Infundibulum Scientific

D’ÉCLAIRS ET DE FOUDRES DE JEAN-MARIE ADIAFFI OU LA POÉTIQUE DE LA « REDIGNIFICATION » DE LA CULTURE NÉGRO-AFRICAINE

D’éclairs et de foudres de Jean-Marie Adiaffi o la poetica de la redignificación de la cultura negroafricana

D’éclairs et de foudres by Jean-Marie Adiaffi or the poetics of the redignification of black African culture

DIAMA K’Monti Jessé
Université Alassane Ouattara
Enseignant-Chercheur
jessediama@gmail.com

Résumé

Mots-clés, Keywords, Palabras clave

“bossonismo”, « redignification », « redignification », « reignificación », bossonism, bossonisme, écriture n’zassa, escritura n’zassa, n’zassa writing, negritud, négritude, negritude, poesía-kômian, poésie-kômian, poetry-kômian

TEXTE INTÉGRAL

Introduction

L’Afrique a toujours été une terre de poésie, manifeste sous son versant civilisationnel oral, depuis des ères ancestrales. Seulement, des contingences historiques ont fait croire que sa « civilisation de la parole » (G. Gusdorf, 1960, p. 12-13) est dépourvue de valeurs culturelle et scientifique. Aussi le continent noir a-t-il été contraint de se reconvertir aux canons, normes et mode de vie de la civilisation qui l’a annexé. L’histoire atteste que l’Occident est le bourreau présumé. On connaît son mode de communication qu’est l’écriture, canal de transmission de sa poésie organisée sous le ton de la versification dont le champ lexical est bien connu : rime, sonnet, alexandrin, etc. Et l’Afrique, soit par scolarité, soit par expression de talent littéraire ou de réalisation individuelle, a, sur un temps non négligeable, conçu et vécu la poésie comme sus-indiqué.

Néanmoins, les poètes négro-africains, certainement influencés par le mental de l’oralité, vont, tout en conservant le même véhicule linguistique, tenter d’émanciper le genre en le mettant au service du sort du continent, conformément à la psychologie négro-africaine de la parole. Cette démarche d’émancipation s’inscrit dans une logique de « redignification ».

À propos de cette notion, Marie Ines Harté indique qu’elle est un « néologisme venu de l’espagnol redignificacíon, et désigne le processus par lequel la victime d’un crime violent pourrait dépasser cette condition et ce statut pour tenter de reprendre le contrôle de sa propre histoire. » (M. I. Harté, 2014, en ligne). Elle explique que ce processus se déroule en plusieurs étapes : la première consiste en la narration des souvenirs qui conduit à une prise de conscience de la condition de victime, ainsi qu’à une connaissance de la chronologie et de la causalité des événements. Cette reconstruction de récits cohérents permettrait une réinterprétation des expériences passées grâce à l’attribution de significations nouvelles ; ce qui ferait naître, à un deuxième niveau, le sentiment positif d’indignation. Grâce à ce sentiment, les victimes sont censées se libérer de la honte et de la culpabilité dans lesquelles les actes et les discours des criminels politiques les ont enfermées. Elles reprendraient alors le contrôle de leur histoire, leur vie, et retrouveraient, dans la troisième phase du processus, une certaine estime de soi en s’affirmant comme individus pouvant revendiquer leurs droits à la réparation, et elles seraient capables de mieux décider de leur avenir. Il se dégage de la théorie de Harté que la « redignification » se structure en trois phases que sont : la narration des souvenirs douloureux, le sentiment positif d’indignation et le retour à l’estime de soi.

Souscrivant aux vertus de ce processus, Jean-Marie Adiaffi, figure importante des poètes oralistes négro-africains, affirme pour sa part : « Ce que j’apporte à ces femmes – les Comians – c’est la redignification qui leur permet de retrouver confiance en elles. On croit être guéri du colonialisme ou de l’esclavagisme, or on n’en guérit jamais. Le complexe d’infériorité du noir tient au fait qu’il a des doutes, des traumatismes propres à sa race. » (S. Grah, 2008, en ligne). De ce qui précède, l’on note que pour Adiaffi, la « redignification » participe du rétablissement psychologique du nègre complexé par plusieurs siècles de traumatismes, de sorte à favoriser à nouveau chez ce dernier, l’estime de soi, ainsi que l’a formalisé Marie Ines Harté.

À partir de la théorisation de cette dernière, posons que D’éclairs et de foudres (1980), en tant qu’écriture oraliste, est une poétique de la « redignification » de la culture négro-africaine. Cela dit, comment ce concept est-il à l’œuvre dans D’éclairs et de foudres au point d’inscrire ce texte poétique dans un projet de déconstruction idéologique ? Les trois étapes édictées par Harté apparaissent d’emblée chez Adiaffi comme le moteur structurel de ce projet. Dans le déroulé de l’analyse, il s’agira de montrer que chaque niveau du processus de « redignification » revêt un aspect spécifique dans D’éclairs et de foudres. Dès lors, dans une approche stylistique, cet article examinera tour à tour la « redignification » comme une idéologie, une esthétique et une pratique.



  1. La « redignification » : pour la défense de l’idéologie négritudienne

Depuis les études de Placide Frans Tempels (1948), Denise Paulme (1976), Samuel Eno Belinga (1978) et Jean Cauvin (1980), l’axiome occidental déniant la culture aux Africains par faute de l’écriture (litteratura = écriture) ne résiste pas à l’analyse. Ces Africains et africanistes ont su démontrer l’existence de la littérature orale du continent noir, et conséquemment, de sa culture, portée par la grande tradition orale africaine. Cette tradition est une donnée essentielle pour comprendre l’Afrique et son histoire. Elle a assuré la transmission de savoirs séculaires, de génération en génération.

Poursuivant la même œuvre de réhabilitation de la culture négro-africaine, Jean-Marie Adiaffi s’adosse à l’oralité africaine pour narrer les souvenirs douloureux du continent. Dans D’éclairs et de foudres, la narration des souvenirs tragiques sous-tend une idéologie de dénonciation de l’agressivité occidentale et de valorisation de la culture nègre, tout en s’inscrivant dans la continuité de la négritude1. Ce combat idéologique négritudien dans lequel s’engage Adiaffi s’observe dans le traitement de l’image au cœur du proverbe, entendu comme trésor de la parole traditionnelle africaine. Pour être plus précis, analysons l’extrait suivant :

La graine déchiquète bien le front de la Terre

pour poindre le jour nouveau au Ciel. (p. 14)

Cet énoncé semble évoquer le processus de croissance d’une plante au regard des lexies « graine » et « Terre », dans la mesure où il n’a apparemment pas de rapport avec la situation vécue du point de vue contextuel. Toutefois, rappelons que les liens de parenté entre le proverbe et la poésie s’établissent, entre autres, par le biais de l’image. Or, selon les résultats obtenus à l’issue de ses travaux portants sur L’image, la langue et la pensée, J. Cauvin (1980) fait le constat de l’approche différente que la tradition orale a de l’image par rapport à la littérature écrite. Dans la tradition orale, en effet, rien ne signale la distorsion induite par l’image, contrairement à la littérature écrite ou l’image est signalée dans une combinaison langagière. Pour remédier à ce problème que pose la parole africaine, Cauvin propose l’homothèse qu’il définit comme la figure qui « résulte de l’intentation. Homothèse, car dans cette figure sont posées comme « semblable » une situation vécue et une situation signifiée par un énoncé, alors que cet énoncé semble n’avoir rien en commun et au besoin à l’encontre de la situation vécue. » (J. Cauvin, 1980, p. 438). Recourir à l’homothèse pour signaler la distorsion revient donc à prendre en compte les circonstances externes au discours, notamment la réalité vécue et l’habitude de la pensée traditionnelle.

Sur cette base, l’énoncé proverbial qui intervient à un moment du récit poétique n’a apparemment pas de rapport avec la situation vécue. Le poète, en effet, s’adresse dans sa narration, au pouvoir néocolonial et dénonce implicitement sa posture de tyran. Il le met en garde contre cette attitude condamnable car elle nourrit la révolte qui finit, tôt ou tard, par éclater et même vaincre l’oppression.

Cette situation objective que décrit la narration poétique semble, de ce fait, s’opposer à l’énoncé proverbial, car il ne s’agit ni de graine, ni de plante, ni de ciel qui sont les images dominantes de cette relation contrastive. Néanmoins, en convoquant « l’intentation » que Jean Cauvin définit, par ailleurs, comme « l’acte par lequel on met en relation une situation vécue ou supposée telle avec un énoncé apparemment étranger à cette situation » (J. Cauvin, 1980, p. 438), il ressort que l’espérance de la liberté est représentée par « le jour nouveau ». Cela est montré par la structure : « La graine déchiquète bien le front de la terre. » L’adverbe de manière « bien », comme l’a relevé H. I. Taï (2008, p. 132), « agissant en méta-opérateur traduit le caractère impératif, inexorable de cette émergence de la liberté. »

Ainsi, le fonctionnement de l’image dans ce proverbe donne à Adiaffi, au cours de sa narration, de faire ressurgir dans la mémoire collective négro-africaine la tyrannie du pouvoir colonial et néocolonial. Tout en le faisant, il valorise le proverbe en tant que trait de l’identité culturelle africaine et le pose comme parole poétique anticolonialiste. Soulignons que les intérêts historiques entre l’Occident et l’Afrique ont connu des heurts dès le départ du fait de leurs différences civilisationnelles. Il y a donc lieu, au travers de la poésie négro-africaine, d’appréhender le combat idéologique au sens des courants de pensées, des pratiques et des aspirations contradictoires entre les deux espaces continentaux. Et la poésie ne peut rester en marge de ce combat idéologique, même revêtue de son manteau proverbial. À juste titre, Aimé Césaire dans son Discours sur le colonialisme (1955), à travers notamment les trois premières phrases de l’essai nommé, stigmatise les excès coupables de l’Occident :

Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes de fonctionnement est une civilisation moribonde. (A. Césaire, 1955, p. 44).

En réalité, ce propos coléreux de Césaire est un désaveu de l’Occident qui soumet l’Afrique à des tracasseries inacceptables et à des traitements des plus inhumains. C’est aussi le sens de la narration adiaffienne des souvenirs tragiques qui ne s’est pas seulement limité, sur le plan idéologique, à la dénonciation du néocolonialisme. Elle a aussi consisté en la valorisation de la culture nègre en exploitant la parole proverbiale africaine.

Cela dit, le questionnement de ces événements traumatiques amène à une réinterprétation des expériences mémorielles tout en leur attribuant des significations nouvelles, fécondatrices d’un sentiment positif d’indignation. Dans D’éclairs et de foudres, cette deuxième étape du processus menant à la « redignification » de la culture négro-africaine se matérialise par l’écriture n’zassa, cette esthétique du mélange des genres.

  1. La « redignification » par l’esthétique du mélange des genres : le cas de l’écriture n’zassa

Dans la langue maternelle d’Adiaffi2, le terme n’zassa appartient au vocabulaire de la couture. Il désigne « un pagne africain, une sorte de tapisserie qui rassemble, qui récupère des petits morceaux perdus chez les tailleurs pour en faire un pagne multi-pagne, un pagne caméléon qui a toutes les couleurs, qui a plusieurs motifs. » (J.-M. Adaffi, 2000, p. 5). Selon Roger Tro Dého :

Dans le contexte de la création littéraire, le n’zassa apparaît alors comme la métaphore indiquée pour se référer à un texte qui, à l’instar du conte oral africain, rassemble harmonieusement des genres littéraires aux formes poétiques et fonctions différentes. À l’image du tailleur qui compose son pagne n’zassa au hasard des morceaux de tissus récupérés, le créateur de l’œuvre littéraire n’zassa recourt, au gré de son inspiration et de ses intentions esthétique et idéologique, aux genres constitutifs de sa compétence artistique. Il aboutit, selon l’expression d’Adiaffi, à un « genre sans genres » qui s’affranchit audacieusement de la triade générique classique : roman, poésie, théâtre. (R. D. Tro, 2009, en ligne).

De ce point de vue, D’éclairs et de foudre, inscrit sous la bannière générique « poésie », se présente également sous la forme d’un poème-roman ou d’un poème-théâtre si bien que ce texte se situe au carrefour de ces genres interagissant dans une parfaite combinaison. L’idée d’interaction générique, de parfaite combinaison ou de rassemblement harmonieux des genres que colporte l’esthétique n’zassa, suggère l’ouverture et non l’enfermement. Au nom de cette ouverture, s’édifient d’autres sous-genres parmi lesquels figure le traité, comme l’indique Olivier Bedjo :

Le traité est un genre argumentatif à visée didactique. Il fait très souvent recours à une pensée de type axiomatique. Intégré dans un discours reconnu de prime abord comme poétique, ce genre déstabilise l’affectivité poétique en lui imposant un raisonnement qui se veut logique, rationnel et réaliste. (O. Bedjo, 2012, en ligne).

L’influence du traité, en tant que « genre argumentatif à visée didactique », sur l’écriture poétique adiaffienne est perceptible dans l’extrait suivant :

ETRANGER

On sait que ce mot n’est pas africain. Il y est

aussi impossible qu’impossible n’est pas français

puisque tu es chez toi chez moi

et moi chez moi chez toi

chacun est chez lui partout sur la TERRE africaine…

chacun est chez lui partout sous le CIEL africain

personne n’est nulle part tout le monde est partout (p.16)

Cet énoncé est un véritable traité sur l’hospitalité africaine et se développe jusqu’à la fin de la page 20. Cependant, la forme et le style du texte consacrent l’écriture poétique, reconnaissable à la disposition du texte en vers, aux répétitions, aux jeux de mots et aux assonances. Cette poéticité porte à son tour les marques d’un discours incisif, construit sur un raisonnement logique qu’induit la présence du connecteur logique de cause « puisque » (v3). À cela s’ajoute le ton impersonnel qui tente de marquer l’objectivité du discours : « on sait » (v1), « il y est » (v1), « chacun est » (v5, 6), « personne n’est » (v7), etc. Une telle organisation phrastique vise à présenter l’hospitalité africaine comme une réalité sociologique acceptée et pratiquée partout en Afrique. Contrairement à ce trait culturel authentiquement africain, l’Occident développe l’individualisme qui impose le rejet de l’autre. Ce que dénonce le poète dans la suite de sa structure argumentative en ironisant au sujet de ce comportement :

Aucune pancarte ne jette sur le voisin le soupçon de vol 

« Défense d’entrer chien méchant »

La formule poétique étant « Défense d’entrer Homme enragé »

Vaccinez-vous contre l’homme… (p. 16).

Donc, face à l’enfermement, au repli sur soi occidental, Adiaffi prône dans D’éclairs et de foudres l’hospitalité africaine en faisant cohabiter harmonieusement la poésie et le traité. Chez lui,

L’univers poétique et fictionnel est envahi par un discours de savoir et une relation critique s’établit avec l’évasion propre à la littérature. L’intégration dans l’écriture d’évasion des paramètres constitutifs de la pensée critique constitue, par leur fréquence, le mode intergénérique de transposition principale dans D’éclairs et de foudres. Cela apporte une vision multiforme et multicolore sur la quête de la liberté individuelle et/ou collective. (O. Bedjo, 2012, en ligne).

C’est pourquoi, l’on note que chez Adiaffi, les appartenances génériques logiques sont mises en échec. Lui-même disait à propos du choix stylistique de son écriture :

La tradition orale ignore absolument la notion de genre. Les contes sont accompagnés par la musique, celui qui récite le conte joue de la comédie. Il est fréquent d’arrêter le conte par des charades, par des proverbes, par tout un ensemble de jeux qui permettent au conteur de reprendre son souffle. Il n’y a donc pas de genre. L’épopée, le conte, la fable, la devinette […] tout est mélangé. (P. Fobah-Eblin, 2012, p. 53).

 

Sur ce modèle de la tradition orale, Adiaffi accomplit diverses performances d’écritures poétiques. L’intrusion du récit, du dialogue, du traité, de l’art dramatique et des genres de l’oralité dans son texte poétique le déstabilise profondément. L’esthétique orale qu’il convoque l’amène donc à défier les étiquettes génériques et à intégrer des éléments étrangers au texte poétique. Et l’on décèle dans ce brouillage structurel toute une stratégie de quête de la liberté, aussi bien dans le fond que dans la forme. À la vérité, cette volonté de subversion générique est à lire comme une remise en question d’un ordre établi qui se définit comme une mentalité, une idéologie. La quête de liberté manifeste dans le renversement des genres majeurs au profit de ceux dit mineurs, notamment le proverbe et, plus précisément, le traité, témoigne du déclin d’une pensée dominante pour faire place à de nouvelles pensées porteuses d’un nouvel ordre. Fondamentalement, on peut établir un rapprochement entre le projet poétique d’Adiaffi empreint de l’esthétique du mélange et son idéologie. Sur la question, Jean-Manuel Traimond pense que :

les genres dits mineurs le sont parce qu’à l’inverse des genres dits majeurs, plus complexes, moins directs, ils satisfont un besoin frustré en lui donnant une importance supérieure à celle qu’il possède dans le réel et en sacrifiant, à la satisfaction symbolique de ce besoin, les complexités et les compromis du réel. (J.-M. Traimond, 1998, en ligne).

 

Sur ces bases, quelle analyse peut-on faire de ce style particulier du n’zassa adiaffien ? Olivier Bedjo estime que « Le choix délibéré des genres mineurs pour investir les genres majeurs marque une frustration du poète, car le choix des pratiques artistiques individuelles, des goûts et des consommations individuels est en partie socialement déterminé. » (O. Bedjo, 2012, en ligne). Jean-Manuel Traimond, pour sa part, établit tout de suite le rapprochement avec la lutte des classes en ces termes : « La création, la pratique et le goût des genres dits mineurs sont une riposte des individus des classes dominées aux stratégies d’appropriation exclusive (c’est-à-dire à des fins d’exclusion) des genres dits majeurs par les classes dominantes. » (J.-M. Traimond, 1998, en ligne). Ainsi, il se dégage du goût pour les particularités, une volonté d’affirmation et une quête d’ascension sociale, ce qui dénote d’une contestation de l’ordre des choses pour s’imposer à son tour.

Au total, la deuxième étape du processus de « redignification », manifeste dans le sentiment positif d’indignation, est attestée par l’écriture n’zassa. En tant qu’esthétique du mélange des genres, elle permet de retrouver l’estime de soi et de s’affirmer comme individu culturellement accompli à même de construire son identité nègre. Dans tel état d’esprit, Jean-Marie Adiffi s’adonne à une pratique religieuse foncièrement africaine : le bossonisme.

  1. La redignification ou la pratique du bossonisme

Au sujet du bossonisme, Jean-Marie Adiaffi déclare :

Les missionnaires ont faussé l’image de l’animisme, c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons changé le concept d’animisme en bossonisme. En langage Fon, génie se dit vaudou et bosson en Agni. Nous ne voulons pas revenir à la religion ancestrale et nous y enfermer. C’est la raison pour laquelle nous préparons le premier congrès international du bossonisme… (S. Grah, 2008, en ligne).

À travers ce propos, l’on prend acte de la proclamation de la naissance du bossonisme dont « la théologie […] donne à voir le processus de construction d’une nouvelle identité religieuse africaine. » (V. Duchesne, 2000, en ligne). Mais qu’est-ce que le bossonisme ?

3.1 Approche définitionnelle de la notion de bossonisme

Kouassi Michel Yapi et Kouakou Pierre Tano (2019, p. 130), expliquent que « Le bossonisme est un néologisme créé par Jean-Marie Adiaffi quand il parlait des génies. En langue Agni, le génie est appelé Bosson. Donc le bossonisme est la science, selon Jean-Marie Adiaffi, qui se consacre à l’étude des génies. » Effectivement, Jean-Marie Adiaffi est l’inventeur3 du concept du bossonisme présenté comme « la religion des Africains ». (Cf. V. Duchesne, (2000) et R. T. Boa, 2003, p. 78). Pour lui, en effet, la colonisation a commencé par le spirituel (l’action des missionnaires), la libération doit donc se réaliser par le spirituel. Le bossonisme apparaît alors comme une théorie de la revalorisation ou de la « redignification » de la spiritualité africaine. Ce concept fonde pour Adiaffi une « théologie de libération africaine ». (Cf. Adiaffi, 1999, manuscrit). Ainsi donc, la dimension spirituelle du bossonisme tient à sa relation avec ces puissances du terroir (génies, esprits) auxquelles est rendu un culte.4

La dévotion du poète aux pratiques cultuelles profondément africaines trouve son point culminant dans sa rencontre avec la prêtresse traditionnelle Akoua Mandoza, sa mère spirituelle du village de Tanguélan, en 1976. (Cf. Adiaffi, 1999, manuscrit). Depuis lors, Adiaffi se présente comme un défenseur de la culture africaine dont la religion est à ses yeux un élément essentiel. Aussi le bossonisme sert-il de canal à sa poésie sacerdotale qui prend tout son sens dans la figure du kômian.

3.2 Jean-Marie Adiaffi : le poète-kômian

Pour Jean-Marie Adiaffi, « le Kômian est une notion akan désignant ce que l’on appelait dans l’Égypte ancienne les Oracles. Kômian est un lexème akan signifiant prêtre ou prêtresse de divination. » (M. Yapi et P. Tano, 2019, p. 132). Investi de cette fonction sacerdotale, le Kômian occupe une position de thérapeute et de guérisseur dans les sociétés Akan. (G. Ainyakou et N. Mandyan, 2015). C’est un voyant et un devin de la société villageoise. Il est également perçu comme l’incarnation d’une éthique de vie et le canal de la guérison. Il est, de ce fait, une manifestation du sacré à travers la personne humaine. (M. Koffi, 2012).

Initié5 à cette prêtrise traditionnelle Akan, Adiaffi se révèle être, dans son écriture, le poète-kômian car il y « proclame la langue des dieux ». (P. Camby, 1978, en ligne). C’est dire que poésie et spiritualité, et plus précisément, poésie et prêtrise entretiennent bien une parenté notionnelle. On se souviendra que Orphée est ce personnage religieux dont la parole emprunte sa puissance à la puissance divine. En lui, le personnage poétique ne se dissocie pas du personnage religieux, ni le mage du théologien. Et cela s’observe par son action sur les choses et sur les êtres par le rythme, le symbole et les mots, et ce, dans une transcendance oratoire.

À juste titre, Victor Crastre, dans Poésie et mystique (1966), parle de la non matérialité mathématique du genre poétique. Il montre que « mysticisme et sacré constituaient des formes souvent privilégiées, toujours très riches, de l’inspiration poétique. » (V. Crastre, 1966, p. 8). Autrement dit, l’écriture poétique, du fait qu’elle transcende les apparences premières, appartient forcément à la sphère du sacré, du mystère et à la sous réalité, domaine dont se délectent tout mystique, et, notamment le Kômian. On en déduit que le poète-kômian est un pratiquant de la poésie-kômian qui est une poésie hautement animiste ou bossoniste. Dans l’animisme, toute chose est dotée d’âme, même les mots. Il en découle une poésie ésotérique, une poétique du sacré. Selon cette vision spiritualiste, le poète-kômian confère une âme à chacun de ses mots dans un élan litanique ou liturgique. Dans la poésie-kômian, les mots sont chargés spirituellement, atteignant le degré anagogique de l’écriture (B. Zadi Zaourou, 1978) où les mots ne sont plus des mots, mais des êtres. La poésie négro-africaine, parce qu’elle est issue d’une civilisation où le mystère est un charme, se trouve être investie et parsemée de relents mystiques. L’extrait qui suit le montre :

… vous nuages des ans aqueducs de sable de kapok… le temps fertile de vos cornes de buffle… Un gri-gri de bonheur s’y recèlerait que vous n’y verriez que des malheurs à carier des vies de chien… (p. 6)

Ici, sous l’effet de la transe, la parole du poète-kômian s’adresse à un destinataire illogique dans sa nature du fait de son caractère inanimé : les « nuages ». Ceux-ci sont dotés de « cornes de buffles ». De l’avis de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant dans le Dictionnaire des symboles (1969, 1982), « la corne a le sens d’éminence, d’élévation. Son symbolisme est celui de la puissance. […] elle peut aussi devenir un vecteur symbolique solaire et mâle. C’est ce qui explique qu’elle apparaisse souvent comme un symbole de la puissance virile. » Du coup, derrière le signe textuel « nuages » auquel est associé les « cornes », il faut voir l’émanation d’une divinité masculine avec qui le poète-kômian entre en communion par l’adresse qu’il lui fait.

Cet anthropomorphisme s’observe à maints endroits du texte. La relation à l’autre, destinataire obligé dans toute énonciation, s’opère à l’adresse des éléments de la nature : « vous nuages » (p. 6), « Taisez-vous volcans parole de cendre de pierre de bave et d’insomnie… » (p. 12), « Allez-vous vous taire enfin têtus volcans ? Vos paroles d’éveil elles me brûlent le cœur » (p. 13), « O Terre je t’invoque au nom du ciel de la terre et de l’homme, O Terre entends ma voix ! O Terre rappelle-toi des petites lèvres qui mordillaient ta poitrine croyant téter le sein maternel longtemps refroidi. » (p. 23), « Ciel Ciel je te fumerai pareil à un gros cigare de colère de grosses bouffées de nuages noirs pour arroser la terre de déluge… Terre Terre je te dégusterai par passion du ciel / pareil à un gingembre de couleur de grosses dents… » (p. 24).

Dans ces différents énoncés, le poète s’adresse à diverses entités de la nature selon l’idéologie animiste kômian. Derrière chacune d’elle, il y a une divinité dont la convocation implique tout ce qui lui est rattaché. C’est le cas, par exemple, des entités « Ciel » et « Terre » qui prennent une valeur de noms appellatifs. On notera au passage qu’ils sont répétés. Ce procédé révèle, en cette séquence, un trait important de l’aura mystique de la poésie-kômian : l’incantation. Il s’agit d’une éruption saccadée de paroles ferventes où on invoque les ancêtres ou la nature, ce grand temple où habitent les esprits. Dans l’énoncé de la page 23, l’on remarque le triple « O » vocatif exprimant justement l’interpellation directe ou l’invocation d’une personne (ou d’une divinité) au moyen d’un appellatif : le mot « Terre ». Ici, le rythme, en tant que réitération d’un morphème dans l’énoncé phrastique, crée un bruit psychologique dans l’esprit du lecteur-auditeur et y fait naître une certaine animation, un certain bruissement, le bruissement de la parole fervente, de la parole de foi. En outre, la structure épanaleptique6 : « Ciel Ciel » et « Terre Terre » organisant la répétition de ces appellatifs, produit un effet rythmique qui renforce l’atmosphère incantatoire. Soulignons, enfin, que « Ciel » et « Terre » portent la marque de la supériorité par la majuscule à l’initiale, comme pour souligner leur sacralité.

Ajoutons à cela que les référents « Ciel » et « Terre », par symbolisation de degré anagogique sont aussi élevés au rang de divinité, du fait de leur pouvoir de procréation. À ce niveau, il faut prendre en compte la pensée religieuse, philosophique et sociologique de la communauté Akan à laquelle appartient le poète-kômian Adiaffi. Selon la cosmogonie Akan, en effet, le « Ciel » et la « Terre » sont des personnages mythologiques, géniteurs du monde. Adiaffi l’explique en ces termes : « Au commencement NANA NIAMIEN KWAME (le ciel) et ASSIE YABA (la terre) formaient un couple. C’est de leur union qu’est né le monde. » (B. Gnaoulé-Oupoh, 2000, p. 277-280). La poétisation de ces référents leur fait subir une mutation symbolique de sorte que la terre s’apparente à une épouse :

Terre Terre je te dégusterai par passion du ciel

pareil à un gingembre de couleur de grosses dents

de rocher à soulever le ciel de son socle orageux (p. 25-26)

Ici, la lexie « Terre », perçue comme une épouse, suscite une passion amoureuse accomplie dans l’acte sexuelle révélé par le verbe « dégusterai ». Cette dégustation se réalise par le canal du sexe :

Sur ton sexe à l’endroit encore fertile au beau milieu de

Ton vagin marécageux je planterai un avocatier d’effluve (p. 41)

Le signe textuel « sexe » qui apparaît dans ce dernier énoncé est une autre mutation de la terre qui témoigne de sa forte charge symbolique et pose cette divinité comme le symbole de la fécondation à la base de la société nouvelle.

Identiquement, au fil des pages de D’éclairs et de foudres, l’on découvre que l’extase poétique, est celle d’une expansion infinie des facultés de l’âme. Le mot poétique qui en est le moteur établit un accord entre le monde des esprits et celui de l’homme. Dès lors, le langage poétique, échappant au réel à signifiance immédiate, vise à poser l’homme dans la nature, une nature omniprésente tant au niveau de sa perception de l’univers que par les éléments le fondant. L’Africain ne peut être que si ces éléments sont et il ne peut s’épanouir qu’en les respectant, car cette nature s’est construite pour lui :

Le ciel et la terre

Se sont bien séparés par passion par amour pour

LE FEU

L’EAU

L’AIR

Qui n’en finissent de leur rendre hommage à toujours remuer ciel et terre

pour ce don total de soi (p. 25)

« LE FEU / L’EAU / L’AIR » qui figurent dans cet extrait font partie des éléments qui composent l’univers. Leur importance ésotérique justifie leur inscription en caractère capital dans le texte. Selon Julia Kadri (2021, en ligne) chaque élément correspond à notre signe solaire. De ce point de vue, dans la pensée animiste, chacun de nos actes est déterminé par l’influence de ces éléments qui sont un « don » du couple ciel et terre. Aussi doivent-ils être vénérés. Ici encore se dégage l’illogisme de la communication, du point de vue du langage conventionnel, déjà observé dans les extraits précédents et qui échappe à la logique cartésienne du discours occidental. Cet illogisme qu’impose le déploiement du mot poétique vise à « embrasser une logique autre celle-là, une logique africaine de la parole. Nous sommes dans un monde de l’immanence où l’on parle aux esprits, où des offrandes sont faites à la terre, au ciel, aux éléments de la nature. » (K. J.-P. Djiropo, 2008, p. 99-114). Le poète-kômian se place, de ce fait, non point dans l’universel, mais dans un monde africain où l’irréel est l’interface du réel.

Conséquemment, dans D’éclairs et de foudres, le langage poétique se connecte au langage prosaïque, conduisant le lecteur dans un univers plus logique, plus cohérent pour une célébration, mieux, une « redignification » des valeurs culturelles africaines, posant de cette façon les jalons d’un retour à l’estime de soi. Et c’est la pratique du bossonnisme qui en est la parfaite illustration.

Conclusion

L’examen du concept de « redignification » dans D’éclairs et de foudres nous a fait découvrir un Jean-Marie Adiaffi complètement amoureux de la culture négro-africaine, notamment, celle du terroir Akan. Dans un verbe haut, il a d’abord su faire ressurgir de la mémoire collective, des souvenirs traumatiques, tout en valorisant sa culture par la mise en lumière de genres dits mineurs. À ce stade, la « redignification » se confond à une idéologie négro-africaine marquée par la dénonciation de l’agressivité occidentale et la valorisation de la culture africaine. Ensuite, rempli du sentiment positif d’indignation, au regard de ces expériences mémorielles douloureuses vécues, le poète s’arc-boute à nouveau à sa culture, avec l’esthétique n’zassa, pour confondre l’Occident en lui indiquant la voie humaniste de l’hospitalité africaine, de l’ouverture. La « redignification » s’y perçoit alors comme une esthétique du mélange des genres. Cette cohabitation sur le plan générique suggère un renversement de la pensée dominante contenu dans la pratique des genres dit majeurs, par celle émergente et africaniste, portée par les genres dits mineurs. Enfin, pour conjurer totalement ces siècles de viol du continent noir, Adiaffi propose la pratique du bossonisme, en tant que religion africaine, pour permettre la libération spirituelle du négro-africain et faciliter le retour à l’estime de soi. Dans cet élan, il assume pleinement ses fonctions de poète-kômian pour porter au loin la parole libératrice.

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1 La négritude est un mouvement nègre qui a pour objectif de rendre la dignité aux peuples noirs, après plusieurs années de frustration psychologique, culturelle et politique. Léon Gontran Damas, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor en sont les principaux animateurs.

2 Jean-Marie Adiaffi est de l’ethnie Agni. La langue agni est parlée à l’est de la Côte-d’Ivoire.

3 Selon Véronique Duchesne (2000, op. cit.), Adiaffi ne revendique pas l’invention de ce terme qui pourtant lui revient : « Quel nom donné à cette religion encombrante ? … nous proposons le nom que les membres de cette religion lui donnent eux-mêmes : Le Bossonisme. » (Manuscrit, vers 1993).

4 « Sur la côte du Golfe de Guinée, les populations de l’aire culturelle akan (qui correspond à un large territoire s’étendant sur la Côte d’Ivoire et le Ghana), partagent le même système religieux basé d’une part sur le culte des « ancêtres » et d’autre part sur le culte des puissances du terroir appelés boson en langue Agni (pluriel boson mô). La langue Agni est parlée […] principalement dans le sud-est de la Côte d’Ivoire. » (Cf. V. Duchesne, 1996).

5 À propos de son initiation à la prêtrise kômian, Adiaffi révèle dans ses manuscrits : « Scribe des temps futurs, j’étais accroupi auprès de ces grandes maîtresses initiatrices inconnues, pour écouter, voir, enregistrer. Écrire. Écrire. Écrire étudier, suivre attentif leur enseignement, comme si étant sorti de la Sorbonne, j’étais revenu à l’École primaire où je devais recommencer mes études à zéro, tant grande était mon ignorance et profond leur savoir initiatique, ésotérique : les mystères, les secrets détenus par ces prêtresses qualifiées d’analphabètes selon le seul critère du savoir occidental. J’étais perdu, honteux et furieux en pensant que je m’étais gavé comme une oie d’idées grasses, d’idées reçues, de fausses idées, sources de mon aliénation. Avec courage mais non sans déchirure, je remets en question mon savoir occidental et toute ma vie en question. » (Cf. Adiaffi, 1999, manuscrit, op. cit.).

6 L’épanalepse est une figure qui consiste en la répétition simple, après un intervalle, d’un ou plusieurs mots, ou même d’un membre de phrase. (Cf. H. Morier, 1975 et G. Mounin, 1974).

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