé pour la cuisson, bois de chauffe, charbon de bois, construction des habitats…

La collecte du bois reste une activité traditionnelle qui se fait à pied ou en pirogue pour le bois de la mangrove. Le bois de mangrove est reconnu pour sa haute valeur calorifique. Il s’agit d’un type de végétation aquatique nécessitant en permanence de l’eau. Durant la sécheresse, le stress hydrique l’a gravement affecté par l’asséchement de nombreux pieds de palétuviers. Ainsi, les espèces les plus vulnérables commençaient à disparaîre : « Sabakhent », « Ngédj » et « Mangui ». Celles qui ont pu résister sont l’espèce « Sanar », « Avicennia africana » et « Khekh », « Rhizophora racemosa ». Les bois morts de ces palétuviers étaient essentiellement utilisés par les femmes de ménage pour la combustion. Dans les années 1970, la construction en dur n’était pas aussi développée dans les campagnes sahéliennes comme c’est le cas aujourd’hui ; l’habitat était en cases. De toute la formation végétale de l’estuaire, la mangrove était la plus développée et la plus solide. Selon le vieux DIAKHATE, chef du comité villageois de Keur Barka dans les années 1970 : « Les palétuviers ont une très longue durée de vie. Il existe des pieds aussi vieux que lui, ce qui explique leur ténacité et le développement de leur tronc et des branches ». Ainsi, ces derniers ont été les plus sollicités dans l’édification des cases et autres constructions. Il affirme toujours que : « C’est maintenant que le bâtiment s’est généralisé mais on ne connaissait que les cases bien construites avec des troncs de palétuviers ».

    1. Discussion

L’objectif de ce travail est l’étude diachronique de la dynamique des paysages et des facteurs de mutations des écosystèmes dans la commune de Ndiébéne-Gandiol dans la partie sénégalaise de la RBTDS. Dans leur étude, A. C. Diouf A.C., A.I.S. BA et D. Cissokho (2019, p.106) attestent que dans les communes de Djilor et de Diossong dans le département de Foundiougne, les dynamiques d’occupation du sol sont favorables à l’extension des terres nues au détriment des formations végétales. Dans la même perspective, Solly B., Dieye E. B., et O. SY (2018, p.169), trouvent que les facteurs anthropiques (la coupe du bois à des fins énergétiques, émondage pour bétail etc.) et les déficits pluviométriques cycliques sont les causes des mutations des écosystèmes dans les terroirs de Médina Yoro Foula. Quant à D. Cissokho, O. Sy et L.G. Ndiaye (2019, p.8), ils imputent l’évolution des paysages du pays soninké du Sénégal et ses environs à l’exploitation du bois pour la satisfaction des besoins énergétiques de cuisson sans cesse croissant. La présente recherche, montre clairement que la salinisation et les feux de brousse font partie, dans une certaine mesure, des moteurs de changement des écosystèmes naturels dans la commune de Ndiébène-Gandiol. En outre, les résultats révèlent que la dynamique de la superficie du réseau hydrographie a connu une hausse de 2097 ha entre 1979 et 1989 avant d’enregistrer une baisse de 667 ha entre 1989 et 2017. Au même moment, la végétation aquatique et les sols nus sont dans une dynamique régressive. Ces résultats corroborent ceux de A. Sow (2020, p. 203) qui soulignaient que les populations de la RBDTS connaissent bien des difficultés en raison de l’épuisement de certaines ressources naturelles.

Conclusion

L’étude diachronique des unités écosystémiques de la commune de Ndiébène-Gandiol de 1969 à 2017 révèlent des mutations diverses. En outre, cette analyse spatio-temporelle à l’échelle communale a permis de mieux cerner la dynamique des écosystèmes. L’utilisation des données de télédétection a permis de cartographier et de quantifier l’ampleur des dynamiques paysagères dans la commune de Ndiébène-Gandiol entre 1979, 1989 et 2017.

L’étude à partir d’images spatiales montre une baisse des eaux, sols nus et une hausse de la végétation aquatique. Cette situation de régression des superficies couvertes par les écosystèmes naturels de la commune est due aux variations de la pluviométrie dans la zone et aux pressions anthropiques liées aux mauvaises pratiques d’exploitation des ressources naturelles.

Néanmoins, la dynamique des paysages, services écosystémiques dans cette commune est liée d’une part aux actions naturelles (péjoration climatique) et d’autre part à celles anthropiques (artéfacts).

Bibliographie

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DIOUF Adama Cheikh (2019). Dynamiques des paysages et adaptations des sociétés dans la Réserve de Biosphère du Delta du Saloum au Sénégal. Thèse de doctorat de Géographie, section de Géographie, UGB Saint-Louis, 266p.

DIOUF Adama Cheikh, Ba Aicha Idy Seydou Wally et Cissokho Dramane (2019). Dynamiques des paysages et facteurs de dégradation des écosystèmes dans les communes de Djilor et Diossong (Centre-Ouest du Sénégal), ANNALES DE LA FASHS, pp. 97-108

KANE Coura 2010. Vulnérabilité du système socio-environnemental en domaine sahélien : l’exemple de l’estuaire du fleuve Sénégal ; de la perception à la gestion des risques naturels. Université de Strasbourg, 318p.

LECERF Rémi (2008). Suivi des changements d’occupation et d’utilisation des sols d’origine anthropique et climatique à l’échelle régionale par télédétection moyenne résolution (Application à la Bretagne). Thèse de doctorat de Géographie, UNIVERSITE DE RENNES 2, 327p.

SOLLY Boubacar, Dieye El Hadj Balla et SY Oumar (2018). « Impacts de la déforestation sur les activités agro-pastorales dans le département de Médina yoro foula (Haute-Casamance, Sénégal) ». Eau, Environnement et Climat, pp.166 -172.

SOW Arona (2020). Milieux physiques et résiliences des sociétés dans la Réserve de Biosphère Transfrontalière du Delta du fleuve Sénégal (RBTDS) : les services écosystémiques à l’épreuve des dynamiques naturelles et des artéfacts, thèse de doctorat, Université Gaston BERGER de Saint-Louis, 270p.

    1. La brèche de Saint-Louis, jonction entre le fleuve et la mer, encore appelée « canal de délestage », est désormais balisée et sécurisée. Elle a été ouverte en 2003 sur quatre mètres, au nord de l’embouchure naturelle à Gandiole pour sauver la ville de Saint-Louis d’une éventuelle inondation. Les changements climatiques et la dynamique sédimentaire ont finalement porté l’élargissement de la brèche à plus 7 km causant d’énormes dégâts environnementaux.
    2. Xi est le cumul de la pluie pour une année i; Xm et Si, sont respectivement la moyenne et l’écart type des pluies annuelles observées pour une série donnée.